Valoriser une action avec des ratios boursiers

Il existe de multiples techniques de valorisation, dont celle des ratios boursiers, avec leurs avantages et leurs inconvénients.

Morningstar 30.08.2013
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Nous avons vu dans un précédent article l'importance de savoir faire la distinction entre prix et valeur.

Pour déterminer la valeur d'un titre, l’une des méthodes les plus populaires et les plus courantes consiste à rapporter son prix à un indicateur financier fondamental, qu’il soit extrait du compte de résultat, du bilan ou du tableau de flux de trésorerie.

Les ratios boursiers sont très populaires car ils sont faciles à mettre en pratique, et ils sont généralement relativement accessibles.

Il est néanmoins important de connaître leurs avantages et leurs limites. Les ratios de valorisation sont un outil pratique à votre disposition pour une appréhension rapide et facile de la valeur d’un titre coté, mais il faut toujours être capable de les resituer dans le contexte de leur utilisation.

Cours/Chiffre d’affaires ("Price/Sales Ratio")

Le ratio cours sur chiffre d’affaires rapporte le cours de Bourse au chiffre d’affaires par action (ou la capitalisation boursière au chiffre d’affaires consolidé de l’entreprise).

Son intérêt est qu’il n’est en principe pas trop sujet à des ajustements ou manipulations comptables. Les entreprises peuvent toujours utiliser des astuces pour augmenter leur chiffre d’affaires, mais cela peut se voir. Le chiffre d’affaires est généralement bien moins volatil que le résultat net. Ce ratio peut donc être utilisé pour évaluer de nombreux secteurs d’activité, ainsi que des sociétés qui n’affichent pas de bénéfice.

Il est donc relativement utile pour valoriser des sociétés dont les résultats sont très variables, en comparant par exemple leur ratio actuel avec sa moyenne historique, ou pour comparer des sociétés au sein d’un même secteur d’activité (attention toutefois à ce que les domaines d’activité soient les plus proches possibles).

Le ratio cours sur chiffre d’affaires connaît certaines limites. Le plus important est que le chiffre d’affaires n’aura pas la même valeur selon le degré de profitabilité de la société. Si une entreprise facture des milliards d’euros mais ne gagne pas d’argent, il est difficile d’appréhender sa juste valeur si l’on n’a pas d’idée du niveau de profitabilité qu’elle génère en situation normale.

Il est donc important de garder à l’esprit qu’un euro de résultat a la même valeur quel que soit le niveau de chiffre d’affaires nécessaire pour produire cet euro. Un euro d’une entreprise très profitable vaut donc plus que celui d’une entreprise affichant des marges faibles.

Le ratio cours sur chiffre d’affaires est donc utile pour comparer des sociétés d’une même industrie ayant des niveaux de profitabilité similaires, ou pour analyser une société au fil du temps.

Cours/Actif net ("Price to Book" ou P/B)

Le ratio cours sur actif net rapporte la valeur en Bourse de l’entreprise au montant de ses fonds propres (ou le cours de Bourse au montant des fonds propres divisé par le nombre d’actions en circulation). Les investisseurs prudents ou value s’intéressent généralement aux sociétés qui affichent un ratio cours sur actif net faible (le plus souvent inférieur à 1). Cet indicateur offre une mesure plus tangible de la valeur d’une entreprise que ne le font les résultats. Le légendaire investisseur Benjamin Graham, mentor de Warren Buffett, était un grand avocat de ce ratio dans l’évaluation des sociétés cotées.

Ce ratio a néanmoins quelques limites. La valeur comptable des actifs et passifs d’une entreprise ne reflète pas toujours leur vraie valeur ou leur valeur de remplacement. Elle peut en outre être affectée si la société doit reconnaître des dépréciations sur le montant de certains actifs intangibles, notamment des écarts d’acquisition (survaleurs constatées lors d’opérations de croissance externe).

Par exemple, la dépréciation de la valeur d’un actif (écart d’acquisition, marque ou autre actif tangible…) peut réduire sensiblement la valeur de l’actif net et changer ainsi le ratio cours sur actif net. D’un autre côté, la valeur comptable des fonds propres d’une société ne donne qu’une mesure imparfaite de sa vraie valeur, en particulier lorsque les sociétés détiennent des actifs intangibles importants. D’autres actifs sont inscrits dans les comptes d’une entreprise à leur coût historique (cas des biens immobiliers).

Le ratio cours sur actif net est directement lié à la rentabilité des fonds propres (« return on equity »), qui est le rapport entre le résultat net d’une entreprise et le montant de ses fonds propres. Deux entreprises qui seraient comparables sur la base d’autres indicateurs financiers, n’auront pas le même niveau de P/B en fonction de leur rentabilité des fonds propres (l’entreprise la plus rentable aura le ratio de valorisation le plus élevé). La raison en est simple : l’entreprise la plus rentable capitalisera plus rapidement ses résultats et justifie donc d’être plus chèrement valorisée.

