Pourquoi le luxe européen sous-performe-t-il ?

Secteur adulé par les investisseurs jusqu’au début de cette année, il est aujourd’hui délaissé sur des craintes de ralentissement des ventes et de valorisation jugées élevées.

Jocelyn Jovène 24.09.2024
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L’histoire d’amour entre les investisseurs et le secteur du luxe a pris du plomb dans l’aile depuis 6 mois sur fond d'incertitude économique grandissante, notamment aux Etats-Unis et en Chine, où les consommateurs se montrent plus frileux.

Peu de sociétés, parmi les plus emblématiques du secteur, échappent au mouvement de baisse de leur cours de Bourse.

Au cours des 6 derniers mois, dans un marché d’actions européen en hausse de 4%, LVMH, premier groupe mondial de luxe, a vu son titre plonger de 29% ; Hermès, considéré comme l’une des plus belles entreprises du secteur, a abandonné 19%. Burberry et Kering, deux entreprises en difficulté sur le plan opérationnel, ont chuté de 46% et 38% respectivement. A l’inverse, le suisse Richemont semble faire preuve de résistance, ne cédant « que » 12%.

Ces contre-performances ne sont pas sans conséquences pour certaines places boursières, en particulier la Bourse de Paris. Le secteur du luxe, qui représentait en début d’année une part important du marché français, est l’un des principaux facteurs expliquant la sous-performance des actions françaises par rapport aux autres places boursières d’Europe.

 

Cette chute amène la valorisation de nombreux titres à des niveaux de décote significatives par rapport à leur estimation de juste valeur : d’une prime de 25% fin février 2023, les sociétés européennes de luxe se traitent en moyenne avec une décote de 24% actuellement. 

Une industrie cyclique

« Je pense qu'il est important de souligner ici que l'industrie du luxe est cyclique et que nous traversons actuellement un cycle baissier », rappelle Jelena Sokolova, analyste chez Morningstar.

« Au cours des 30 dernières années, les cycles baissiers dans le secteur du luxe ont généralement duré 1 à 2 ans », ajoute-t-elle.

Dégradations en série

Après un exercice 2023 relativement solide pour les principales sociétés du secteur, les performances commerciales des grandes marques de luxe se sont nettement détériorées au cours du premier semestre et la tendance pour la fin de l’année n’est guère encourageante.

L’accumulation des déceptions s’explique notamment par la prudence des consommateurs américain et chinois, deux des principaux marchés et vecteur de croissance du secteur ces dernières années.

« Le marché s'attendait à ce que les tendances du secteur s'améliorent au second semestre sur une base de comparaison plus facile (le ralentissement a commencé au troisième trimestre 2023), mais il semble maintenant que l'amélioration ne se matérialise pas et que les tendances parmi les consommateurs chinois en particulier se détériorent », explique Jelena Sokolova.

Nouvelle note négative sur le secteur

Ce lundi 23 septembre, les analystes de Bank of America ont publié une note négative sur le secteur, tablant sur une croissance « atone » qui durerait jusqu’en 2025 et se traduirait par une pression sur les marges des sociétés de luxe.

« Le luxe se traite sur un multiple de 20x le bénéfice attendu en 2024 (estimation Bank of America), au plus bas de sa fourchette de 20-25x, mais avec une visibilité limitée sur la réaccélération de la croissance des ventes, un catalyste pour une revalorisation boursière qu’il est difficile d’identifier », écrivent les analystes de la banque dans une note obtenue par Morningstar.

« Le secteur semble globalement bon marché, les acteurs les plus résistants comme LVMH et Richemont se négociant à des multiples de l'ordre de 10 % et les acteurs plus faibles comme Boss à des multiples à un chiffre », note Sokolva. « Kering nous semble particulièrement bon marché, se négociant à 13 fois les bénéfices prévisionnels, ce que nous considérons comme proche des niveaux les plus bas. »

Pour qu’un redécollage des ventes, des marges et des cours de Bourse ait lieu, il faudra dans un premier temps que le consommateur chinois redevienne un peu plus optimiste, ce qui semble délicat en l’absence d’une politique plus expanstionniste du gouvernement chinois, estime l’analyste de Morningstar.

D’autres entreprises, comme Kering ou Burberry, doivent réaliser un gros travail de réorganisation et d’investissement dans leurs marques, pour être de nouveau attrayante aux yeux des consommateurs.

Une précédente version de cet article ne mentionnait pas les devises relatives à chaque action listée dans le tableau.

 

© Morningstar, 2024 - L'information contenue dans ce document est à vocation pédagogique et fournie à titre d'information UNIQUEMENT. Il n'a pas vocation et ne devrait pas être considéré comme une invitation ou un encouragement à acheter ou vendre les titres cités. Tout commentaire relève de l'opinion de son auteur et ne devrait pas être considéré comme une recommandation personnalisée. L'information de ce document ne devrait pas être l'unique source conduisant à prendre une décision d'investissement. Veillez à contacter un conseiller financier ou un professionnel de la finance avant de prendre toute décision d'investissement.

 

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Valeurs citées dans l'article

NomValeurVariation (%)Notation Morningstar
Burberry Group PLC646,40 GBX1,70Rating
Compagnie Financiere Richemont SA Class A131,35 CHF0,34Rating
Hermes International SA2 139,00 EUR0,09Rating
Hugo Boss AG40,50 EUR1,15Rating
Kering SA237,55 EUR-0,21Rating
Lvmh Moet Hennessy Louis Vuitton SE663,00 EUR0,30Rating
Moncler SpA53,76 EUR0,64Rating
Prada SpA124,43 MXN-9,98
Salvatore Ferragamo SpA6,74 EUR0,67Rating

A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.