Qui achetait des actions en 2008 ?

Ne regardez pas les investisseurs domestiques si vous cherchez une réponse.

John Rekenthaler 29.07.2016
Facebook Twitter LinkedIn

Dans un article récent intitulé « The Fallacy behind Investor versus Fund Return (and why DALBAR is dead wrong) », le chercheur Michael Edesess se demande si les investisseurs dans les fonds ouverts et les responsables de fonds de pension sont incapables de prévoir correctement les mouvements du marché. Sa réponse : « bien évidemment ; dans tout échange, il y a un gagnant et un perdant. »

L’impression est juste. Les investisseurs n’ont cessé d’échanger des actions Lehman Brothers jusqu’à l’annonce de sa faillite le 15 septembre 2008. Chaque acheteur d’un titre faisait probablement l’affaire d’un vendeur.

Toutefois, l’idée suggérée par Edesess que les détenteurs de parts dans des fonds ouverts ou des fonds de pension ne peuvent avoir simultanément tort va sans doute trop loin. Lorsque les détenteurs de parts dans un fonds retirent leur argent, obligeant le gérant à vendre des titres, les acheteurs de ces titres peuvent être les fonds de pension. Mais cela peut être d’autres parties prenantes : des particuliers, des hedge funds, des fonds souverains. Cela peut aussi être des entreprises qui conduisent des programmes de rachats d’actions.

Sur la base des données Morningstar, après plusieurs années de collecte, les fonds (y compris les ETF) ont connu une décollecte continue entre 2009 et 2012. Au cours de la même période, les fonds de pension des entreprises membres du Fortune 1000 sondées par Willis Towers ont réduit leur exposition aux actions de 45,1% à 39,5%.

Les détenteurs de parts de fonds et les principaux fonds de pension américains ont donc eu la même réaction après la crise financière de 2008 : réallouer.

Ce comportement n’est pas très surprenant. Les fonds de pension et sociétés de gestion se servent des mêmes consultants pour bâtir leur allocation. En 2009, participant à plusieurs conférences sur l’investissement avec des audiences comprenant pour certaines des institutions et pour d’autres, des conseillers financiers, les messages entendus alors étaient les mêmes : sortez des actions, privilégiez l’alternatif.

Un choix qui, avec le recul, s’est avéré particulièrement coûteux. Qui a donc gagné depuis 2008 ? Passons en revue les candidats potentiels.

Hedge funds – marginalement

La plupart des hedge funds avaient bien joué la bulle TMT. Ils étaient peu exposés au secteur technologique avant 2000, ce qui leur a permis de gagner en notoriété. Mais ce succès ne s’est pas répété.

Leur exposition aux actions était notoire en 2008, et peu ont eu le courage d’acheter des actions après le krach de 2008, paralysés qu’ils étaient par les demandes de retrait d’argent de leurs clients et la crainte de subir de nouvelles pertes.

Quelques rares exceptions existent toutefois. Mais ces acteurs sont marginaux au regard des flux massifs de sortie des actions américaines après le krach.

Les ménages américains – Sans doute pas

Malgré le boom des fonds, les ménages détenaient une bonne part des actions américaines avant le krach, si bien qu’ils étaient sans doute « la contrepartie de l’échange ». Mais cela ne semble pas probable, car ces investisseurs ont retiré une part importante de leur argent dans les fonds ouverts entre 2009 et 2012. Difficile d’imaginer qu’ils aient opéré un tel mouvement pour détenir des actions en direct.

Les indices que l’on peut trouver montrent que les ménages ont de fait réduit leur détention directe d’actions pendant cette période. Le vide laissé par les fonds d’investissement et les fonds de pension n’a vraisemblablement pas été comblé par les ménages américains.

Les entreprises – Non plus

En théorie, les entreprises devraient vendre leurs actions quand elles sont élevées et les acheter quand les cours sont bas. En pratique, ce n’est pas nécessairement le cas. Les rachats d’actions – et les émissions de titres – dépendent aussi de la vie des affaires. Lorsqu’elles sont en difficulté, les entreprises peuvent difficilement racheter leurs titres. Il est plus probable qu’elles émettent de nouvelles actions. A l’inverse, lorsqu’elles sont riches, elles ont tendance à augmenter leurs rachats d’actions, même si les valorisations sont tendues.

Dans l’ensemble, les entreprises ont eu un effet globalement neutre après 2008. Les nouvelles émissions en 2009 et 2010, ce qui signifie que les entreprises étaient vendeuses nettes, tout comme les fonds de pension et les fonds ouverts. Au cours des deux années suivantes, elles sont devenues acheteuses nettes, pour environ un montant équivalent.

Les investisseurs étrangers - Oui

Les non-résidents ont massivement acheté des actions américaines après le krach, augmentant la proportion de leur détention de 10,1% en juin 2009 à 13,9% en juin 2012 et 14,5% en juin 2013. Cela représente plusieurs centaines de milliards de dollars. Non seulement ces investisseurs ont opéré dans le bon sens, mais la masse des sommes engagées a été significative.

Question : est-ce parce que ces investisseurs étaient plus intelligents que les autres ? Rien n’est moins clair. L’augmentation de la détention non résidente est une tendance de long terme, reflet de la globalisation des marchés financiers.

Accordons crédit à ces investisseurs de ne pas avoir hésité en 2008 -  mais pas trop de crédit non plus car leurs propres marchés ont également sombré avec la crise.

En même temps, ne soyons pas trop durs avec les investisseurs américains. En sortant des fonds d’investissement domestiques, ils ont redéployé une part de leur épargne vers l’étranger. Ils faisaient l’inverse des non-résidents.

En revanche, les fonds de pension n’ont pas une telle excuse, ayant réduit massivement leur exposition aux actions. Ils ont en revanche décidé que passer des actions à la gestion alternative, à la façon du fonds de dotation de l’université de Yale, est une meilleure stratégie pour le long terme. Cela peut être le cas. Ces dernières années représentent une période de temps trop courte pour juger de la pertinence de cette stratégie. Jusqu’à présent, ce choix n’a pas été payant.

 

Facebook Twitter LinkedIn

A propos de l'auteur

John Rekenthaler  is vice president of research for Morningstar.