"Mon beau-frère me dit qu’il ne faut pas trop se fier aux étoiles pour choisir un fonds, est-ce qu’il a raison ?"
Je vous remercie de votre question et de votre fidélité. La notation quantitative à base d’étoile permet-elle de sélectionner un fonds ? J’ai déjà répondu à plusieurs reprises à cette question, et ce depuis le début des années 2000. Je vous invite donc à lire l’article La notation, pour quoi faire ?, ou encore L’avenir est-il dans les étoiles ?
Comme je sais que votre temps est compté, je répondrai en synthèse que bien évidemment il ne suffit pas qu’un fonds soit noté 4 ou 5 étoiles pour l’acheter les yeux fermés. La notation à base d’étoiles, sur 3, 5 ou 10 ans, tient compte des performances passées et de la volatilité du fonds, ainsi que de ses frais de souscription. Le fait qu’un fonds soit noté 5 étoiles signifie simplement que sur la période considérée le fonds a "fait mieux" que ses homologues.
Enfin, sachez que cette notation quantitative est relative, et non absolue : pour une catégorie donnée, il y a toujours des fonds notés 5 étoiles (10% de la population notée) et des fonds notés à l’inverse 1 étoile. Bref, la notation à base d’étoile offre une vision synthétique des performances relatives passées pondérées de la volatilité et des frais de souscription.
Se poser les vraies questions
Alors, si la notation quantitative ne donne qu’une vision partielle du fonds, touchant essentiellement les performances passées, comment se faire une opinion sur un fonds ? Pour essayer de répondre à cette question, prenons un cas concret, par exemple le fonds Carmignac Euro-Entrepreneurs.
Comme son nom le laisse clairement entendre, il s’agit d’un fonds s’intéressant à des valeurs entrepreneuriales, donc plutôt de type petites et moyennes capitalisations, bien que le domaine des grandes capitalisations ne puisse pas être totalement exclu. D’ailleurs le prospectus du fonds précise qu’il est "géré de manière discrétionnaire avec une politique active d’allocation d’actifs, qui a pour objectif de sur-performer son indicateur de référence l’indice DJ Stoxx 200 Small".
Le fonds est classé dans la catégorie "Actions Europe Petites Cap". Pas uniquement parce que selon son prospectus il vise à battre un indice small cap, mais parce qu’il s’agit de son environnement compte tenu de ce que nous savons de son portefeuille. Mais, me direz-vous, la Boîte de Style du fonds, tend à monter qu’il a un profil valeurs moyennes.

Cette Boîte de Style a été calculé sur la base du dernier portefeuille du fonds dont nous disposions, à fin octobre 2008. Mais en y regardant de plus près, on constate que ce profil valeurs moyennes est récent…

L’image ci-dessus montre l’évolution du portefeuille de Carmignac Euro-Entrepreneurs entre décembre 2002 et octobre 2008. Les points les plus petits représentent les portefeuilles les plus anciens. On constate que sur le début de la période considérée le barycentre du fonds est situé au centre de la case petites valeurs croissance. Progressivement, il se déplace vers la gauche (Value) et vers le haut (Valeurs Moyennes). Si le fonds devait résolument voir son portefeuille se positionner sur la Valeurs Moyennes, nous serions amenés à le changer de catégorie. Mais pour l’heure nous constater qu’il est "borderline" et tend à redescendre vers de plus petites valeurs.
Bien cerner le profil du fonds
Le changement de profil de capitalisation d’un fonds est explicable de plusieurs façons. Il peut être tout simplement fortuit, surtout quand comme c’est le cas ici le changement de profil est mineur. Ou il peut tenir à l’évolution du "terrain de chasse" que le gérant se fixe.

