Crédit: ce qu’une statistique peut changer

Dès que les chiffres de l’emploi américain ont été publiés vendredi, les investisseurs se sont rués sur les obligations d’entreprises.

Dave Sekera, CFA 11.06.2013
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Ce qu’une statistique peut changer. Tout au long de la semaine dernière, les investisseurs étaient vendeurs d’obligations d’entreprises, mais dès que les chiffres de l’emploi américain sont sortis, tout le monde est redevenu acheteur. La publication – 175000 créations d’emplois – était légèrement supérieure au consensus et le taux de chômage s’est légèrement affaibli à 7,6%. Alors que les prix des bons du Trésor et des matières premières reculaient (notamment les métaux précieux), les investisseurs avaient tendance à écouter les économistes qui prétendaient que la statistique sur l’emploi conduirait la Fed à réduire ses achats d’obligations dès cet été. Au regard de la hausse de 1,3% du S&P 500 vendredi dernier, il semble que les investisseurs actions sont du côté d’un chiffre de l’emploi suffisamment solide pour signifier une poursuite de la croissance économique, mais pas trop élevé pour conduire la Fed à arrêter soudainement sa politique d’assouplissement quantitatif.

Les spreads de crédit se sont élargis tout au long de la semaine, avec une hausse du spread de l’indice Morningstar Corporate Bond de 10 points de base, à 147 points de base jeudi dernier, son niveau le plus élevé depuis le début de l’année. Pourtant, les spreads se sont de nouveau comprimés vendredi, ramenant l’indice à +145 points de base.

Depuis notre changement de recommandation sur la classe d’actifs de surpondérer à neutre à l’automne dernier, le spread moyen de crédit a fluctué entre +130 et +155, avec une moyenne à +140. Nous considérons toujours que l’univers des obligations d’entreprises est correctement valorisé, même si nous reconnaissons que le momentum de court terme conduira au resserrement des spreads de crédit au début de l’été, jusqu’au point bas de la fourchette évoquée précédemment.

Alors que les investisseurs réduisaient le risque au cours de la semaine, le rendement du 10 ans américain a diminué, mais n’a jamais franchi la barre des 2%. Après le rapport sur l’emploi américain vendredi, les achats d’actifs risqués ont repris de plus belle et le rendement du 10 ans a atteint 2,16%, soit le niveau qu’il avait au début de la semaine. Nous avons prévenu les investisseurs à plusieurs reprises qu’une fois que la Fed annoncera son intention de réduire son programme d’achats d’obligations, les taux d’intérêt remonteront d’environ 100-150 points de base dans un temps relativement bref. Historiquement, le rendement du 10 ans est en moyenne 200 points de base plus élevé que l’inflation. Même avec un taux aussi bas que 1%, le rendement du 10 ans pourrait encore progresser de 100 points de base.

Nous n’avons pas encore d’indications de la taille des émissions à attendre cette semaine, mais elle pourrait être significative. De nombreux émetteurs qui avaient prévu de venir sur les marchés la semaine dernière étaient sans doute réservés. Maintenant que les spreads se resserrent et que les traders sont à la recherche de papier, ces émetteurs pourraient rapidement revenir sur le marché. Certains pourraient être tentés d’accélérer leur programme d’émission dans le courant de l’été dans l’anticipation d’une nouvelle phase de remontée des taux longs, plutôt que d’attendre une nouvelle faiblesse à même d’ouvrir une nouvelle fenêtre sur le marché.

Il est toujours surprenant de voir à quel point la mémoire de Wall Street est de court terme. Le Wall Street Journal et le Financial Times ont tous deux rapporté que des gérants d’actifs ont commencé à envisager d’investir dans des CDO synthétiques. Ces supports d’investissement sont des pools de CDS (Credit Default Swaps) qui sont organisés en tranches ayant différents niveaux de protection contre le défaut. Avec des rendements sur les obligations d’entreprises à des plus bas historiques, les investisseurs en quête désespérée de rendement et acceptant un niveau de risque de crédit plus élevé vont logiquement aller sur les tranches les plus basses de ces véhicules. Or certains de ces véhicules n’ont pas tenu leurs promesses durant la crise financière et ont même subi des pertes substantielles.

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A propos de l'auteur

Dave Sekera, CFA  Dave Sekera, CFA, is chief U.S. market strategist for Morningstar.