Devises: la volatilité devrait remonter

Un point bas dans la volatilité des changes et un renforcement du dollar US caractérisent actuellement le marché des devises.

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La volatilité des devises a progressé tendanciellement depuis la fin de l’année dernière. A titre d’exemple, la volatilité réalisée à 30 jours pour la paire EUR/USD est passée de 5,5 % en décembre à son niveau actuel d’environ 8 %. Ce niveau reste cependant faible dans un contexte historique, la moyenne depuis 2000 évoluant dans une fourchette de 10/12 % avec un pic supérieur à 20 % en 2008.

Comme nous l’avons indiqué antérieurement, la fourchette de fluctuation de la paire EUR/USD au cours de l’année civile 2012 a été la plus étroite depuis le lancement de la monnaie unique (et elle l’a été encore davantage au cours du premier semestre de l’année en cours) alors que pour la paire USD/CHF la fourchette de fluctuation de 10 % en 2012 a été la plus étroite jamais enregistrée depuis la fin du système de parités de changes fixes de Bretton Woods au début des années 1970.

Facteurs spécifiques

Si l’on remarque que la volatilité de beaucoup d’autres classes d’actifs a été très faible, il existe des facteurs spécifiques aux marchés des changes des pays développés suggérant que cette période de faible volatilité devrait prendre fin. Les trois facteurs de performance à long terme des devises – la valorisation, les différentiels de taux d’intérêt et anticipations d’évolution qui en découlent, ainsi que le momentum – ont contribué à favoriser un contexte de faible volatilité.

Sur le plan de la valorisation, nous estimons qu’il n’y a pas de dislocation majeure sur les marchés des changes, la majorité des devises du G10 étant proche de ses mesures de juste valeur à long terme. En particulier, les deux devises les plus couramment négociées, le dollar US et l’euro, sont très proches de notre estimation de leur point d’équilibre (dans le cas de l’euro, il peut être considéré comme une devise très bon marché pour l’Allemagne et très chère pour certains autres pays, mais sur la base moyenne pondérée du PIB nous estimons sa juste valeur à environ 1,30). Le manque de repères extrêmes de valorisation a certainement contribué à réduire la volatilité des devises.

Pour ce qui concerne les écarts de taux d’intérêt, et en particulier les anticipations de leur évolution, la période récente a été celle d’une synchronisation et d’une clarté inhabituelles. Dans le monde entier, les taux ont reculé vers zéro, avec les devises de pays comme l’Australie et la Nouvelle Zélande en forte hausse, leurs taux ayant moins baissé qu’ailleurs. Fait important, l’évolution future des taux a été perçue comme moins incertaine dans la mesure où le leitmotiv “plus bas plus longtemps” a été largement adopté.

Absence de catalyseurs

Du fait de l’absence de déséquilibre majeur sur les devises, de la convergence des taux d’intérêt et du recul de la volatilité, aucun catalyseur fort ne s’est déclenché pour actionner le troisième facteur majeur de performance à long terme des devises, le momentum. Ces éléments ont contribué à la faiblesse de la volatilité sur les marchés des devises.

Le contexte a désormais changé depuis que la Réserve fédérale a alerté les marchés sur un point d’inflexion majeur de sa politique monétaire. Si nous admettons qu’un “resserrement” (c’est à dire une hausse des taux d’intérêt) n’est pas imminent, l’adoption de l’Evans Rule et le début du “tapering” (réduction progressive de ses achats d’actifs par la Réserve fédérale) représentent le processus de normalisation graduelle de la politique monétaire aux Etats-Unis.

En utilisant la sémantique de la Réserve fédérale, nous dirions que cette dernière relâche sa pression sur l’accélérateur plutôt que d’appuyer sur le frein – mais ceci se produit au moment même où l’on conduit pied au plancher au Japon et nous estimons que l’environnement va de nouveau se dégrader du fait de la Banque d’Angleterre et de la BCE au cours des mois qui viennent. A notre avis, cette divergence des cycles de politique monétaire va provoquer une intensification de la volatilité des devises et en particulier une appréciation relative du dollar US.

Avance américaine

Nous défendons depuis longtemps l’idée que les Etats-Unis ont deux ou trois années d’avance sur les autres marchés développés dans la phase de reprise postérieure à la crise. Les Etats-Unis ont été prompts à traiter les tensions apparues dans leur système financier, alors que leur secteur privé a progressé de façon significative sur la voie du désendettement.

La détérioration de la dette du secteur public s’est également stabilisée. L’enquête “Senior Loan Officer Survey” de la Réserve fédérale (enquête menée auprès de cadres de banque chargés de l’octroi de prêts), parmi d’autres indicateurs, suggère que le processus d’octroi de crédit fonctionne, et plutôt bien, aux Etats-Unis.

La reprise du marché du logement est un élément positif majeur dans la mesure où il apporte une valeur de marché crédible à de nombreux actifs inscrits aux bilans des banques. Le déficit de la balance courante des Etats-Unis s’est amélioré tendanciellement depuis 2005. Si cette amélioration est susceptible de ralentir, voire de s’inverser, dans la mesure où la demande intérieure aux Etats-Unis devrait se raffermir par rapport au reste du monde, elle sera confortée par la révolution de la fracturation hydraulique et la tendance, déjà engagée, à la relocalisation.

Remontée de la volatilité

Si nous estimons que le cycle va devenir de plus en plus positif pour le dollar US, nous constatons que les points d’inflexion antérieurs de la politique monétaire de la Réserve fédérale (comme 1976, 1994 et 2004) ne se sont pas traduits par une appréciation immédiate du dollar.

Combinée au fait que toute appréciation du dollar le verrait évoluer de sa juste valeur vers une certaine surévaluation (plutôt qu’enregistrer une forte correction après un niveau nettement sous-évalué), nous estimons que la tendance à l’appréciation du dollar sera épisodique.

En d’autres termes, la volatilité des devises devrait progresser. Enfin, nous observons que l’indice Fed’s Major Currency Dollar est passé par un creux historique en 2011 – la tendance haussière date déjà de deux ans.

Ce texte a été rédigé par David Shairp, stratégiste chez J.P.Morgan Asset Management. Les intertitres ont été rajoutés par la rédaction de Morningstar France.

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