Crédit : 2014 entre hausse des taux et spreads étroits

Le marché des obligations privées aura le plus grand mal à produire un rendement attrayant, selon Dave Sekera de Morningstar.

Dave Sekera, CFA 28.12.2013
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Revue de 2013

Si la hausse des taux d’intérêt a pesé sur les performances du marché obligataire, nous avions indiqué le trimestre dernier que les investisseurs pourraient récupérer une partie des pertes du début d’année. Depuis, l’indice Morningstar Corporate Bond a repris 155 points de base et ne perdait depuis le 1er janvier que 1,44% à la date du 16 décembre.

Au sein de l’univers obligataire, les obligations d’Etat ont cédé 2,37%, l’indice US Agency a reculé de 0,80% et notre indice des prêts hypothécaires a perdu 0,59%. Les seuls indices à avoir enregistré une performance positive sont les indices court terme, la Fed continuant de maintenir ses taux directeurs à des niveaux extrêmement bas.

Les pertes sur l’indice des obligations privées s’expliquent par la hausse des taux et n’ont été que partiellement contrebalancées par le resserrement des spreads. En mai dernier, lorsque le 10 ans américain rapportait moins de 2%, nous anticipions une normalisation des taux d’intérêt avec la perspective d’une réduction des achats d’actifs par la Fed, vers le spread historique entre l’inflation constatée et l’inflation anticipée. Depuis le début de l’année, le 10 ans américain a pris 109 points de base à 2,85%, et nous pensons que ce mouvement n’est pas terminé.

Sur la base des trois indicateurs que nous suivons (spread entre l’inflation observée et les taux d’intérêt, l’inflation anticipée et la pentification de la courbe des taux), nous pensons que le taux normalisé des bons du Trésor à 10 ans devrait être proche de 4%.

Au regard de la politique de la Fed en matière de réduction d’achats d’actifs, nous pensons que ce niveau sera atteint lorsque la banque centrale aura terminé son programme d’assouplissement quantitatif.

2014 : rendements sous pression

Dans notre scénario central, le marché du crédit aura du mal à être à l’équilibre en 2014. Avec des taux d’intérêt appelés à continuer d’augmenter et des spreads à leur niveau le plus étroit depuis la fin de la crise financière de 2008-2009, nous pensons que le la hausse des taux d’intérêt fera plus que compenser le resserrement des spreads.

Le rendement moyen de l’indice Morningstar Corporate Bond est de 3,15%, guère plus haut que les points bas atteints cette année. Sur la base du rendement actuel et de l’impact de la courbe des taux, toute hausse de plus de 75 points de base se traduira par des pertes en 2014.

Notre scénario optimiste table au mieux sur une hausse à un chiffre des obligations privées. Dans un tel scénario, nous faisons l’hypothèse de taux d’intérêt évoluant dans une fourchette étroite et de spreads qui se resserreraient légèrement. Pour faire mieux qu’un rendement à un chiffre, il faudrait imaginer un nouveau mouvement de recul des taux d’intérêt ou un resserrement des spreads vers les plus bas niveaux observés avant la crise. Un tel scénario est toutefois très peu probable dans la perspective d’une amélioration de la conjoncture.

A l’automne 2012, nous avions adopté une position neutre sur les obligations d’entreprises, estimant que les spreads étaient correctement valorisés au regard du risque. Au cours de l’année qui s’est écoulée, le spread de l’indice Morningstar Corporate Bond a évolué entre +126 et +167 points de base, avec une moyenne à +141.

Au 16 décembre, le spread est de +126 points de base, son plus bas niveau de l’année. Nous pensons que le mouvement de resserrement des spreads est désormais derrière nous.

Nous continuons de penser que d’un point de vue fondamental, de long terme, les spreads de crédit sont correctement valorisés au niveau actuel. Pour un certain nombre d’émissions au sein de notre univers de couverture, le mouvement de resserrement des spreads devrait être contrebalancé par l’émergence de certains risques (activisme actionnarial, fusions-acquisitions financées par effet de levier…).

Cette situation pourrait toutefois rapidement évoluer si les taux d’intérêt montent encore. Dans ce cas, nous pourrions revoir un scénario comme au mois de mai-juin dernier, durant lequel le rendement du 10 ans américain avait pris 100 points de base. Les spreads s’étaient alors fortement écartés, du fait du mouvement de vente de positions longues de la part des gérants pour réduire le risque de duration et limiter les pertes dues à la hausse des taux. En deux mois, le spread moyen de l’indice Morningstar Corporate Bond avait pris 30 points de base, à +167, son niveau le plus élevé de l’année.

Depuis l’an 2000, le spread moyen de l’indice est +174, avec une médiane à +156. Actuellement, les spreads sont 50 points de base plus larges que les plus bas niveaux vus avant 2008-2009. Ils pourraient continuer de se resserrer, mais nous n’anticipons pas de retour à une situation d’avant crise.

A plus long terme, nous anticipons une normalisation des taux d’intérêt. Hsitoriquement, le rendement du 10 ans a évolué entre 200 et 250 points de base au-dessus de l’inflation glissante à trois mois. Même avec une inflation à un taux inhabituellement bas de 1,2%, le rendement du 10 ans américain devrait remonter vers 3,20%-3,70%, qui est sa norme historique.

Les taux devraient remonter avec la réduction des achats d’actifs de la Fed, nous ne pensons toutefois pas qu’ils dépasseront de manière très significative leur moyenne historique. Le spread entre le 2 ans et le 10 ans américain est proche de ses plus hauts historiques. Comme le 2 ans est très corrélé aux taux d’intérêt à court terme et que la Fed a signalé son intention de maintenir ses taux près de zéro jusqu’en 2015 au moins, le rendement du 2 ans devrait peu évoluer.

Le spread du 10 ans pourrait donc encore s’apprécier de 50 points de base par rapport au 2 ans, avant de dépasser son précédent record. La pentification de la courbe devrait donc se poursuivre.

Après avoir atteint un pic en novembre 2012 – quelques mois avant qu’un nouveau programme d’assouplissement quantitatif ne soit décidé – les anticipations d’inflation avaient plutôt tendance à reculer. Sur la base de la courbe des taux à 5 ans dans 5 ans, les anticipations sont proches du milieu de leur fourchette de variation et devraient se tasser un peu plus avec la hausse des taux.

Toutefois, après la décision surprise de la Fed de maintenir son « tapering » en septembre dernier, la baisse des anticipations d’inflation semble avoir atteint un point bas et ces dernières pourraient de nouveau remonter.

 

Pour aller plus loin

L’intégralité des perspectives du marché du crédit est disponible sur le site Morningstar.com.

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A propos de l'auteur

Dave Sekera, CFA  Dave Sekera, CFA, is chief U.S. market strategist for Morningstar.