SLJ Macro : Marchés émergents, acte III de la crise financière

Les tensions actuelles sont le fruit d'erreurs continues de la part des banques centrales, Fed comprise.

SLJ Macro Partners 27.01.2014
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Cet article fait partie de la série "Perspective", qui regroupe des contributions externes. Le texte suivant a été rédigé par Stephen Jen, fondateur et associé au sein de la société de gestion global macro SLJ Macro Partners - il a été traduit par Morningstar.

L’article suivant offre un résumé honnête de ce qui s’est passé sur les marchés émergents (EM), mais il ne dit pas pourquoi cela s’est passé. C’est un peu comme lorsque CNN couvre des émeutes : ils suivent en continu pendant des jours les événements, mais ne parlent jamais des raisons des émeutes.

Ne pas comprendre pourquoi les marchés émergents sont sous pression empêche d’en prévoir les conséquences et combien de temps cela peut durer.

Ce qui se passe sur les marchés émergents fait beaucoup de sens pour moi : il s’agit du troisième acte, nécessaire et inévitable, de la crise financière globale.

La réaction des banques centrales des pays développées à la crise financière globale, en particulier le QE3, ont produit des dommages sévères pour les marchés émergents, en provoquant des mouvements massifs de capitaux hors de ces pays au cours des deux dernières années, tout en sachant que cela s’arrêterait un jour.

Les pays émergents s’en sont d’abord plaints, mais ont été largement ignorés par la « clique de Washington », où l’on arguait que la Fed n’avait pas à se préoccuper de leur cas. Les pays émergents se sont à nouveau plaints lorsque la Fed a commencé à évoquer le « tapering ». De nouveau, ils ont été ridiculisés par la clique de Washington pour le manque de consistance de leurs propos, de se lamenter de QE3 puis de sa réduction. Par « clique de Washington », je veux parler des officiels de la Fed, des universitaires, des commentateurs comme Martin Wolf, Adam Posen… lesquels étaient tellement obnubilés par le QE3, le chômage et le modèle de la courbe de Phillips qu’ils en ont perdu de vue le reste du monde, à mon humble avis.

Cela étant dit, les pays émergents devraient également prendre leur part de responsabilité de la situation dans laquelle ils se trouvent. Les pays émergents du Sud, comme les pays du Sud de l’Europe, ont gâché l’opportunité précise de se réformer au cours de la décennie écoulée et de s’adapter à un nouveau monde globalisé. Au lieu de cela, ils se sont laissé porter par la Chine et la liquidité globale.

Les banques centrales des pays émergents, dans le même temps, ont fait une mauvaise lecture de l’inflation. Les flux de capitaux ont alimenté une appréciation des devises, limitant l’inflation du prix des biens tandis que l’activité croissait et que les prix des actifs montaient. Les banques centrales des pays émergents ont pris ces éléments comme des acquis bienvenus. Après tout, l’inflation était sous contrôle, et elles menaient un ciblage d’inflation. (Cela vous rappelle quelque-chose ?)

Maintenant, les flux de capitaux se sont arrêtés. La dépréciation des devises alimente l’inflation et les banques centrales sont obligées de relever leurs taux d’intérêt au moment où leurs économies décélèrent. Cela parle-t-il à tout le monde à l’exception de Washington ? Et l’Inde réfléchit à adopter un ciblage d’inflation ? Cela me semble totalement inapproprié. Ils ne savent même pas mesurer l’inflation correctement.

Les investisseurs devraient assumer leur responsabilité en ayant été totalement incapables de gérer correctement leur investissement dans les marchés émergents, à cause du discours lié au BRIC. Pour moi, il s’agissait d’un concept publicitaire mais cette idée des BRIC était tellement simpliste et truffée de défauts que les investisseurs n’auraient pas dû prendre au sérieux une minute. On ne peut investir sur les marchés émergents sur le seul critère de la dynamique démographique…

(Je me rends compte que dans cet email, j’ai sans doute offusqué la Fed, de nombreuses banques centrales des pays émergents et de nombreux investisseurs institutionnels. Mais c’est la façon dont je vois la situation présentement).

La part la plus inquiétante concernant les pays émergents est que la Fed n’a fait que commencer à réduire ses achats d’actifs. Elle n’en est qu’au début de son « tapering ». Le 10 ans américain est à 2,80%. Que se passera-t-il lorsque QE3 sera terminé et que le 10 ans se traitera à 4% ? QE3 était/est une grosse erreur de politique. Nous saurons bien assez tôt nous rendre compte des conséquences négatives du QE3.

Concernant la Fed, je mentionnerai le fait que leur « track record » en matière de « forward guidance » est désastreux. En septembre, ils ont déçu les marchés en ne décidant pas de réduire les achats d’actifs. En décembre, ils ont à nouveau déçu en décidant le « tapering ».

Les investisseurs ont été choqués par deux fois, car la Fed a fait exactement l’inverse des signaux qu’elle avait envoyés au marché durant les jours qui précédaient sa prise de décision. Maintenant, une autre phase test se présente.

La Fed a envoyé un signal comme quoi l’économie est en train d’accélérer (la réalité est que l’accélération s’est produite en septembre, mais la Fed a manqué le coche à l’époque), et que le « tapering » va se poursuivre. J’attends de voir s’ils surprennent à nouveau le marché, en faisant exactement l’inverse : arrêter le « tapering », car les Bourses ont reculé de 1% ou pour toute autre raison qu’ils pourraient avancer.

Conclusion : quelle pagaille… mais tout cela est le fruit de décisions humaines. Et de nombreux décideurs politiques (la Fed et d’autres banques centrales) semblent déterminés à continuer sur la mauvaise voie.

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A propos de l'auteur

SLJ Macro Partners

SLJ Macro Partners  est une société de gestion alternative global macro, qui fournit également de la recherche.