Quelques questions à se poser avant d’investir dans un fonds Marchés Emergents.

Facebook Twitter LinkedIn

Dans le rallye boursier mondial de ce printemps, les fonds Marchés Emergents sont montés en flèche, devançant la plupart des autres fonds actions. Certes, les catégories Morningstar Actions Internationales Grandes Capitalisations et les catégories Actions Europe Grandes Capitalisations ont gagné environ 30% depuis les débuts du rallye le 10 mars jusqu’au 12 juin. Certains fonds thématiques, par exemple les fonds Matières Premières, ont aussi enregistré des résultats impressionnants. Mais les fonds Marchés Emergents et Asie Pacifique Hors Japon ont gagné encore plus pendant cette période, 46% et 43% respectivement, les fonds Amérique Latine progressant de 50%. Pendant ce temps là, les offres dédiées à la Russie et à l’Inde étaient en hausse de plus de 75% sur la période.

Les gains stupéfiants des fonds Marchés Emergents sont en partie dus aux investisseurs retrouvant le goût du risque et au fait que ces fonds ont perdu beaucoup de terrain depuis la fin 2007 jusqu’à l’écroulement des marchés en 2008, leur donnant ainsi une grande marge de progression. (D’autres types de fonds au risque élevé qui avaient soufferts de grosses pertes avec la débâcle financière sont aussi remontés avec vigueur au printemps). Toutefois cette récente surperformance tient aussi à l’enthousiasme des investisseurs pour les conditions macroéconomiques prometteuses des pays en développement. On peut en effet s’attendre à voir la plupart de leurs avantages économiques par rapport aux pays développés – tels que des taux de croissance du PIB plus élevés et des démographies dynamiques – persister pendant les années à venir. Tout cela est encourageant, et une exposition modérée aux marchés émergents est tout à fait sensé pour la plupart des portefeuilles de long terme. Néanmoins les investisseurs devraient approcher cette classe d’actifs avec précaution.

Déjà assez d’exposition aux marchés émergents ?

Avant toute chose, les investisseurs doivent vérifier leur exposition aux marchés émergents à travers les fonds qu’ils ont déjà en portefeuille. En effet beaucoup de fonds investis sur les actions internationales ont déjà une exposition aux marchés émergents. Par exemple, la catégorie Actions Internationales Grandes Capitalisations Croissance possède en moyenne 6% d’exposition aux émergents et ce niveau est déjà grimpé au-delà de 10% ces dernières années. Carmignac Investissement , Fortis L OBAM Equity World et ING (L) Invest Global Growth ont actuellement entre 15 et 20% de leurs actifs investis sur les marchés émergents tout comme AXA WF Talents sur les petites et moyennes capitalisations internationales.

Certains fonds investis en Europe prennent aussi des positions sur les marchés émergents comme par exemple Métropole Best of Europe, Fidelity European Special Situations ou encore Carmignac Portefeuille Grande Europe ont entre 7 et 14% de leurs actifs investis dans les pays émergents d’Europe, incluant parfois la Russie ou la Turquie. De nombreux investisseurs ont donc déjà une partie de leur portefeuille exposée aux marchés émergents sans pour autant détenir un fonds qui y soit entièrement dédié.

Risques et performances élevés

Les investisseurs souhaitant plus d’exposition aux marchés émergents devraient s’assurer qu’ils ont bien pris en compte la nature chaotique de ces derniers. Ce que nous observons au cours de ce printemps n’est pas une première, les fonds dédiés aux marchés émergents ont par le passé connu des ascensions fulgurantes lorsque les conditions leur étaient favorables. Ils ont déjà affiché des gains énormes, dépassant tous les autres types de fonds entre le début de l’année 2003 jusqu’à fin 2007, alors qu’une économie mondiale robuste tirait la demande pour les produits et matériaux des pays émergents et que les conditions locales étaient favorables dans la plupart de ces pays.

Néanmoins, à cause de la dépendance de beaucoup de ces économies au prix des matières premières, de la concentration sectorielle de la plupart des marchés émergents, et d’autres facteurs, ces fonds sont extrêmement risqués et enclins à des chutes brutales lorsque l’environnement économique n’est plus favorable. Par exemple les fonds Asie-Pacifique hors Japon, Amérique Latine, Europe Emergente et Marchés Emergents (ces derniers investissant dans les zones émergentes à l’échelle globale) ont été parmi les fonds d’actions internationales les plus volatiles sur les dix dernières années. Sur la période de fin 2007 jusqu’au début 2009, alors que la demande pour les produits et matières premières des pays en développement s’affaiblissait, les fonds de ces quatre catégories ont plus souffert que les fonds investis en actions internationales, perdant jusqu’à 55% de leur valeur, 70% même dans le cas de la catégorie Europe Emergente.