Sur le graphique ci-dessus on a mis en parallèle l’évolution des encours et celle de l’allocation par capitalisation. La bande orange représente les petites valeurs, la bande verte les valeurs moyenne. A partir de 2005 apparaît sur le graphique une bande bleue pour les grandes capitalisations boursières. On constate, en observant la courbe rouge, que c’est précisément en 2005 que le fonds connaît une accélération dans la croissance de ses encours.
Le gérant qui gère un portefeuille resserré d’une cinquantaine de lignes a-t-il été tenté d’acheter des entreprises affichant une capitalisation plus importante alors que ses encours sont passés entre fin 2002 et septembre 2007 de moins de 5 millions à 74 millions d’euros, avant d’atteindre plus de 200 millions d’euros en mai 2008… Il s’agit d’une question à poser au gérant dans le cadre d’une analyse qualitative, entretien indispensable à qui veut réellement appréhender la dynamique du fonds.
Quant au fait que le fonds appartient bien à la catégorie Actions Europe et non à la catégorie Actions Euroland, cela ressort clairement de son allocation géographique où il apparaît qu’il est investi à hauteur de 42% seulement au sein de la zone Euro

On constate d’autre part que dans ce portefeuille resserré qui compte une cinquantaine de lignes, on ne compte aucune valeur française dans le Top 10. Vous pouvez consulter la liste de 10 premières valeurs détenues en portefeuille en cliquant ici et en regardant en bas de la page. Ce point mérite d’être souligné car parfois les gérants français tendent, sur leur fonds Actions européennes ou de la zone euro, à afficher un léger biais hexagonal.
D’où vient la performance
Coté performance, que peut-on dire ? Certes le fonds affiche, avec un recul de 43,87% une "bonne performance relative" depuis le début de l’année alors que son indice de référence fait -49,26% et que la catégorie à laquelle il appartient lâche 48,69%. Mais on sait que c’est sur une plus longue période que doivent s’apprécier les performances d’un fonds

Sur 3 ans, la performance du fonds apparaît là encore meilleure que celles de son indice et que sa catégorie ; tout comme sur 5 ans. Ceci explique que le fonds bénéficie d’une bonne note quantitative.
D’autre part, on constate qu’il affiche un bon couple rendement/risque (mesuré par la volatilité) sur 5 ans. Quelques fonds affichent sur la période une performance annualisée supérieure, comme le fonds AXA European Small Cap, mais c’est au prix d’une volatilité supérieure.

Au finale, il apparaît que ce fonds se situe sur le haut du panier en termes de couple rendement/risque parmi les fonds de la même catégorie disponibles sur le marché français.
Comment ces résultats ont-ils été obtenus ? Est-ce la conséquence d’une démarche rationnelle et maîtrisée ou est-ce le fruit du hasard ? Bref, peut-on se baser sur les performances passées pour anticiper celles à venir ? Car on le sait, il ne suffit pas qu’un fonds affiche de bonnes performances pour se décider à l’acheter ; il faut aussi et surtout comprendre d’où viennent ces performances !
Dans ce domaine, on ne peut pas faire l’économie d’une interview avec le gérant. Dans cette perspective, il est souvent intéressant de scruter, lorsque l’information est disponible, la structure du portefeuille.

Ici, on a un portefeuille sous exposé à certains secteurs comme les média, les télécommunications ou le logiciel. Ce qui est cohérent compte tenu de périmètre d’investissement du fonds. De la même façon, on constate que le fonds est peu exposé au secteur des valeurs énergétiques (6,7% dans le dernier portefeuille connu). C’est toutefois plus que le poids de l’énergie dans l’indice de référence du fonds (4,9%). Surtout, on constate que par le passé le gérant a été sensiblement plus exposé à ce secteur (12,6% en moyenne) que ce n’est le cas actuellement.
Autre exposition drastiquement réduite au fil du temps, les financières qui représentent 3,2% du fonds contre 26,4% de l’indice ! Autant d’éléments qu’il s’agira de discuter avec le gérant afin d’appréhender sa façon de se comporter dans les marchés.
Espérant, Madame, par ces quelques remarques avoir répondu à votre question, je vous prie….