Le développement durable ne s’oppose pas à la performance

Les fonds socialement responsables doivent aussi offrir des performances. Faute de quoi ils ne pourront pas être crédibles. Le point de vue de Patrick Lajoinie, responsable de la clientèle institutionnelle chez Lombard Odier.

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Vous affirmez un engagement important en matière d’investissement socialement responsable, quels sont les chiffres de cet engagement ?

Lombard Odier gère 890 millions d’euros en investissement socialement responsable sur un totalement d’actifs sous gestion de 70 milliards d’euros *. Cela représente un gros 1% du total des encours gérés et je pense qu’en Europe nous n’avons pas de concurrent sérieux en la matière si ce n’est des acteurs comme Dexia avec les fonds Cordius.

Ces 890 millions d’euros sont gérés au sein de 8 fonds dédiés pour le compte d’investisseurs institutionnels dont le plus important pèse 500 millions d’euros. Il ne s’agit donc pas d’un engagement récent pour nous : nous sommes engagés dans le domaine du développement durable depuis plus de 5 ans.

Enfin, il est intéressant de noter que sur l’équipe de 47 analystes que compte Lombard Odier, 7 sont dédiés au développement durable.

Quel est le profil de ces analystes ?

Trois d’entre eux ont fait HEC et les 4 autres sont des universitaires avec un docteur en économie de l’environnement, un diplômé de chinois et relations internationales, un diplômé en sociologie et économie politique, un spécialiste des relations internationales.

Vous avez fait le choix de développer des compétences en interne, que pensez-vous des agences de notation ?

Notre position est très claire, nous en pensons le plus grand bien. Nous avons besoin des agences de notation qui sont pour nous une source d’informations, ce qui nous amène à travailler avec 13 agences de notation.

Leurs analyses nous sont très utiles toutefois nous ne prenons jamais en compte leur rating mais l’analyse seulement.

Il est vrai que la mise en place d’une équipe dédiée à l’investissement socialement responsable représente un effort important alors que le recours à des agences est simple à mettre en œuvre et représente un coût limité, avec en outre la faculté de pouvoir se désengager rapidement. Mais nous sommes convaincus qu’il est nécessaire de développer un savoir-faire en interne. C’est indispensable pour avoir une bonne capacité de reporting et si l’on souhaite être capable d’intervenir sur la pondération des critères d’analyse.

Quels sont ces critères d’analyse ?

Il existe chez nous 3 axes d’analyse avec des critères environnementaux, des critères sociaux et des critères financiers. Chacun de ces axes est analysé en tant que tel, indépendamment des 2 autres. La pondération est déterminée en concertation avec le client pour le compte duquel le fonds est géré. Il est important de rappeler que dans le cadre de l’investissement socialement responsable et du développement durable les critères financiers ne doivent pas être ignorés. Il y a une grosse différence entre les fonds éthiques ou les fonds d’exclusion et les fonds investis sur le développement durable.

On a trop souvent dit que le développement durable était antinomique de la performance financière, qu’en quelque sorte il fallait choisir l’un ou l’autre. Cette vision est dangereuse à terme car elle risque de décrédibiliser le concept de développement durable

Actuellement, la demande en matière d’investissement socialement responsable vient essentiellement de grandes associations, de fondations, de caisses de retraite de salariés, souvent sous la pression des administrateurs et pas tant des directions financières. A terme, le développement durable sera un concept intégré par les caisses de retraite au général et les institutions de prévoyance.

Après des fonds dédiés pour les institutionnels envisagez-vous de proposer des fonds ouverts aux investisseurs individuels ?

Nous allons évoluer dans cette direction en 2 étapes. Il est en effet difficile de proposer un fonds ouvert socialement responsable qui fasse l’unanimité du Nord au Sud de l’Europe.

La réflexion est donc en cours. On va d’abord ouvrir à ces critères de développement durable des fonds, en affectant dans un premier temps une pondération de 15% aux critères sociaux et de 10% aux critères environnementaux. Ces points ne sont pas encore tranchés.

D’autre part, d’ici la fin de l’année nous proposerons des fonds avec un plus fort engagement sur le développement durable. C’est le sens des efforts et des investissements que nous avons réalisés jusqu’à présent.

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Note Ces chiffres concernent Lombard Odier seul, avant fusion avec la banque Darier Hentsch & Cie.

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A propos de l'auteur

Frédéric Lorenzini

Frédéric Lorenzini  est Directeur de la Recherche de Morningstar France.