PARIS (Agefi-Dow Jones)--Bénéfice net divisé par deux, suspension des prévisions à moyen terme et changement de directeur financier: le cocktail servi par Soitec lors de la publication de ses résultats annuels mardi soir passe mal auprès du marché.
Le titre chutait de 20% mercredi à la mi-journée, portant sa baisse à près de 50% depuis le début de l’année.
Le groupe grenoblois, qui avait dû revoir ses prévisions en baisse en février dernier en raison du ralentissement de ses marchés finaux -automobile, industrie, communications mobiles- s’apprête à traverser une nouvelle zone de turbulences liée à la hausse des droits de douane américains.
“Le contexte géopolitique général fait qu’on préfère être prudents”, a affirmé son directeur général, Pierre Barnabé, lors d’un entretien téléphonique avec l’agence Agefi-Dow Jones. Le groupe fournira désormais uniquement des perspectives de chiffre d’affaires sur une base trimestrielle, et non plus annuelle, a-t-il précisé, s’alignant en cela sur les pratiques de la plupart des fabricants de semiconducteurs.
Soitec a également renoncé à ses objectifs à moyen terme, qui étaient d’atteindre un chiffre d’affaires de 2 milliards de dollars et une marge d’excédent brut d’exploitation (Ebitda) de 40%.
“Cette publication n’aide pas pour la visibilité”, commentent les analystes d’Oddo BHF, même s’“il est difficile d’être surpris au regard du contexte d’incertitudes actuelles (notamment pour les marchés finaux des smartphones et de l’automobile)“.
Vents contraires
Sur l’ensemble de l’exercice clos fin mars, le chiffre d’affaires du fabricant de matériaux avancés pour l’industrie des semiconducteurs s’est inscrit à 891 millions d’euros, en baisse de 9% sur un an. Soitec a notamment pâti du ralentissement des ventes de véhicules électriques et d’une réduction des stocks de composants chez les fabricants d’appareils électroniques (smartphones, tablettes, etc.). Cette modération de la demande dans la principale branche du groupe (communications) devrait se poursuivre sur l’exercice 2025-2026 en dépit d’une légère reprise des ventes de smartphones, a précisé l’entreprise.
Pour le trimestre en cours (avril-juin), qui correspond au premier trimestre de son exercice 2025-2026, le groupe a indiqué s’attendre à un recul de 20% de son chiffre d’affaires, en comparaison avec la même période de l’an dernier.
Ce recul est lié à l’arrêt de la commercialisation d’un produit arrivant en fin de vie, Imager-SOI, qui avait généré 25 millions de dollars (environ 22 millions d’euros) de chiffre d’affaires au premier trimestre 2024-2025. En dehors de ce manque à gagner, les ventes devraient ressortir globalement stables sur les trois premiers mois.
La panne du marché automobile et les menaces de droits de douane du président américain Donald Trump sur les semiconducteurs rendent toutefois l’exercice 2025-2026 incertain. Même s’il réalise moins de 10% de son chiffre d’affaires aux Etats-Unis, Soitec pourrait pâtir d’une nouvelle reconfiguration des chaînes d’approvisionnement mondiales en semiconducteurs.
“Sauf à intégrer un retournement violent et rapide du marché, le consensus qui intègre une croissance de 3% du chiffre d’affaires au titre de l’exercice 2025-2026 devrait être amené à réduire sensiblement ses projections”, souligne Invest Securities. Par ailleurs, l’évolution de la parité euro-dollar est défavorable au groupe, note Oddo BHF.
Nouveau directeur financier
Le départ de la directrice financière, Léa Alzingre, dans ce contexte peut apparaître comme un élément d’incertitude supplémentaire même si le nouvel arrivant, Albin Jacquemont, dispose d’une solide expérience dans les mêmes fonctions notamment chez Altran, Darty, Saur et dernièrement Inetum. Léa Alzingre était en poste depuis 2019 et a décidé de saisir de nouvelles opportunités professionnelles, a précisé Soitec.
Malgré l’absence de visibilité pour les prochains mois, Pierre Barnabé reste confiant dans les perspectives du groupe à moyen terme.
“La diversification de nos produits marche remarquablement bien”, a-t-il souligné. Trois produits issus de la R&D du groupe -FD-SOI, Power-SOI et POI- génèrent des revenus de 100 millions de dollars ou plus chacun et un quatrième, Photonics-SOI, a déjà été largement adopté par les fabricants de serveurs liées à l’intelligence artificielle.
Pour l’heure, ces succès ne permettent pas de compenser le déclin des ventes de produits de radiofréquence (RF-SOI) lié au ralentissement du marché des smartphones. Mais le déploiement de la 5G et les besoins croissants d’efficacité énergétique restent de puissants moteurs de croissance, selon le directeur général. “On sait comment doubler notre chiffre d’affaires dans le futur”, assure-t-il. En attendant, Soitec devra limiter le recul de ses ventes et de sa marge opérationnelle cette année s’il veut retrouver les faveurs du marché.
-François Schott, Agefi-Dow Jones, fschott@agefi.fr, ed: JDO
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