Classements : une information en trompe-l’œil

Les investisseurs attachent peut-être trop d’importance aux classements et pas assez à leurs objectifs de placement. Directeur général de Sicavonline, Cyril Lureau pointe du doigt les limites des classements et palmarès. Et milite pour une approche plus didactique.

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Quelles sont les critiques que vous faites aux classements ?

Dans les classements de Sicav, comme pour les produits garantis, ce que je n’aime pas c’est le marketing des produits financiers. Avec ces classements, nous sommes dans une situation où l’on manque de contre-pouvoir et ce à 3 niveaux.

Il y a d’abord un manque de culture de base chez les investisseurs individuels, c’est le premier point. Parallèlement, il y a un peu trop de liberté dans la façon dont les entreprises font de la publicité pour leurs produits : on met en avant la performance du produit sans la replacer dans son contexte. Un

e performance sans contexte ne veut pas dire grand chose.

Ainsi, lorsque l’on regardait les fonds technologiques au début de l’année 2000, on avait l’impression que c’était les gérants qui étaient bons, mais en réalité c’est le marché qui était porteur. Quand la bulle a explosé on s’est aperçu que ces fonds affichaient en définitive de mauvaises performances.

Enfin, la presse ne joue pas son rôle de contre-pouvoir. Quand on présente un classement, il faut l’accompagner d’explications, d’analyses, offrir une lecture. Il faut indiquer à quoi peut servir un OPCVM et à quoi il ne peut pas servir.

Il semble toutefois que le public apprécie les classements…

On aime les classements parce que l’on pense que cela peut aider à choisir un produit. C’est un problème car aujourd’hui beaucoup de particulier achètent d’abord un produit pas un investissement.

L’achat d’une Sicav doit correspondre à un objectif de placement, c’est le reproche que je suis tenté de faire aux distributeurs qui ne veulent pas faire de conseils. Il faut partir de l’investissement pour aller vers un produit, pas l’inverse. Les investisseurs ont besoin de conseils.

Si on regarde les classements plus en détails, on y trouve beaucoup de choses intéressantes. On ne montre que les premiers dans un classement, alors que ce sont les produits qui sont dans le premier quartile pendant plusieurs années qu’il faut observer.

Alors comment bien utiliser les classements ?

Il faut noter que souvent les fonds qui sont bien classés à 5 ans sont ceux qui sont en fin du premier quartile.

C’est sans doute lié au fait qu’un bon gérant est rarement très loin de l’indice, qu’il ne prend pas de pari trop marqué. Lorsqu’un gérant fait des choix très marqués, son tracking error est important.

Ce que l’on ne dit pas assez, c’est que faire 1 ou 2 points de plus que l’indice tous les ans, c’est énorme.

Est-ce qu’il ne s’agit pas d’un point de vue un peu conservateur qui manqu d’agressivité ?

Je ne crois pas qu’il y ait de produits plus agressifs que d’autres. Il existe des produits plus typés que d’autres : aujourd’hui la majorité des investisseurs font plus un choix d’allocation d’actifs que de gestion.

Cela signifie que l’on mise sur un secteur, une région ou bien encore sur la croissance, pas sur un gérant et sa gestion.

Quelles sont vos suggestions pour une meilleure information des investisseurs ?

Il faut d’abord des catégories plus fines. On ne peut pas se contenter d’investir dans une catégorie qui soit par exemple actions françaises. Il faut que les produits soit plus clairement typés : croissance, value, taille des capitalisations…

Les classements devraient aussi se faire dans des univers à risques comparables : il ne veut rien dire que comparer un fonds qui présente un bêta de 1,5 avec un fonds dont le bêta est de 0,5.

Il serait de l’intérêt de tout le monde, des investisseurs comme de la profession, que la culture des investisseurs progresse. Plus les investisseurs seront satisfaits de leurs placements, et en maîtriseront les enjeux, plus ils privilégieront la gestion collective.

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A propos de l'auteur

Frédéric Lorenzini

Frédéric Lorenzini  est Directeur de la Recherche de Morningstar France.