La Fed regagne en crédibilité

J.P.Morgan Asset Management estime que la décision de la Fed lui redonne des marges de manoeuvre. Le "tapering" pourrait débuter dès décembre.

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Un regain de crédibilité

Une semaine mouvementée vient de s’achever. Toutes nos excuses à ceux qui s’estiment envahis d’e-mails traitant de l’action/de l’inaction de la Réserve fédérale (Fed) au cours de la semaine dernière, mais notre opinion sur ce sujet est à contre-courant et nous souhaitons l’exprimer pour récuser le consensus.

Surprise sur le “tapering”

Depuis un certain temps, nous avons émis l’idée selon laquelle décembre semblait plausible pour le démarrage du “tapering” (réduction progressive par la Fed du programme de rachats d’actifs). Dans les jours précédant la réunion du FOMC (Comité de politique monétaire) mercredi dernier, nous nous étions rangés à l’opinion du consensus considérant comme vraisemblable un “mini-tapering” compensé par de nouvelles indications sur l’orientation future de la politique monétaire. Nous avons donc partagé la surprise du marché devant le maintien des rachats d’actifs à leur niveau actuel.

Avec le recul, cette décision n’aurait pas dû être une surprise. Si la Fed avait déclaré clairement que le QE3 (troisième phase de son programme d’assouplissement quantitatif) était une mesure de précaution puis que les justifications de cette mesure de précaution s’étaient dissipées, le “tapering” aurait été justifié.

Cependant, son argumentation a consisté à affirmer que celui-ci dépendrait de l’évolution des statistiques (liées à son double mandat sur le chômage et l’inflation), qui n’ont pas démontré de véritable robustesse : l’inflation “core PCE” (dépenses de consommation personnelles hors énergie et alimentation) ressort à 1,2 % à comparer à l’objectif de 2 % de la Fed.

L’amélioration du marché de l’emploi s’est tassée, la croissance moyenne sur 3 mois de l’emploi non agricole revenant de 224 000 en avril à 148 000 en août. De plus, la hausse des taux réels, le durcissement des conditions financières, des signes de ralentissement du marché du logement en réaction à la hausse des taux et les risques encourus sur le plafond de la dette se sont ajoutés à un contexte plus incertain.

Cette évolution ne suggère en rien une économie approchant de sa “vitesse de libération”. A notre avis, la période mai/juin était moins compréhensible, le pilotage des anticipations étant explicite (des seuils et un calendrier spécifiques avaient été mentionnés) mais l’essentiel de tout cela a été remis en cause par la déclaration de mercredi dernier.

Contrairement au consensus, nous estimons que cette stratégie ramène la Fed à un pilotage des anticipations plus confortable en préservant un degré de flexibilité et lui évite le risque d’un engagement préalable : le “tapering” débutera lorsque l’inflation se sera rapprochée de l’objectif de la Fed et l’amélioration du marché de l’emploi sera bien établie. Nous persistons à croire que décembre sera le point de départ probable, favorisé par les améliorations d’indicateurs comme le recrutement dans les petites entreprises et les perspectives de ventes de biens d’équipement.

Succession à la tête de la Réserve fédérale

Selon nous, la plus forte surprise de la semaine dernière a été le retrait de la candidature de Larry Summers (ancien Secrétaire au Trésor et conseiller économique de la Maison blanche) de la liste des candidats potentiels à la succession de Ben Bernanke à la présidence de la Fed.

De nombreux observateurs ont indiqué que M. Summers était l’un des économistes les plus éminents de notre époque. On a également suggéré que sa personnalité et son caractère auraient été loin d’être en phase avec la direction d’une institution centenaire très particulière dont le bon fonctionnement repose largement sur la recherche du consensus.

Que ces affirmations soient exactes ou non, il aurait représenté la plus grande inconnue et le changement le plus important par rapport aux autres candidats potentiels déjà cités. Il n’a jamais travaillé à la Réserve fédérale et, tout en étant une personnalité en vue depuis de nombreuses années, sa spécialité demeure la politique budgétaire alors qu’il ne s’est que rarement exprimé sur la politique monétaire.

Janet Yellen, l’actuelle vice-présidente, redevient la favorite pour cette nomination, les autres candidats évoqués (Roger Ferguson, Don Kohn et Tim Geithner) ayant de leur côté exercé des responsabilités importantes à la Réserve fédérale. Sans que cela n’implique un quelconque jugement sur Summers, l’incertitude que sa possible nomination aurait suscité s’est dissipée, provoquant un soulagement sur les marchés. Nous ne serions pas surpris d’assister à l’annonce rapide d’une nomination, qui devrait être bien reçue, comme le montre le graphique de la semaine.

Sans regrets

La fonction de réaction de la Réserve fédérale a été perdue de vue depuis le début des discussions sur le “tapering” en mai. Après la déclaration de mercredi, pour la première fois depuis des mois, on voit de nouveau clairement quel genre de banquier central contrôle le FOMC (Comité de politique monétaire) : celui qui endosse une fonction de réaction fermement “accommodante”.

Cette réaffirmation d’un positionnement accommodant a également été appuyée par la publication anticipée du “Summary of Economic Projections of FOMC members” (Rapport sur les projections économiques des membres du FOMC). La tendance centrale – instrument de mesure qui exclut les trois prévisions les plus élevées et les trois plus basses pour l’année – concernant le taux de chômage en 2016 était dans l’ensemble en ligne avec les estimations du NAIRU, à 5,4/5,9 %, alors que celle de l’inflation “core PCE” était conforme à l’objectif de la Réserve fédérale de 2 % et que la croissance du PIB réel était légèrement supérieure à la tendance, à 2,5/3,3 %. Il était alors frappant que la plupart des membres du FOMC anticipent une politique optimale pour 2016 qui se traduirait par un taux directeur à 2 %, bien inférieur au niveau de 4 % généralement considéré comme normalisé.

Ben Bernanke lui-même a relevé que le FOMC avait peut-être tendance à repousser les limites de la crédulité en anticipant les taux pour 2016 et que, finalement, on s’attendrait à leur retour à la normale. Il a continué en expliquant que les membres du FOMC anticipent de nombreuses difficultés susceptibles de ralentir la croissance de la demande, abaissant de ce fait le point d’équilibre du taux directeur, notamment la faiblesse de la reprise du marché du logement et la poursuite du frein budgétaire.

Bien que ces difficultés apparaissent davantage être un scénario de court terme plutôt que pour 2016, le Comité révèle clairement une approche patiente de sa politique – soit en retardant l’annonce du “tapering” ou en prévoyant un taux directeur inférieur à son niveau normal pendant un certain temps après la normalisation de l’activité. Lorsqu’il a été interrogé sur ce qu’il aurait pu faire de différent au cours de la grande crise financière, Bernanke a répondu “pour ce qui concerne les regrets, comme le dit Frank Sinatra, j’en ai beaucoup.” Il paraît déterminé à faire en sorte qu’un resserrement prématuré de la politique monétaire n’en fasse pas partie.

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A propos de l'auteur

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