Les rachats d’actions s'emparent-ils de l'Europe ?

Les rachats d'actions constituent une forme de plus en plus populaire de rémunération des actions. Pour l'heure les dividendes restent dominant, mais pour combien de temps encore ?

Jocelyn Jovène 29.04.2024
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A ticker display in Madrid

En Europe, un nombre croissant d'entreprises ont significativement augmenté leurs rachats d'actions récemment.

Cette forme de rémunération des actionnaires, très populaire outre-Atlantique, prend une ampleur croissante et est devenue une forme populaire de retour de cash aux détenteurs d’actions en Europe.

L'analyse des données financières pour les actions des sociétés non financières affichant une capitalisation boursière de plus de 5 milliards d’euros au sein de l’indice Morningstar Developed Markets Europe (soit 294 sociétés cotées en Europe) fait ressortir les éléments suivants :

  • Entre 1999 et 2023, les rachats d’actions ont progressé quasiment deux fois plus vite que les dividendes, avec une croissance annuelle moyenne de respectivement 11,2% et 6,6%.
  • En 2023, les entreprises européennes ont retourné 427 milliards d’euros à leurs actionnaires, soit moins qu’en 2022 où ils avaient atteint 449 milliards d’euros.
  • Les rachats d'actions ont représenté 129 milliards d'euros en 2023, soit 30% du total du cash rendu aux actionnaires des sociétés non-financières en Europe contre 10 milliards d'euros et 14% respectivement en 1999.
  • La raison de cette baisse tient aux rachats d’actions, moins importants en 2023 qu’en 2022 (graphique).
  • Avec 298 milliards d’euros, les dividendes restent la principale forme de rémunération des détenteurs d’actions européennes, forme de rémunération qui croit régulièrement depuis 23 ans, à l’exception des périodes de récession (2002-2003, 2009, 2020).
  • Le retour de cash aux actionnaires demeure la principale utilisation du cash-flow libre généré par les entreprises européennes.

 

Ce retour de cash croissant aux actionnaires s’explique principalement par l’appréciation du cash-flow libre généré par les entreprises européennes, lui-même reflet de la progression de leurs ventes, de la progression des marges qui ont permis de couvrir des dépenses d’investissement en augmentation.

« Pour de nombreuses entreprises européennes, les deux dernières années ont été marquées par des rendements exceptionnels, reflétés dans une large mesure par les valorisations boursières », observe Michael Field, stratégiste actions Europe pour Morningstar. « Nombre d'entre elles sont conscientes que ces rendements ont peu de chances de perdurer et qu'il est donc préférable de restituer les liquidités sous la forme d'un rachat ponctuel d'actions », ajoute-t-il.

« Les rachats d’actions sont en hausse notable en Europe, menés par les financières, l’énergie et les cycliques. C’est un signe de la confiance accrue dans le potentiel de croissance des résultats et la qualité des bilans », estime pour sa part Emmanuel Cau, stratégiste actions Europe chez Barclays dans une note datée du 24 avril.

Des rachats portés par la bonne santé des entreprises

De fait, la santé des entreprises européennes (non financières) est plutôt bonne.

En 2023, ces entreprises ont affiché une marge d’exploitation record (13,3% contre 10,8% en 2019). Leur niveau d’endettement est très modéré puisqu’il ne représenterait que 1,2 fois le résultat brut d’exploitation (EBITDA).

Croissance, amélioration des marges et faible endettement ont permis au cash généré par l’activité d’atteindre 1.003 milliards d’euros en cumulé en 2023 (après un record à 1.059 milliards d’euros en 2022).

Ces entreprises ont accru leurs investissements (480 milliards d’euros contre 469 milliards d’euros en 2022), mais cela n’a que marginalement pesé sur le cash-flow libre à 523 milliards d’euros l’an dernier.

Au moment où le débat autour du partage de la valeur ajoutée prend de nouveau de l’ampleur à la veille d’échéances électorales majeures en Europe, la question des rémunérations en actions fait l’objet d’une attention particulière à la lumière de la publication de certains salaires astronomiques versés à quelques dirigeants d’entreprises comme Carlos Tavarès, le patron du constructeur automobile Stellantis.

Les rachats d’actions, qui visent souvent à annuler des actions émises pour rémunérer tout ou partie des salariés d’une entreprise, à commencer par ses dirigeants, ont été récemment présentées comme une « dérive du capitalisme financier ».

La réalité des données montre une situation quelque peu différente.

Le fait que les entreprises européennes aient moins racheté d’actions en 2023 qu’en 2022 montre un certain opportunisme et une certaine habileté dans l’allocation du capital – 2022 a été une année de baisse des marchés actions et donc l’occasion de racheter des titres à des niveaux de valorisation souvent attrayants (caractérisés par exemple par un rendement du cash-flow de 5,5%, niveau historiquement bas).

Cela étant, le cash retourné aux actionnaires des entreprises européennes demeure le principal usage que font ces dernières de leur cash-flow libre – un choix qui n’est pas illogique compte tenu d’un endettement modéré (pas de besoin de renforcer les bilans) et sans doute d’un manque d’opportunités pour réaliser des opérations de croissance externe.

Selon Pitchbook, les opérations de fusions-acquisitions ont fortement décru en 2023 après un net rebond entre 2021 et 2022.

© Morningstar, 2024 - L'information contenue dans ce document est à vocation pédagogique et fournie à titre d'information UNIQUEMENT. Il n'a pas vocation et ne devrait pas être considéré comme une invitation ou un encouragement à acheter ou vendre les titres cités. Tout commentaire relève de l'opinion de son auteur et ne devrait pas être considéré comme une recommandation personnalisée. L'information de ce document ne devrait pas être l'unique source conduisant à prendre une décision d'investissement. Veillez à contacter un conseiller financier ou un professionnel de la finance avant de prendre toute décision d'investissement.

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Valeurs citées dans l'article

NomValeurVariation (%)Notation Morningstar
BP PLC422,10 GBX1,26Rating
Equinor ASA24,09 EUR-2,37
Glencore PLC437,50 GBX1,02Rating
Iberdrola SA13,57 EUR0,00Rating
Nestle SA83,62 CHF-0,12Rating
Novo Nordisk A/S Class B803,40 DKK3,24Rating
Shell PLC31,71 EUR1,83Rating
Stellantis NV12,21 EUR0,84
Stellantis NV12,21 EUR0,78Rating
TotalEnergies SE63,28 EUR1,01Rating

A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.