C’est le moment de jouer les pharma 3/4

Les perspectives des marchés émergents.

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Voici la troisième partie d'un article consacré à l'industrie pharmaceutique réalisé par Damien Conover, responsable de la recherche actions secteur santé.

Accéder à la première partie.

Accéder à la deuxième partie.

Contrairement aux traitements pour les maladies plus communes, les médicaments pour les maladies orphelines ont rarement une thérapie de substitution viable, ce qui rend la demande très inélastique. Et ces médicaments traitent des maladies critiques ou débilitantes, pour lesquelles l’utilité du traitement est très élevée. Une autre raison de l’attrait des médicaments orphelins est que les traitements efficaces contribuent à développer la base de clientèle... tout simplement en traitant la maladie. Si aucun traitement n’existe, du point de vue des médecins et des patients, la maladie peut apparaître plus rare qu’elle n’est.

Mais lorsqu’un nouveau traitement apparaît, les statistiques sur la maladie concernée grimpent. Lorsque Novartis a introduit son nouvel anti-cancéreux Gleevec, il tablait sur 50.000 patients atteints de leucémie myéloïde chronique. Pourtant, dans le sillage du succès remporté par le traitement sur la maladie, le nombre de patients l’utilisant a grimpé à 120.000.

La mise sur le marché d’un médicament orphelin pour une maladie rare peut aussi déboucher sur le traitement de maladies plus répandues grâce à la légitimité du produit. Cette «expansion de la marque» permet aux médicaments orphelins de connaître une croissance très significative. Selon le consultant Syamala Ariyanchira, 12 des 19 médicaments orphelins les plus importants ne disposaient que d’une approbation pour une maladie de niche, mais ils sont tout de même devenus des «blockbusters» grâce à leur déclinaison ou un emploi à titre expérimental dans une indication non autorisée.

Des leaders des médicaments orphelins

Ce sont les sociétés biotechnologiques qui détiennent le plus de brevets de médicaments orphelins. Mais les géants de la pharmacie détiennent 3 des 4 premières places, il s’agit de Novartis, Glaxo et Pfizer. Ces groupes sont leaders dans le développement des médicaments orphelins.

Novartis est bien avancé pour transformer des médicaments orphelins en produits hautement profitables. Différents médicaments majeurs de ce laboratoire ont été lancés sous le statut de médicament orphelin, notamment Zometa, Gleevec, Sandostatin et Exjade. Ils sont tous devenus des «blockbusters» tout en démarrant avec une base de patients limitée, mais avec une forte capacité à imposer leur prix, ce qui a soutenu leur marché. Ces médicaments représentent aujourd’hui plus de 16 % des ventes de Novartis. Grâce à ses travaux sur la leucémie myéloïde chronique et au Gleevec, ses connaissances de la maladie ont permis à Novartis de développer le Tasigna qui, de fait, fonctionne mieux que le Gleevec. Nous estimons que ce type de stratégie devrait aussi être payant avec la molécule SOM230, qui, en phase finale d’approbation, devrait prendre le relais du Sandostatin.

Glaxo et Pfizer travaillent sur leurs projets de médicaments orphelins. L’année dernière, Glaxo a lancé une nouvelle filiale de R&D dédiée aux médicaments orphelins destinés aux maladies rares. Glaxo avait déjà rencontré un certain succès avec Promacta pour le traitement de la leucémie lymphocytique chronique. En 2009, Glaxo a aussi signé des accords de licences avec d’autres laboratoires pour l’exploitation de nouvelles molécules pour les maladies orphelines. De son côté, Pfizer a signé avec Protalix en 2009 un contrat en vue de développer une thérapie liée aux enzymes pour le traitement de la maladie de Gaucher. D’autres grands groupes sont aussi sur les rangs, notamment Bristol-Myers Squibb et Merck, avec leurs anti-cancéreux Sprycel et Temodar. Avec des retours sur investissement élevés permettant une bonne diversification du portefeuille, nous pensons que d’autres grands laboratoires investiront davantage dans les médicaments orphelins.

Des opportunités émergentes

Par le passé, les pays en voie de développement n’étaient pas des marchés intéressants pour les médicaments de marque. Le revenu des populations était trop bas pour leur permettre d’acheter des médicaments et les autorités fermaient les yeux sur une contrefaçon très répandue. Mais des économies en croissance rapide, une capacité d’influer sur les prix suffisante et un sentiment que la notoriété d’une marque garantit la qualité de ses produits ont créé de nouveaux marchés majeurs pour l’industrie pharmaceutique. Ces nouveaux territoires constituent un nouveau paradigme pour les investisseurs, qui ont longtemps vu les Etats-Unis, l’Europe et le Japon comme les principaux marchés pharmaceutiques mondiaux. Comme pour les médicaments de niche, les marchés émergents présentent de fabuleux potentiels de développement pour les laboratoires, un fait dont la Bourse n’a pas totalement pris la mesure.

La croissance des dépenses en médicaments est directement corrélée à l’augmentation du PIB. Sur la base de 63 pays émergents et développés, le cabinet World Market Monitors estime la corrélation entre le PIB par tête et la consommation pharmaceutique à 80 %.

La rapide augmentation des revenus sur les marchés émergents sur les cinq dernières années a conduit à une forte hausse des achats de médicaments. Entre 2004 et 2009, les ménages des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) disposant d’un revenu supérieur à 5.000 dollars ont crû de 27 % par an. Même si le rythme devait ralentir entre 2011 et 2014, la croissance annuelle atteindrait encore 16 %.

Cet accroissement massif de richesse devrait directement accroître les opportunités pour les laboratoires. Les données historiques sur les achats de médicaments dans les pays émergents restent rares. Mais le consultant IMS Health estime la croissance annuelle des dépenses à 14 % sur les cinq dernières années, ce qui représente 11 % des ventes globales des grands laboratoires en 2009. AstraZeneca et Sanofi mènent la danse avec des croissances annuelles des ventes sur la période de 22 % et de 19 % respectivement. Même en queue de peloton, Pfizer affiche encore une honorable croissance de ses ventes sur la région de 8 %.

Pour les cinq prochaines années, nous attendons une croissance des ventes de médicaments dans les pays émergents de 12 % par an et nous pensons que le tassement de la croissance des revenus va aussi faire ralentir la croissance des dépenses en médicaments.

Mais, même ralentie, cette dernière dépassera largement celle des pays développés, où nous n’attendons qu’une croissance annuelle des ventes de 1 % d’ici 2014. Nous estimons que l’activité dans les pays émergents pèsera environ 18 % du total des ventes des grands laboratoires en 2014.

Ces taux de croissance élevés s’accompagnent de marges opérationnelles plus faibles, mais qui restent intéressantes. Les marges sur les marchés émergents sont 31 % plus basses que sur les marchés développés, (les laboratoires affichent des marges bénéficiaires de 50% dans les pays développés et de 34,5 % dans les pays émergents). Etant données les confortables marges dans les pays développés, même avec un différentiel de 31%, la profitabilité reste élevée sur les marchés émergents. Bien que la capacité à jouer sur le prix varie en fonction du type de thérapie et du marché, les médicaments de marque sont typiquement vendus 50 % moins cher sur les marchés émergents que sur les marchés développés. Les coûts d’exploitation néanmoins sont nettement plus bas dans les pays émergents.  

D’après AstraZeneca par exemple, le coût d’un commercial est inférieur de plus de 50 % dans les pays émergents. De faibles coûts de commercialisation permettent de compenser pour partie une marge de manœuvre plus réduite sur les prix.

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A propos de l'auteur

Morningstar Europe Editor  .