Quand les marchés sont incertains, que la tendance n’est pas assurée et que l’appréciation des titres boursiers demeure hypothétique, certains privilégient les valeurs de rendement, ces titres qui, faute de voir leur cours fortement progresser, présentent l’avantage d’être généreux en dividendes. Plusieurs gérants de fonds se sont spécialisés sur ce genre de valeurs avec des fonds tels que Oddo Valeurs Rendement, BNP Paribas Europe Dividende, Montségur Rendement par exemple.
Attention, ces fonds souvent dits de rendement ne sont pas nécessairement des fonds de distribution : ils peuvent avoir une part D, de distribution, mais aussi une part C, de capitalisation. L’intérêt de ces fonds n’est pas qu’eux-mêmes distribuent un dividende, c’est qu’ils investissent dans des actions qui, elles, en distribuent. Cette stratégie «dividendes» prend tout son sens les années où les marchés boursiers sont atones comme en 2007 : dans ces périodes, ce sont les dividendes qui soutiennent la performance, il suffit pour s’en convaincre de comparer les performances de quelques grands indices dans le tableau ci-après dans leurs versions «sans» et «avec» dividendes.
Comment cette approche dividendes est-elle mise en œuvre et quels sont les points communs des fonds qui s’en réclament ? Ils investissent souvent dans des actifs décotés ou dont le PER est peu élevé. Cela signifie que même si le bénéfice est peu élevé relativement au chiffre d’affaires, il est relativement important par rapport au prix de l’action. Deuxième élément, il s’agit souvent de valeurs généreuses en dividendes. Une entreprise peut générer un flux important de cash, mais l’utiliser soit pour financer une stratégie de croissance organique, soit pour procéder à des acquisitions. Dans ce cas, les actionnaires en sont réduits à la portion congrue en matière de dividendes : ces titres de croissance privilégient le réinvestissement sur la distribution.
Cette stratégie dividendes concerne souvent ce que l’on appelle des valeurs de rendement, qui n’ont pas nécessairement de fortes perspectives de croissance de leur activité mais affichant une bonne visibilité et une bonne récurrence des flux. Souvent, il s’agit d’entreprises intervenant dans des secteurs d’activité arrivés à maturité comme les «utilities» : distribution d’eau, concessions telles que les parkings ou les autoroutes, etc. Autre caractéristique de ces fonds de rendement qui affichent un Boîte de Style «value», ils tendent pendant les phases de marchés baissiers à mieux amortir la baisse que leurs homologues ayant un profil croissance.
Centifolia
Ce fonds de grandes capitalisations françaises est géré depuis son lancement par Jean- Charles Mériaux, l’un des gérants les plus expérimentés sur les actions françaises. Il a rejoint DNCA en 2002 et possède plus de 20 ans d’expérience. Son approche de gestion est clairement définie : elle consiste à identifier des entreprises solides financièrement, bénéficiant d’un management de qualité, mais dont les fondamentaux sont sous-évalués par le marché.
Le gérant fait preuve d’une grande discipline sur les valorisations. Il utilise différent critères mais est particulièrement attentif au prix payé rapporté aux bénéfices (P/E). En véritable gérant «value», il n’hésite pas à augmenter les liquidités du portefeuille s’il estime que les opportunités à bon prix se font rares. Par exemple, dès 2006, le niveau de cash du fonds a augmenté jusqu’à atteindre 25 %, protégeant mieux le capital des investisseurs dans la correction qui a suivi en 2007 et 2008. Le cash a été largement redéployé depuis et à fin novembre 2010, le portefeuille était investi à 95 %. La sélection de titres est restée dominée par des grandes capitalisations au profil défensif telles que France Télécom, Total ou Sanofi Aventis dont les valorisations sont, d’après le gérant, très attractives compte tenu du rendement offert.
La performance est tout à fait cohérente avec l’approche. En 2009, le fonds a manqué une bonne partie du rebond à cause de l’absence de financières, de sa sous-pondération sur les cycliques et d’un niveau de cash élevé. En 2010, le bilan est plus nuancé puisque le fonds a bénéficié de l’absence des bancaires mais son exposition conséquente aux télécoms, à la santé et aux services aux collectivités ne lui a pas été favorable. Les périodes de sous-performance sont indissociables de la stratégie et les résultats doivent s’apprécier sur une plus longue période. Le bilan est alors sans équivoque : sur 3, 5 ans et depuis son lancement à fin décembre 2010, le fonds se classe confortablement dans le 1er décile de la catégorie.
Si le fonds affiche un PE de 11,34, que faiblement en dessous du PE moyen de la catégorie qui s’établit à 13,21, il convient de noter qu’un fonds Actions France comme Axa France Opportunités qui n’a pas ce profil «value» affiche un PE de 17,75 ! Centifolia est noté Supérieur.
Europe Rendement
Ce fonds géré par Edmond de Rothschild AM suit une approche disciplinée et prudente que nous trouvons pertinente. Comme son nom l’indique, la stratégie est avant tout orientée vers les valeurs présentant un dividende élevé, et le fonds appartient à la catégorie Actions Europe Grandes Capitalisation Value. La sélection de titres s’attache à identifier les entreprises qui, grâce à la qualité de leur management et à la solidité de leur «business model», seront les plus à même de maintenir ce rendement élevé sur le long terme.
