Schroders: la Chine trouble la Fed

L’absence de relèvement des taux directeurs, et la probabilité des futures hausses plus étalées dans le temps, confirment que la Réserve Fédérale a choisi de prendre un ton plus conciliant.

Schroders 18.09.2015
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Cet article fait partie "Perspectives", qui regroupe des contributions externes à Morningstar. Le texte qui suit a été par Keith Wade, économiste en chef et stratégiste chez Schroders.

L’absence de relèvement des taux directeurs, et la probabilité des futures hausses plus étalées dans le temps, confirment que la Réserve Fédérale a choisi de prendre un ton plus conciliant.

Plusieurs facteurs extérieurs ont fait pencher la balance : la présidente de la Fed Janet Yellen a fait part des inquiétudes concernant la Chine lors de sa conférence de presse d’hier.

La faiblesse actuelle des cours des matières premières et un dollar très fort pèsent sur les prix à la consommation, ce qui donne plus de marge à la banque centrale pour maintenir ses taux directeurs proches de zéro. La Fed surveille attentivement les signes d’un atterrissage brutal en Chine car cela exacerberait les pression déflationnistes au sein de l’économie mondiale.

La décision de la Fed va sûrement permettre de garder l’inflation à un niveau bas à court terme mais nous prévoyons tout de même des pressions croissantes sur les prix domestiques provenant du marché du travail.

Selon plusieurs estimations, le taux de chômage s’est stabilisé aux Etats-Unis et, à en croire les tendances actuelles, il devrait de nouveau baisser dans les prochains mois. S’il est vrai que les salaires n’ont pas encore progressé, selon nous, ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne rattrapent leur retard.

Etant donné que les facteurs extérieurs pèsent plus que les facteurs nationaux, il est clair que les prévisions concernant la Fed dépendent désormais des perspectives économiques chinoises.

D’après nous, la conjoncture chinoise pourrait être dopée grâce à un coup de pouce fiscal dans les prochains mois, mais il y a un problème sous-jacent : la croissance dans le pays évolue à la baisse. Nos indicateurs suggèrent que la croissance va baisser à 6% en 2016, car, au niveau structurel, l’économie doit faire face à des vent contraires en raison des nombreuses surcapacités.

Il n’y aura donc pas d’atterrissage brutal mais pas de reprise marquée non plus. En attendant, l’économie chinoise va continuer à subir des pressions déflationnistes et les marchés vont continuer à débattre du besoin de mesures supplémentaires de la part des autorités politiques et monétaires, dont une éventuelle dévaluation du yuan chinois (CNY).

Dans ce contexte, il faudra attendre des preuves évidentes que les salaires commencent à augmenter pour que la Fed soit sûre que l’inflation va de nouveau se stabiliser autour de 2%. Cela pourrait prendre des mois : nous allons d’abord devoir attendre la publication de l’Indice du Coût de l’Emploi (« Employment Cost Index » en anglais), considéré comme le meilleur outil de mesure des pressions salariales au sein de l’économie, à la fin du mois d’octobre prochain et probablement celle de la fin du mois de janvier 2016, avant de pouvoir identifier avec certitude un redressement des salaires.

On compare la situation à celle d’il y a deux ans, lorsque la Fed avait décidé de ne pas baisser ses taux directeurs suite à un durcissement des conditions sur les marches financiers. Aujourd’hui, la situation est en effet la même mais la Fed pourrait bien attendre plus tard que le mois de janvier pour relever ses taux directeurs ; le mois de mars 2016 semble désormais une date plus plausible.

Est-ce que la Fed a un train de retard ? En repoussant le relèvement de ses taux directeurs, la Fed risque, par ricochet, de raviver l’inflation dans l’avenir et d’avoir à agir de façon plus agressive plus tard. Cependant, le contexte actuel rappelle celui de la fin des années 1990, lorsque la Fed avait baissé ses taux directeurs en réaction aux turbulences sur les marchés émergents, et en particulier au défaut russe.

Comme aujourd’hui, on craignait la déflation et que les pressions extérieures pèsent plus que les pressions domestiques. Cela a eu pour conséquence de laisser la politique monétaire des Etats-Unis ultra-accommodante ; cependant, pour la défense de la Fed, cela ne s’est pas terminé par une reprise nette de l’inflation.

Au lieu de cela, l’excès de liquidités s’est noyé dans les marchés financiers, alors que les investisseurs ont pris plus de risques, et, en fin de compte, ont généré des problèmes plus graves pour le système bancaire et l’économie mondiale.

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