PARIS (Agefi-Dow Jones)--Résistance, mais pour combien de temps ? Malgré les tensions politiques en France, les chocs géopolitiques dans le monde et les craintes sur la croissance économique, les entreprises françaises du CAC 40 parviennent toujours à faire face. Leur chiffre d’affaires cumulé a reculé de seulement de 3,3% à 1.679 milliards d’euros en 2024, tandis que leur marge opérationnelle courante (hors financières et foncières) baisse de 1,3 point à 11,8%. De tels niveaux restent cependant bien supérieurs à ceux d’avant la crise Covid, constate la 19e édition du “Profil financier du CAC 40” d’EY.
“Nous avons été agréablement surpris, précise Nicolas Klapisz, associé EY et auteur de l’étude. Nous anticipions une plus forte baisse de l’activité et un recul plus drastique des marges.” Cette résistance est due à la forte exposition à l’international (77% du chiffre d’affaires) du CAC 40, “leur assurant relais de croissance et diversification des risques, poursuit Nicolas Klapisz. S’appuyant sur des fondamentaux solides, les entreprises ont su faire preuve d’agilité et de résilience, en travaillant notamment sur les coûts d’approvisionnement et de logistique.”
Valorisation des avantages compétitifs
Si la valorisation boursière du CAC 40 a seulement diminué de 3,1% en un an à 2.375 milliards d’euros, après être passée par d’importants pics de volatilité au cours de l’année, sa décomposition n’est pas modifiée. Les incorporels non comptabilisés pèsent toujours la moitié de la valeur totale (48% contre 51% en 2023). Et la totalité des actifs immatériels représente 79% de la capitalisation, traduisant la qualité des marques, des technologies ou encore des portefeuilles clients des sociétés de l’indice, “et plus largement la capacité des entreprises à détenir des avantages compétitifs et des modèles d’activités robustes constituant des barrières à l’entrée”, explique Nicolas Klapisz.
En revanche, le poids des actifs corporels progresse de 18% à 21%. Cette évolution est “le fruit des investissements dans l’appareil de production, signe de confiance pour l’avenir, et dans les infrastructures, où les cash-flows sont prévisibles”, précise Nicolas Klapisz. Les écarts d’acquisition (goodwill) baissent légèrement, “les quelques acquisitions emblématiques réalisées en 2024 étant compensées par des sorties d’actifs”, souligne l’étude.
Des dépréciations d’actifs au plus bas
Marque de confiance dans les perspectives de développement, les dépréciations d’actifs sont tombées à un plus bas historique de 6 milliards d’euros (contre plus de 21 milliards en 2013, 2015 et 2020). Les pertes de valeur des écarts d’acquisition (goodwill) sont même tombées pour la première fois sous la barre du milliard d’euros, signe de la qualité des actifs acquis. “Les modèles d’affaires des sociétés rachetées ne sont pas remis en cause, grâce aux efforts d’intégration et aux performances obtenues, se félicite Nicolas Klapisz. Néanmoins, les entreprises - et leurs auditeurs - restent concentrées sur les tests de dépréciation, plus rigoureux et plus documentés, au regard d’un univers plus contraint.”
Après trois années de baisse, l’endettement progresse pour la deuxième année consécutive (+7% en 2023 et +8% en 2024 à 189 milliards d’euros). Un niveau qui demeure néanmoins inférieur à celui d’avant la crise sanitaire. Les bilans des entreprises restent très solides, “tant au regard de leurs fonds propres que de leur endettement rapporté à leur capacité bénéficiaire, souligne Nicolas Klapisz. Alors que la croissance organique reste faible, les sociétés recherchent des cibles pour acquérir des briques technologiques ou pour pénétrer un marché à l’export, et ont les moyens de financer ces opérations de croissance externe, d’autant que les fenêtres de financement, bancaire et obligataire, se sont rouvertes.”
Les projets d’acquisition n’empêchent pas le CAC 40 d’investir en interne, même si après trois années de hausse significative (+16% en 2021, +21% en 2022 et +14% en 2023), les investissements marquent légèrement le pas (-2%) à 98 milliards d’euros, tout en restant non loin de leur plus haut historique de 2023. “L’investissement dans l’outil de production est nécessaire pour rester compétitif sur le long terme”, rappelle Nicolas Klapisz.
Un taux de distribution difficile à maintenir
Malgré une baisse de 12,4% du bénéfice net du CAC 40 à 131 milliards d’euros - cachant de grandes disparités entre la hausse de 22% dans le secteur financier et la baisse de 33% dans l’industrie et le BTP - les entreprises ont maintenu le montant des dividendes versés, à 73 milliards d’euros. Soit un taux de distribution qui a atteint un record à 54% (+5 points en un an).
En fonction des résultats 2025, “nous nous interrogeons sur la capacité des entreprises à maintenir ce ratio, confie Nicolas Klapisz. Les incertitudes présentes en 2024 subsistent en 2025, avec en outre celles sur les tarifs douaniers. Toutefois, depuis, la crise Covid, l’incertitude est devenue la norme. Les entreprises l’ont intégrée. Les dirigeants élaborent davantage de scénarios, font des analyses plus poussées et prennent plus de temps pour les acquisitions.”
-Bruno de Roulhac, L’Agefi, ed: JDO
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