STMicro: le marché doute à tort

Le titre nous semble pâtir d’un excès de prudence à l’égard de l’ensemble du secteur. 

Jocelyn Jovène 04.11.2022
Facebook Twitter LinkedIn

ST

Investir dans une industrie aussi cyclique que celle des semi-conducteurs dans un contexte de ralentissement, voire de probable récession économique, ne fait en apparence aucun sens d’un point de vue boursier.

Mais lorsque les valorisations de certains fabricants atteignent des niveaux anormaux au regard de leurs fondamentaux, garder son sang froid et se montrer rationnel permet de saisir des opportunités qui offriront sans aucun doute des rendements attrayants sur le long terme (par long terme, nous entendons 10 ans et plus).

STMicroelectronics (« Narrow Moat ») en fait partie.

La société fabrique des capteurs, des microcontrôleurs vendus aux secteurs de l’automobile, aux fabricants de smartphones ou à l’industrie.

ST a publié de solides résultats trimestriels, marqués par une nette amélioration de ses marges, et affiche des prévisions raisonnablement optimistes pour la fin de l’année.

La Bourse n’y trouve pas son compte, jugeant décevantes les perspectives de court terme, et sanctionne le titre, qui perdait jusqu’à 8,5% jeudi à son plus bas de séance.

Au cours actuel, et avant ajustement probable du consensus, le titre STMicroelectronics vaut 9x le bénéfice par action attendu l’an prochain, soit une décote par rapport à un multique historique de 23x (P/E médian depuis 2004), à la plupart des fabricants de semi-conducteurs cotés (la décote de valorisation varie entre 21% et 45% selon le critère retenu) et même au marché européen (et français) des actions.

Cette décote peut en partie s’expliquer par des niveaux de rentabilité du capital en-deçà de fabricants cotés comme Texas Instruments (« Wide Moat »), Analog Devices (« Wide Moat »), Infineon (« Narrow Moat »), NXP Semiconductors (« Narrow Moat ») ou Microchip (« Wide Moat »).

Mais ST a d’autres atouts, notamment un bilan solide et des perspectives de croissance favorables sur le long terme.

Dans un contexte de marchés très volatils et d’abandon des valeurs technologiques, un moyen de savoir si les investisseurs n’achètent une « value trap » consiste à estimer ce que le cours actuel de STMicroelectronics intègre en matière de perspectives financières.

A partir d’un modèle d’actualisation des flux de trésorerie disponible, on se rend compte que le marché pense que STMicroelectronics n’aurait aucun potentiel d’amélioration de ses marges.

Une autre façon d’envisager le cas ST, consiste à évaluer la valeur du titre à croissance zéro.

Sur la base d’un coût du capital de 10% et de l’estimation de BPA 2023 du consensus (3,85 euro par action), fait ressortir une valeur intrinsèque de 38,5 euros par action. Même si le consensus devait être revu en baisse de 30%, récession mondiale oblige, le titre vaudrait près de 27 euros.

En conclusion, la faible valorisation actuelle de ST est peut-être vraisemblable à court terme. Mais sur le long terme, on peut en douter.

Il suffit pour s’en convaincre de regarder l’histoire de l’entreprise au cours des 15 dernières années et la profonde transformation de sa stratégie et de son positionnement concurrentiel.

Entre 2007 et 2021, le chiffre d’affaires de ST est passé de 10 à 12,7 milliards de dollarsn, soit une croissance somme toute modeste. Mais son taux de marge brute est passé de 35,5% à 41,8%, et son taux de marge opérationnelle a rebondi de -5,5% à 19%.

Des esprits chagrins expliqueront que l’effort de R&D de la société a chuté (de 18% des ventes à 13,5%), mais il faut rappeler que le portefeuille des activités de ST a été transformé et que l’entreprise est présente sur des marchés dont les perspectives de croissance sont pérennes.

ST a fait le pari d’industries où la course aux procédés de fabrication les plus avancés n’a aucun lieu d’être, et où la différenciation entre acteurs repose avant tout sur leur capacité à nouer des relations stratégiques avec les clients.

L’entreprise a ensuite fait le pari de secteurs d’activité où la part de l’électronique embarquée n’a cessé de croître depuis une dizaine d’années.

L’automobile en est un exemple flagrant. De 16%, le contenu en électronique des voitures particulières devrait atteindre 35% en 2025 selon une étude.

Ce marché devrait d’ailleurs être celui qui croit le plus vite d’ici 2030, de même que l’industrie (respectivement +16,3% et +10,5% par an), selon une estimation du marché mondial des semi-conducteurs publiée dans le dernier rapport annuel de l’équipementier ASML.

Ces éléments devraient en toute logique offrir de solides relais de croissance et peut-être réduire la volatilité des résultats de l’entreprise.

De quoi tempérer l’inquiétude des investisseurs qui souhaiteraient parier sur le futur de STMicroelectronics.

 

© Morningstar, 2022 - L'information contenue dans ce document est à vocation pédagogique et fournie à titre d'information UNIQUEMENT. Il n'a pas vocation et ne devrait pas être considéré comme une invitation ou un encouragement à acheter ou vendre les titres cités. Tout commentaire relève de l'opinion de son auteur et ne devrait pas être considéré comme une recommandation personnalisée. L'information de ce document ne devrait pas être l'unique source conduisant à prendre une décision d'investissement. Veillez à contacter un conseiller financier ou un professionnel de la finance avant de prendre toute décision d'investissement.

Facebook Twitter LinkedIn

Valeurs citées dans l'article

NomValeurVariation (%)Notation Morningstar
Analog Devices Inc218,30 USD-1,46Rating
Infineon Technologies AG32,27 EUR0,69Rating
Microchip Technology Inc61,64 USD-5,73Rating
NXP Semiconductors NV223,66 USD-2,06Rating
STMicroelectronics NV24,92 EUR0,81Rating
Texas Instruments Inc196,65 USD-0,29Rating

A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.