Physiologie du millionnaire

Comment gérer 10 à 50 millions de francs ? Gurval Poirier, directeur commercial chez CDC Ixis PCM, s’intéresse aux « gros » investisseurs individuels. Il dessine le portait d’un client entre particulier et fonds de pension.

Facebook Twitter LinkedIn

En matière de gestion, quelles sont les attentes les particuliers millionnaires ?

Nous nous intéressons aux particuliers qui disposent d’environ 10 millions de francs à nous confier. En général, ces personnes ont 2, 3 ou 4 partenaires financiers pour gérer leurs avoirs, ce qui signifie qu’elles ont un patrimoine de 40 à 50 millions de francs. Il s’agit essentiellement de chef d’entreprises ou d’actionnaires qui bénéficiaient de plans de stock-options.

Dans cette population on a enregistré une grande évolution des comportement et des attentes au cours des 15 dernières années. Par le passé les créateurs et les chefs d’entreprises cédaient leur entreprise le plus tard possible alors qu’aujourd’hui on rencontre de plus en plus d’entrepreneurs qui cèdent à 40 ans.

Les objectifs de placement ne sont donc pas les mêmes. Lorsque l’on cède en partant à la retraite on est d’abord dans une logique de transfert du patrimoine, l’objectif est de la protéger et de le transmettre. On est sensible à l’image de son partenaire financier, aux relations personnelles, on est plus fidèles.

A 30 ou 40, l’horizon de placement est plus long. On cherche plus de la performance, on est prêts à prendre des risques et on est sensible à l’innovation. En matière de placement, ces jeunes entrepreneurs s’intéressent à la gestion décorrélée ou alternative. Comme ils fonctionnent à long terme ils ont une assez forte appétence pour les placement en actions. D’autant que comme entrepreneurs ils sont prêts à prendre des risques sur les entreprises.

Mais concrètement, quelles sont les attentes d’un investisseur individuel avec 1 million de francs, et avec 10 millions de francs ?

Si vous disposez d’un million de francs, il y a de fortes chances pour que vous préfériez placer votre argent sur des Sicav monétaires, avec 10 millions de francs vous pouvez vous permettre d’avoir des actifs diversifiés.

Une société de gestion comme la nôtre est en mesure d’apporter une processus de gestion diversifiée et de définir un horizon de placement et des objectifs de performance dans le cade d’un mandat de gestion confié par un client. Cela implique une phase d’étude préalable qui peut durer 6 mois.

Il faut comprendre l’aversion d’un client au risque, à une baisse des marchés. On ne connaît bien un client que lorsque l’on a passé un krach avec lui. A cet égard, il est intéressant de voir que les particuliers ont tendance à raccourcir leur horizon de placement quand surviennent des événements sur les marchés. Ce sont des réactions assez émotives même chez les gros investisseurs individuels.

Pendant les 6 premiers mois de notre relation avec un nouveau client, nous le sollicitons beaucoup, afin d’être sûr qu’il comprend bien notre façon de procéder et de vérifier que cette dernière est en phase avec ses attentes.

Pour le reste, les gros investisseurs individuels peuvent avoir des thèmes d’investissement de prédilection qu’il s’agisse de secteurs ou de régions géographiques. L’inverse est vrai aussi : ce serait le cas d’un entrepreneur qui a vendu son entreprise à un groupe américain et qui a été payé en titres, dans ce cas il cherchera à réduire son exposition aux marchés américains.

Vous dites volontiers que vos clients sont des fonds de pension individuels…

Jusqu’à un certain point en effet. Un gros investisseur individuel a souvent un horizon de placement à long terme, il s’agit de clients impliqués qui ont des attentes de professionnels avec une forte exigence de compréhension. Nous leur fournissions donc des reportings très détaillés, adaptés à leurs souhaits.

Dans certains cas, pour 6 à 7 millions d’euros, il est possible de concevoir un fonds spécifique pour un investisseur individuel. Cela permet de mettre en œuvre des gestions avec des biais très forts, l’aversion au dollar par exemple et de limiter les frais de gestion. Pour certaines personnes il est important d’investir sur un fonds à leurs couleurs.

Toutefois, l’approche des particuliers et des institutionnels diverge presque toujours sur certains points de stratégie de gestion. Les institutionnels ont une approche très benchmarkée, les particuliers en revanche n’apprécient pas nécessairement une gestion benchmarkée. Le benchmark plaît à certains parce que l’on trouve cela rassurant.

Mais si vous faites mieux qu’un marché qui a beaucoup baissé, un investisseur individuel aura du mal à être satisfait…

Facebook Twitter LinkedIn

A propos de l'auteur

Frédéric Lorenzini

Frédéric Lorenzini  est Directeur de la Recherche de Morningstar France.