Le caractère défensif du fonds est par ailleurs renforcé par la limitation imposée quant à l’exposition aux valeurs cycliques. Celles-ci sont définies de façon assez restrictive, elles incluent par exemple les financières et les entreprises du secteur de l’énergie, et ne peuvent jamais dépasser la moitié du portefeuille. Le fonds est donc en permanence composé à hauteur de 50 % minimum de valeurs défensives ou de liquidités. Le cash est en effet une partie intégrale de la stratégie et peut représenter jusqu’à 20 % des actifs. Couplé aux actions à haut dividende et au fait que le fonds n’investit pas dans les «small caps», il contribue à amortir considérablement les chocs de marché. Ainsi, en dépit de son caractère concentré (38 valeurs à fin novembre 2009), le fonds affiche une volatilité inférieure à la moyenne de la catégorie sur 5 ans.
Un autre point fort de ce fonds clairement «value» réside dans l’expertise de Philippe Lecoq, son gérant depuis décembre 2005. Il dispose d’une grande expérience de la gestion et a notamment bâti un «track-record» très honorable dans ses précédentes fonctions chez Ofivalmo. Depuis septembre 2008, il est soutenu par Anthony Penel, cogérant du fonds.
En mars 2009, un troisième gérant expérimenté a rejoint l’équipe d’actions européennes ramenant ainsi ses effectifs au complet suite au départ de 2 gérants en 2008. Nous apprécions la forte cohésion de ce trio (ils viennent tous du groupe OFI) ainsi que la stabilisation de l’équipe. Cela reste d’autant plus indispensable que l’équipe ne dispose pas d’analystes en interne pour couvrir le vaste univers des actions européennes.
A cet égard, les gérants font une utilisation très efficace de divers filtres quantitatifs afin de focaliser leur recherche fondamentale sur un univers réduit d’actions décotées. Depuis décembre 2005, le fonds a ainsi construit un historique de performance satisfaisant, et tout à fait conforme aux attentes que les investisseurs peuvent nourrir pour cette stratégie prudente de coeur de portefeuille. Il a en effet bien mieux résisté que la moyenne de la catégorie en 2008, et s’est classé dans le 3ème quartile en 2009 dans un contexte de marché fortement haussier.
Notre principale réserve quant aux perspectives de ce fonds concerne le total des frais sur encours facturés aux investisseurs, qui figure parmi les 20 % les plus chers du marché. Cela réduit grandement notre conviction, d’où une note Standard pour ce fonds.
Petercam Equities Europe Dividend
Comme son nom l’indique, ce fonds investit dans des valeurs européennes offrant un dividende élevé et appartient à la même catégorie que le précédent. Le gérant s’est donc naturellement montré très prudent sur le secteur bancaire en 2009, celui qui a le mieux performé. Alors que les banques étaient sous perfusion des Etats, il est resté sceptique quant à la capacité de celles-ci à légitimer le versement d’un dividende élevé et a donc raté leur rebond. Il est depuis revenu progressivement et sélectivement sur le secteur. Sur le long terme, la performance du fonds reste bonne : de son lancement, il a surperformé la catégorie de 1,47% annualisés tout en affichant une volatilité inférieure. L’accent mis sur les dividendes permet en effet d’atténuer les chocs de marché, et le fonds peut donc être utilisé en coeur de portefeuille.
Olivier Hertoghe gère le fonds depuis son lancement en septembre 2002, et a su adapter le thème du dividende aux différentes conditions de marché. Il poursuit une gestion de conviction, avec un portefeuille relativement concentré autour de 40 à 65 valeurs sélectionnées sans aucune référence à un indice. Le pragmatisme d’Hertoghe est sans équivoque : ainsi, dans les marchés baissiers de 2002, il portait une attention plus particulière à la soutenabilité des dividendes alors qu’en 2003, lors de la reprise, l’accent fut mis sur leur progression. Depuis le début de l’année, il favorise à nouveau des sociétés qu’il considère comme capables de faire croître leur dividende même si le portefeuille conserve un profil relativement défensif comme l’atteste la surperformance du fonds en mai dans des marchés de nouveau chahutés.
Hertoghe travaille en étroite collaboration avec le très expérimenté responsable actions du groupe, Guy Lerminiaux, ainsi que le responsable de l’équipe d’analystes sectoriels, Ignace De Coene. Celle-ci compte 8 analystes sectoriels relativement expérimentés, et permet à notre avis au gérant de couvrir l’univers d’investissement de façon adéquate. Petercam parvient à maintenir une forte cohésion de ses équipes et se montre globalement sensible à l’intérêt des investisseurs. Ceci est notamment perceptible via le maintien de frais de gestion très raisonnables. Ce fonds ne fait pas exception puisqu’avec un TER à 1,16%, il fait partie des 20 % les moins chers de la catégorie.
Combiné à la solidité de l’équipe et au maintien d’un processus cohérent qui a délivré de bons résultats sur le long terme, cet élément contribue à notre appréciation positive du fonds. Notons que le fonds affiche un PE de 10,42 en ligne avec le PE moyen de sa catégorie qui est à 11,94. Il en est de même au niveau de son ratio PS (Price / Sales, Cours / Chiffre d’affaires) qui est de 0,84 lui aussi assez logiquement en ligne avec la moyenne de la catégorie (0,82). Pour information, précisions que le PS moyen de la catégorie Actions Europe Grandes Capitalisation Croissance s’établit à 1,15. Le fonds est noté Supérieur.
Cet article a été initialement publié dans le magazine MorningstarProfessional - mars 2011.