Cette période difficile n’est pas un incident isolé. Les quatres catégories évoquées ci-dessus ont affiché à plusieurs reprises des pertes annualisées de 20% ou plus en glissement annuel lors de la dernière décennie – en plus de celles subies entre fin 2007 et début 2009.

On compte cependant plus de périodes à la hausse qu’à la baisse pour ces fonds. Sur les dix dernières années, les fonds Europe Grandes Capitalisations affichent une performance de -1,50% à -2,30% en moyenne par an et les fonds Europe Petites Capitalisations 1,30%, alors que les fonds Marchés Emergents, Amérique Latine, Europe Emergente ont produit entre 4% et 10% de performance annualisée. Ces résultats sur dix ans sont d’ailleurs plus représentatifs du potentiel de long terme de ces fonds que les énormes gains engrangés récemment.

Choisir prudemment

Le premier élan de beaucoup de passionnés des marchés émergents est de sélectionner des fonds dédiés aux places boursières les plus en vogues ou bien des fonds qui laissent la compétition loin derrière lors des rallyes boursiers. Mais comme nous l’avons déjà mis en évidence par le passé chez Morningstar, les fonds uniquement investis sur un pays émergent ou d’autres offres agressivement positionnées sur ces marchés sont problématiques.

Les fonds investis sur un seul pays émergent ne peuvent échapper aux problèmes de leur marché local et ont tendance à être concentré sur un nombre réduit de secteurs, ils sont donc susceptibles de connaître des pertes effroyables lorsque les conditions économiques se retournent contre eux. Les fonds Russie ont perdu près de 65% de leur valeur entre la fin de l’année 2007 jusqu’au pic de la crise au début 2009, payant cher les choix erratiques du gouvernement et la forte exposition structurelle du marché russe au secteur des matières premières qui sont venus s’ajouter aux difficultés typiquement rencontrés par les pays en développement. Quelque fonds régionaux, tels que ceux dédiés à l’Amérique latine ont des faiblesses similaires. (Les fonds Asie-Pacifique hors Japon font exception à cause du nombre, de la taille et de la diversité des marchés de la région). Quant aux fonds investissant de manière plus globale sur les marchés émergents mais qui suivent des stratégies très agressives, ils ont tendance à dévisser complètement en période difficile. Leur style de gestion, par exemple sur des très petites capitalisations ou sur des pays fortement instables, exacerbe les risques déjà élevés que l’on prend à investir dans les pays en développement.

Enfin, la surperformance de ces fonds extrêmement aventureux ne compense pas toujours les pertes supplémentaires qu’ils endurent en marché baissier. Et même quand ils y arrivent, la volatilité exceptionnelle de ces fonds rend leur utilisation difficile pour la plupart des investisseurs. C’est pour ces raisons que pour la grande majorité des investisseurs le meilleur moyen de s’exposer aux marchés émergents est de choisir des fonds investi sur plusieurs marchés, par exemple les fonds de la catégorie Marchés Emergents et Asie-Pacifique hors Japon, et de choisir ceux qui suivent une stratégie conservatrice ou tout du moins modérée. Parmi les fonds investis sur un large spectre de marchés émergents, Magellan, First State Global Emerging Market, JPM Emerging Markets Equity ou Robeco Emerging Stars Equities constituent de bons choix d’investissements. Pour l’Asie-Pacifique, Fidelity South-East Asia et Investec GSF Asian Equity sont des fonds qui méritent à notre avis un coup d’œil. Pourtant même ces fonds requièrent de la patience et nous ne pouvons qu’encourager les investisseurs à adopter une vision de long terme, à investir régulièrement pour lisser leur prix moyen d’entrée, et à garder une part modeste de leur portefeuille sur ce type d’investissement.

Facebook Twitter LinkedIn

A propos de l'auteur

Mathieu Caquineau, CFA

Mathieu Caquineau, CFA  Analyste fonds senior, Morningstar France