Il est pas beau mon 130/30 ?

Cette approche de gestion qui peut être fructueuse est en passe de venir un phénomène de mode. Avec sans doute des excès…

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Il y a des automnes comme cela où la tendance s’annonce au velours côtelé, à l’Ecossais ou aux chemises unies avec cravate à rayures. Dans le monde de la gestion, la mode s’affirme clairement depuis plusieurs mois en faveur du 130/30 avec, depuis la rentrée, une véritable accélération.

Pas de semaine ne se passe en effet sans qu’un offreur n’enrichisse son catalogue d’un fonds 130/30. Ou mieux, sans qu’il ne convertisse purement et simplement un fonds déjà existant à la mode 130/30. Ainsi la Banque d’Orsay annonce un Orsay Horizon Alpha qui "utilisera une approche 130/30 pour optimiser l’alpha et anticiper les sous performances structurelles boursières". De son coté Robeco revampe son fonds North American Equities qui passe au 130/30 à compter du 17 décembre prochain. Même chose chez Pictet avec son Japanese Equities tandis que JP Morgan annonce l’arrivée sur le marché français de son US Select 130/30…

Sans oublier les fonds qui ont déjà franchi le pas, comme le fonds Sycomore Large Cap au printemps dernier. Signe des temps, Kingfisher vient de donner un mandat de gestion de 80 millions de livres à Goldman Sachs pour que ce denier mette une tranche de son fonds de pension à la sauce 130/30. Et de son coté Natixis AM a annoncé le mois dernier l’acquisition d’AlphaSimplex : c’est en partenariat avec cette petite société de recherche que Crédit Suisse lance une gamme d’indices 130/30.

Jouer sur les 2 tableaux

Derrière ce terme légèrement kabbalistique se cache en fait une stratégie "long-short". La gestion long-short consiste au sein d’un même portefeuille à acheter certains titres (positions « long ») dont on anticipe la hausse, et en même temps à vendre à découvert (positions « short ») des valeurs qui devraient baisser.

Si tout se passe bien, on gagne de l’argent avec les titres qui ont monté (positions long) et ceux qui ont baissé (positions short). Bref, on joue sur les 2 tableaux et comme une conviction n’est pas nécessairement positive, on multiplie les opportunités de gain.

Si tout ne se passe pas bien, ou même se passe franchement mal, on risque de perdre sur les positions acheteuses… et sur les positions vendeuses. Et comme le 130/30 induit un effet de levier, le retour de bâton peut être sévère. C’est sans doute la raison pour laquelle les sociétés de gestion font du long-short en mettant la pédale douce, optant pour du 130/30 et non, pourquoi pas, pour du 200/100…

Stratégie de couverture

JP Morgan, qui lance en France le fonds "US Select 130/30" fondé sur une stratégie de gestion éprouvée depuis 3 ans aux Etats-Unis, explique de son coté que le ratio "n’est pas figé. Actuellement, le fonds est plutôt à 120/20 et cela peut aller à 140/40. Mais les calculs montrent que le meilleur ratio d’information est atteint dès le niveau de 130/30". Et puis, il est vrai qu’aux Etats-Unis les positions "short" dépassant les 50% d’exposition ont un impact au niveau de la taxation…

Reste la question de l’expertise du gérant : "un bon gérant long n’est pas nécessairement un bon gérant short, reconnaît un professionnel de la gestion. Il s’agit réellement d’un processus de gestion spécifique et d’un savoir-faire qui ne peuvent pas s’improviser…"

Comme souvent, une intuition judicieuse ayant conduit à des stratégies gagnantes peut déboucher sur des excès et perdre de sa pertinence si elle n’est pas correctement maîtrisée. L’investisseur intéressé par l’approche 130/30, et plus généralement les stratégies long-short, devra être attentif à identifier si le fonds qui lui est proposé dispose d’un véritable savoir-faire ou répond uniquement à un impératif marketing. Ou encore s’il s’agit tout simplement d’une stratégie de couverture pour se prémunir contre une éventuelle baisse des marchés. Comme le fait par exemple depuis quelques années Richelieu Finance dans le cadre de sa gestion action en vendant des contrats sur indice. "C’est tout simplement pour nous un moyen de protéger le portefeuille lorsque nous trouvons que le marché monte trop vite" explique Nathalie Pelras, gérante du fonds Richelieu Europe.

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A propos de l'auteur

Frédéric Lorenzini

Frédéric Lorenzini  est Directeur de la Recherche de Morningstar France.