L’internationalisation du yuan chinois prend une nouvelle dimension

Le marché s’attend toutefois à une poursuite de la dévaluation de la devise à court terme, nuisible pour les actions.

Jocelyn Jovène 01.12.2015
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La nouvelle était grandement attendue et a été officialisée lundi par le Fonds Monétaire International: le Renminbi ou yuan chinois (RMB) sera la cinquième devise à faire son entrée le 1er octobre 2016 dans le panier des droits de tirages spéciaux (DTS ou « SDR » en anglais pour « Special Drawing Right »), qui servent d’actifs de réserve international.

Les DTS ne sont pas une devise à proprement parler. Ils ne représentent pas non plus une obligation à l’encontre du FMI, mais ils peuvent être utilisés en échange des devises librement échangées des pays membres de l’organisation internationale.

Par les différents mécanismes d’échange qui les gouvernent, les DTS peuvent être utilisés pour contribuer à stabiliser les cours de certaines devises, et participent également au financement du commerce mondial.

Cette décision va participer au mouvement d’internationalisation du yuan, voulu par Pékin depuis de nombreuses années, puisque désormais toutes les banques centrales détiendront des yuans.

Elle permet également à Christine Lagarde, actuelle directrice générale du FMI, de sécuriser le soutien de la Chine pour sa réélection à la tête de l’organisation.

En août dernier, la décision des autorités de Pékin de dévaluer légèrement leur devise avait été initialement perçue comme une mesure maladroite visant à soutenir l’activité économique, provoquant une brutale correction des marchés financiers en août puis en septembre.

Avec le recul, certains observateurs ont souligné que cette décision visait plutôt à moderniser le système financier chinois et qu’elle participait aux ambitions internationales de la Chine qui souhaite affirmer son rôle de superpuissance économique et politique.

On estime que la détention de DTS est de 204 milliards d’unités, soit environ 280 milliards de dollars actuellement. Le poids du yuan sera de 10,92%, soit une demande en yuans d’environ 30 milliards de dollars. Les économistes d’Exane BNP Paribas observent dans une note datée du 30 novembre que ce montant est insuffisant pour contrer la pression baissière sur le yuan.

Le taux de change actuel du yuan est de 6,4 pour un dollar, sachant que l’objectif de la Banque Populaire de Chine (PBOC) est 6,5 yuans pour un dollar US.

Sur le long terme, la valeur du yuan devrait s’apprécier pour refléter le poids du pays dans l’économie mondiale (13% du PIB mondial, 15% du commerce mondial, mais moins de 1% des réserves de devises).

Toutefois, la Chine est en pleine mutation de son modèle économique, avec la volonté de faire des services et de la consommation domestique les moteurs premiers de la croissance au détriment de l’investissement et des exportations.

Ce nouveau modèle mettra du temps à se mettre en place, mais il pèsera sur la croissance de long terme de l’économie chinoise.

« Désormais, le marché va se focaliser sur la prochaine réunion de la PBOC dans les prochains semaines. Certains participants s’attendent à ce que les autorités autorisent une dépréciation plus substantielle du RMB – si ce risque ne peut être écarté, nous pensons qu’il est peu probable que ce soit l’approche retenue car elle placerait la Chine dans une situation internationale à l’échelle international », observent les économistes de Goldman Sachs dans une note publiée ce mardi.

Ce risque de nouvelle dépréciation de la devise pourrait peser sur les actions chinoises à un horizon de 3 à 6 mois, selon les stratégistes d’UBS. Mais à plus long terme, la perspective d’une plus grande ouverture de l’économie et des marchés financiers locaux pourrait devenir un soutien de la Bourse locale, selon une note datée du 1er décembre.

 

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.