Cours/Bénéfice net ("Price/Earnings" ou P/E)

Le P/E est le ratio boursier le plus populaire et le plus utilisé par les investisseurs. Il rapporte le cours de Bourse au bénéfice net par action (des 12 derniers mois, de l’exercice en cours ou du suivant). L’intérêt est que le résultat net est un élément très proche du cash généré par l’activité d’une entreprise. De plus, le bénéfice par action et les prévisions de résultat pour les exercices futurs sont généralement aisément accessibles.

Ce ratio mesure combien les investisseurs sont prêts à payer pour les résultats d’une entreprise. En termes généraux, plus le P/E est élevé, plus les investisseurs apprécient chaque euro de résultat produit ou à venir. Les sociétés à P/E élevés affichent en principe les potentiels de croissance des résultats les plus importants, tandis que les titres exhibant un P/E inférieur à 15x ont de moindres perspectives de croissance bénéficiaire. Mais le P/E en lui-même dit peu de chose sur la valeur d’une entreprise.

L’emploi le plus utile du P/E consiste à le comparer à un indice de référence ("benchmark"). Comparer les P/E de sociétés du même secteur peut également faire sens ou entre le P/E d’une société et celui du marché dans son ensemble, ou bien encore l’évolution du P/E dans le temps.

Par exemple, une société dont le P/E est inférieur à la moyenne de son secteur peut être sous-évaluée, mais des sociétés dans un même secteur d’activité peuvent avoir des structures du capital différentes, des niveaux de risque ou des taux de croissance qui affectent le niveau de leur P/E. Tout chose égale par ailleurs, une société affichant de meilleures perspectives de croissance, un risque moindre et un faible besoin de réinvestissement de son capital devrait en théorie se traiter avec un P/E plus élevé que d’autres valeurs ne bénéficiant pas de ces caractéristiques.

Il faut néanmoins toujours prêter attention aux caractéristiques fondamentales des sociétés lorsque l’on se lance dans une approche comparative. Il reste que comparer une société à son secteur ou au marché peut faire sens. Mais ces éléments ne peuvent suffire à bâtir une décision d’investir sur un titre.

Observer l’évolution historique du P/E est également source d’enseignements. Cela peut être le cas des sociétés dont le modèle économique ou la structure de coût évolue dans le temps, ou celles qui ont opéré une profonde mutation de leur portefeuille d’activités. Une firme affichant de solides perspectives de croissance sans modification de son modèle économique, mais qui se traite avec une décote par rapport à son secteur ou au marché, devrait attirer l’intérêt des investisseurs. Il est possible que le marché valorise mal un titre à un moment donné, mais il faut s’assurer que ses fondamentaux ne sont pas trop détériorés dans le temps.

Le P/E n’est pas dénué d’inconvénients. L’utilisation du benchmark peut avoir son importance, car certains indices peuvent être biaisé en sur-/sous-représentant certains secteurs d’activité. L’analyse en niveau absolu peut également faire sens, en particulier dans les périodes de bulle ou de krach boursier.

De même, lorsque l’on analyse le P/E d’une société, il est important de comprendre comment le bénéfice est déterminé et s’il représente bien la capacité bénéficiaire de l’entreprise. Car le résultat net peut être manipulé ou modifié par les choix du management.

Une société qui vend un actif peut augmenter artificiellement et ponctuellement son bénéfice, ce qui peut conduire à déprimer le P/E.

Les résultats publiés peuvent être augmentés ou dépréciés par des éléments non-récurrents, ce qui peut distordre le P/E.

Les sociétés cycliques, caractérisées par une variabilité importante de leurs résultats, imposent une analyse plus approfondie. Ainsi, vous pourriez penser qu’une société se traitant avec un P/E historique faible est une bonne affaire, mais c’est précisément le pire moment pour s’y intéresser car ce faible P/E s’explique par un pic au niveau des résultats – en gros, ces résultats sont appelés à baisser. De même, un titre cyclique qui semble cher lorsque ses résultats sont déprimés est sans doute sur le point de bénéficier d’un rebond de ses profits.

Enfin, il existe deux types de P/E : les P/E historiques, qui comparent le cours aux résultats des 12 derniers mois et les P/E prospectives (ou "forward") qui s’appuient sur les prévisions des analystes pour les 12 mois à venir ou les 4 prochains trimestres. Comme les sociétés cherchent à faire croître leurs résultats d’une année sur l’autre, le P/E forward est presque toujours inférieur au P/E historique, et parfois de manière excessive pour les sociétés dont les profits augmentent rapidement.

Malheureusement, les prévisions des analystes sont régulièrement trop optimistes. En conséquence, acheter un titre parce que son P/E prospectif est bas, en espérant que les résultats augmenteront, peut parfois conduire à des déceptions.

Cet article a été initialement publié sur Morningstar.co.uk le 20 février 2013. Il a été revu et édité. 

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