Que faire de ses obligations indexées sur l’inflation ?

Avec la hausse des rendements et le recul de l’inflation, cette classe d’actif est-elle à détenir à tout prix ?

Christine Benz 30.08.2013
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Les obligations indexées sur l’inflation (ou « TIPS » en anglais pour « Treasury Inflation-Protected Securities ») ont été reconnues comme la seule classe d’actif qui est réellement sans risque. Ces titres s’appuient sur la confiance et la crédibilité des gouvernements, si bien qu’il n’y a pas de risque de crédit.

En outre, la valeur du principal s’ajuste dans le temps pour suivre l’inflation, ce qui protège le pouvoir d’achat de son détenteur – une protection dont ne jouissent pas le détenteur d’obligations traditionnelles.

En supposant que les rendements réels soient positifs – ce qui n’a pas toujours été le cas – un investisseur qui achètent et conservent une obligation indexée jusqu’à maturité a la garantie d’un rendement réel positif.

Les obligations indexées ont également fait la démonstration de leur capacité de diversification à l’égard des actions durant leur courte durée de vie (les premiers titres ont été émis en 1997 aux Etats-Unis). Bien qu’elles n’aient pas affiché les performances des obligations traditionnelles durant la crise financière de 2007-2009, leur corrélation avec les actions petites et moyennes américaines, en particulier, a été l’une des plus faibles au sein des principales classes d’actifs.

Sue Stevens, directeur général de Stevens Wealth Management à Deerfield, Illinois, croit que le rôle de diversification des obligations indexées devrait perdurer. « Nous avons vu des titres monter dans le passé lors des mouvements de fuite vers la qualité de la part des investisseurs en période de tensions sur les marchés financiers », affirme-t-elle. « Avec la possibilité d’une action militaire en Syrie, cela pourrait provoquer une demande pour des titres sûrs – même s’ils devraient baisser du fait d’une hausse des taux d’intérêt. »

En effet, la perspective d’une intervention en Syrie a pesé sur les actions en début de semaine, alors que les obligations indexées se sont bien tenues. Mais cela était plutôt une exceptionnel estivale, puisque les détenteurs de ces titres ont connu une période plus mouvementée. Avec le recul de l’inflation, en grande partie du fait du ralentissement économique des pays émergents, et notamment de la Chine, la demande pour les obligations indexées a été timorée.

En outre, ces titres, comme le reste des obligations, tendent à être moins attrayants lorsque les taux d’intérêt augmentent, comme ils l’ont récemment fait suite aux anticipations d’une diminution des achats d’actifs de la part de la Fed. Pourquoi se contenter d’un titre offrant un faible coupon lorsque de nouvelles émissions mieux rémunérées sont émises ?

Depuis le début de l’année, la catégorie des obligations indexées aux Etats-Unis a perdu en moyenne 7,5% - seules les obligations gouvernementales et les obligations émergentes ont enregistré de moins bonnes performances. Certains fonds spécialisés ont perdu entre 8% et 9%.

L’ouragan qui pèse sur les obligations indexées n’est peut-être pas terminé. Même si les rendements obligataires ont rebondi au cours des derniers mois, ils semblent avoir plus de chance de continuer à progresser qu’à reculer. Comme l’observe Stevens, « Bien que le rendement des obligations est en partie lié à l’inflation, cela ne semble pas suffisant pour compenser une chute de leur valeur si les taux d’intérêt remontent. »

Quelle allocation dans les portefeuilles ?

Que peut faire un investisseur dans de telles circonstances ? Voici quelques éléments de réponses des experts à l’intérieur et en dehors de Morningstar.

L’un des thèmes prévalant au sein des allocations d’actifs pour la plupart des investisseurs individuels est que les obligations indexées sur l’inflation ne devraient pas être une composante significative lorsqu’ils sont dans une optique d’accumulation. Le raisonnement est que pour ces investisseurs, en supposant qu’ils travaillent, sont susceptibles de voir leur rémunération suivre le rythme de l’inflation, tandis que leur allocation est largement dominée par les actions, lesquelles ont historiquement progressé plus vite que l’inflation.

A l’inverse, pour les investisseurs proches de la retraite, les obligations indexées sur l’inflation représentent une part significative des allocations modèles. Ces individus dépendent en partie des revenus de leurs placements pour financer leurs dépenses courantes. Ils ne disposent donc pas d’un ajustement de leur retraite à l’inflation. En outre, les obligations représentent une part importante de leur patrimoine.

Mise en œuvre

Quelle place accorder aujourd’hui aux obligations indexées sur l’inflation, au regard des défis présents et à venir ?

Pour Rick Ferri, auteur de plusieurs livres sur l’investissement et fondateur de la société de gestion Portfolio Solutions estime que détenir un tiers d’un portefeuille obligataire en obligations indexées sur l’inflation semble trop élevé. « De mon point de vue, il est opportun d’avoir une exposition entre 10% et 20% pour un portefeuille obligataire pour se protéger d’une inflation non anticipée. Faire plus suppose de prévoir une remontée significative de l’inflation. »

Bob Johnson, directeur de la recherche économique de Morningstar, comme d’autres experts, pense que les obligations indexées font plus de sens pour les personnes à la retraite, avec une répartition échelonnée des  obligations dont les maturités coïncident avec les besoins de trésorerie. « Je suis toujours intrigué par les obligations indexées sur l’inflation, mais elles sont très volatiles et sont souvent une source de confusion pour les investisseurs », explique-t-il.

Comme les obligations sont détenues jusqu’à maturité, il n’y a pas de risque de perte de capital, peu importe ce qui arrive aux taux d’intérêt.

William Bernstein, gourou de l’allocation d’actifs, décrit cette approche dans un livre récent (The Ages of the Investor : A Critical Look at Life-Cycle Investing). « Je trouve que c’est un moyen élégant et quasiment sans risque pour payer les dépenses pour la retraite », observe-t-il au sujet de la constitution de portefeuille d’obligations dont les maturités sont échelonnées. Le problème, nuance-t-il, est que les fonds n’ont généralement pas de maturité, si bien que l’effet de l’échelonnement n’a pas lieu. Le côté sans risque de la détention à maturité n’opère pas non plus.

Pour Stevens, la pratique de l’échelonnement est attrayante, mais difficile à mettre en place. « Il est délicat d’acheter des obligations à un prix raisonnable. Si vous les achetez sur le marché secondaire, vous devez faire attention aux primes », explique-t-elle. « Si vous partez à la retraite, ou êtes plus averse au risque, vous pouvez chercher à réduire le potentiel de perte à court terme en réduisant la duration dans un fonds d’obligations indexées. »

Dans l’ensemble, les experts estiment que les obligations indexées ne sont pas à détenir en priorité pour les investisseurs qui cherchent à accumuler du capital, mais constituent un rempart contre l’inflation qui fait bien plus sens pour les retraités.

Pour aider à se protéger du risque lié à l’évolution des taux d’intérêt, les retraités peuvent utiliser l’approche de l’échelonnement des maturités, comme le suggère Bernstein. Alternativement, une stratégie d’obligations de court terme indexées sur l’inflation peut jouer un rôle de protection contre l’inflation sans accroître la volatilité liée à l’évolution des taux d’intérêt. Ces fonds peuvent avoir un intérêt pour les besoins financiers de court terme, et constituent une bonne alternative à la détention de cash.

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A propos de l'auteur

Christine Benz

Christine Benz  responsable des questions de finance personnelle de Morningstar.