Le rééquilibrage de portefeuille et les trappes à valeur

L'exercice de suivi rigoureux de son portefeuille n'est pas des plus aisés, en particulier lorsque les marchés sont chahutés.

Dan Kemp 31.03.2020
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Les principes du rééquilibrage de portefeuille et l’exemple de Warren Buffett

Il ne suffit pas d'adopter une philosophie de l’investissement parfaite : encore faut-il la mettre en pratique sans commettre d’erreurs.

L'une des questions clés auxquelles un investisseur doit répondre dans le cadre de la gestion de son portefeuille est de savoir quand, et à quelle fréquence, il convient de ramener ses placements à leurs pondérations cibles.

Bien qu'il s'agisse d’un point à la fois important et fortement débattu, nous n'avons trouvé aucun travail universitaire étayant la thèse selon laquelle il existe un créneau de rééquilibrage idéal.

Par conséquent, si nous restons ouverts à l’idée de découvrir une approche systématique fiable du rééquilibrage de portefeuille, nous pensons que ce processus nécessite une réflexion approfondie et que toute politique de meilleure exécution doit rester adaptable.

Le point à retenir, dans le cadre d’un portefeuille diversifié, est que les prix des actifs évoluent dans des directions différentes, notamment lorsque l’allocation est répartie à travers des actifs présentant une corrélation négative – actions et obligations, par exemple.

Cette caractéristique des marchés financiers peut contribuer à réduire la volatilité d'un portefeuille dont l'allocation est bien ventilée à travers les classes d'actifs, même si cela réduit l’exposition à nos meilleures idées. Il peut alors s’ensuivre un décalage entre l'allocation souhaitée et la réalité.

Le rééquilibrage joue donc un rôle essentiel dans une philosophie d’investissement fondée sur la valorisation. En l'absence d’intervention, nos expositions ne reflèteront pas nos meilleures idées.

Cependant, un rééquilibrage trop agressif ou trop fréquent expose le portefeuille à une rotation inutile (assortie de frais et de taxes) et à un frein potentiel à la performance. Dans la pratique, si Warren Buffett est passé maître en la matière, de nombreux autres investisseurs échouent lamentablement en cherchant à renforcer des positions qui connaissent un déclin structurel.

La « moyenne basse », un concept simple mais difficile à mettre en pratique

Atteindre la moyenne basse est l’un des défis les plus difficiles à relever pour l’investisseur axé sur les valorisations. Il s’agit en substance d’obtenir la base de coûts la plus basse possible. Prenons l’exemple d’un investisseur qui achète un actif dont le prix chute de 40 % le lendemain. Doit-il en profiter pour en acheter davantage ?

Du point de vue de l’investisseur axé sur la valeur, la théorie généralement admise est qu’il doit effectivement poursuivre ses achats pour autant qu’il demeure convaincu de la juste valeur à long terme de l'actif. C’est précisément ce à quoi fait référence la célèbre déclaration de Warren Buffett, « Qu’il s’agisse de chaussettes ou d'actions, j'aime acheter des marchandises de qualité lorsqu’elles sont soldées ».

Il convient ici de rappeler qu'un investisseur axé sur les valorisations suit le principe de base selon lequel il peut arriver en avance à la fête. Après tout, il investit aujourd’hui dans un actif qui compte davantage de vendeurs que d'acheteurs.

L’identification des trappes à valeur et la science comportementale

De l’ensemble des failles comportementales que nous observons, les plus importantes en termes d’identification des trappes à valeur sont probablement l’effet de dotation et l’excès de confiance.

De fait, les investisseurs tendent à surévaluer ce qu'ils possèdent déjà, ce qui fausse souvent leur évaluation du flux d’informations qui leur parvient. Cela tient souvent à un excès de confiance dans leur décision d'achat initiale ; ils sont alors moins susceptibles de modifier leur évaluation de la juste valeur lorsque celle-ci évolue. Pour l’exprimer plus simplement : nous recherchons des signes qui nous confortent dans l’idée qu’un actif est bon marché.

Cependant, nous devons aussi être conscients du biais de disponibilité, qui nous conduit souvent à extrapoler les tendances présentes. Plus le prix d’un actif baisse, plus nous sommes susceptibles de le vendre.

Par conséquent, les pires situations se produisent lorsqu’un investisseur impatient, qui avait fortement renforcé une position au moment où le prix de l’actif commençait à baisser, perd confiance lorsque celui-ci atteint son point bas, ce qui maximise la perte permanente en capital.

Plus simplement, l’effet de dotation peut être préjudiciable dans l'évaluation de la juste valeur, tandis que le biais de disponibilité nous pousse à ignorer tout calcul de juste valeur. Un investisseur qui souhaite identifier correctement et régulièrement les trappes à valeur doit dompter ces deux biais.

Quelle conclusion pour la politique de rééquilibrage des portefeuilles ?

Il ressort de ce que nous venons de voir qu’une politique d'auto-rééquilibrage peut être dangereuse. Il s'agit d’une forme « paresseuse » de gestion de portefeuille dans la mesure où elle expose l’investisseur final à d’importants frais de transaction et à des trappes à valeur.

Il nous semble donc, au vu de ces points faibles, que le rééquilibrage d'un portefeuille ne devrait pas être simplement « programmé ».

Les gérants de portefeuille devraient au contraire être tenus responsables du suivi de leurs portefeuilles et disposer des outils nécessaires, tout en ayant la capacité de prendre des décisions de rééquilibrage au moment opportun.

L'évaluation préalable à toute transaction devrait comporter une analyse à la fois quantitative et qualitative du portefeuille, afin de garantir que ce dernier continue de refléter les meilleures idées d’investissement et d'éviter toute rotation inutile. Investir est avant tout l'art d’exploiter la puissance des intérêts composés.
 

Cet article ne constitue pas un conseil financier. Il est toujours recommandé de consulter un conseiller en placements ou un professionnel de l’investissement avant d’investir.

 

 

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A propos de l'auteur

Dan Kemp

Dan Kemp  est directeur des investissements de Morningstar Investment Management Europe.