J.P.Morgan AM: l'aplatissement de la courbe des taux devrait peser

Les mouvements de juillet sont davantage liés à un repositionnement des portefeuilles qu’à l’évolution des fondamentaux. 

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Cet article fait partie de la série "Perspective", qui regroupe des contributions externes. Le texte suivant a été rédigé par l'équipe des stratégistes de J.P.Morgan Asset Management. 

Juillet a été difficile pour les bulls (tenants de la hausse des marchés) : de nombreux actifs risqués ont reculé au cours du mois : S&P -1,5%, petites capitalisations US -6,1%, haut rendement -2,8%, pétrole -5,6%, platine -1,7%, devises latino-américaines -1,9%.

Bien que de nombreux marchés soient tombés dans le rouge le mois dernier, les statistiques se sont montrées plus nuancées avec quelques arguments aussi bien pour les bulls que pour les bears (tenants de la baisse).

La publication de résultats solides, une croissance de 4 % du PIB des Etats-Unis au 2ème trimestre et la tonalité rassurante de la Réserve fédérale auront apaisé les craintes des bulls. Néanmoins, le plus important recul mensuel de l’indice PMI de Chicago jamais enregistré depuis octobre 2008 et le défaut de paiement de l’Argentine ont conforté les bears dans leurs convictions.

A notre avis, les mouvements de juillet sont davantage liés à un repositionnement des portefeuilles qu’à l’évolution des fondamentaux. Nous serions donc plutôt enclins à considérer comme provisoire la période actuelle de passage à vide.

Le tassement des portefeuilles au cours de saisons estivales caractérisées par des volumes restreints de transactions n’est pas rare et, avec l’encouragement prodigué par les bénéfices et les statistiques de croissance aux Etats-Unis, nous restons optimistes sur les perspectives de ce pays.

Néanmoins, le profil sous-jacent de l’évolution de l’aplatissement de la courbe des taux aux Etats-Unis et le momentum qui se confirme sur le dollar, suggèrent que les facteurs de performance des actifs pourraient commencer à s’infléchir.

Le climat économique de juillet s’est focalisé sur le contexte géopolitique, les sorties de capitaux du segment high yield et l’accès de faiblesse des petites capitalisations, mais l’aplatissement de la courbe des taux des Etats-Unis, qui s’est discrètement accélérée le mois dernier, a moins attiré l’attention.

A première vue, elle ne constitue pas une véritable surprise. Au cours des deux derniers cycles, les courbes de taux ont commencé à s’aplatir peu avant la première augmentation de taux de la Réserve fédérale.

Mais ce qui est intéressant actuellement c’est le rythme et l’intensité avec lesquels la courbe s’est aplatie un an avant que la Réserve fédérale ne soit supposée enclencher un cycle de hausses de taux. Si le marché est en effet déjà entré de facto dans un cycle de resserrement, une question vient naturellement à l’esprit : de quelle ampleur pourrait-être un nouvel aplatissement de la courbe et quelles en seraient les conséquences pour les marchés d’actifs ?

La dynamique de la courbe des taux cette année mérite un examen attentif – plus des trois quarts de l’aplatissement de la courbe entre le 2 ans et le 10 ans U.S. est dû au rebond des taux à 10 ans.

Cette évolution mérite d’être comparée à celle des deux derniers cycles de hausse, au cours desquels l’aplatissement de la courbe a été fortement influencé par les taux à court terme. En fait, les marchés à terme intègrent déjà un aplatissement de la courbe et une contribution accrue de la hausse des taux courts ; mais ceci n’explique pas encore de façon adéquate la tendance à l’aplatissement haussier de cette année.

Le manque de fermeté du marché de l’emploi et la faiblesse de l’offre nette de bons du Trésor américain ont sûrement joué un rôle dans l’évolution des taux à 10 ans mais nous estimons également que le rebond des autres obligations souveraines des marchés développés a exercé une certaine influence.

Si cette analyse est correcte, il se peut que les taux courts et les obligations à plus long terme réagissent à des facteurs distincts. Comme au cours de cycles précédents, la politique de la Réserve fédérale aura une influence sur la partie courte de la courbe.

Mais des taux longs durablement bas en Europe et au Japon, associés à une incertitude sur le niveau de croissance tendancielle que les Etats-Unis peuvent durablement générer, pourraient contribuer à maintenir les taux longs américains (US) à un niveau étonnamment faible au cours de ce cycle.

L’orientation des taux à terme suggère un taux des Fed Funds en fin de cycle compris entre 3,75 % et 4 %. Cependant, les prévisions du consensus, qui tablent sur un PIB réel de 3 % et un IPC de 2 %, impliquent des taux à 10 ans qui atteindraient au final environ 5 % et un spread 2ans/10ans de 100/125 pb.

Les précédents historiques suggèrent néanmoins qu’il serait inhabituel pour un cycle d’aplatissement de s’interrompre à ce niveau. Si l’inflation salariale reste contenue et si la croissance de la productivité fait preuve de langueur dans les autres économies majeures, alors, soit l’IPC, soit le PIB, ou les deux, pourraient ne pas atteindre les anticipations du consensus.

La lente croissance constatée dans l’ensemble des autres économies majeures et l’appétit qui en résulte pour les actifs obligataires pourraient continuer à stimuler la demande internationale de bons du Trésor américain (US) même si la croissance des Etats-Unis reste solide. Quelle que soit l’issue de cette évolution, une nouvelle pression favorable à l’aplatissement de la courbe des taux américains (US) pourrait apparaître parallèlement au déploiement du cycle haussier.

En fin de compte, nous anticipons une nouvelle accentuation de la tendance à l’aplatissement qui a débuté cette année, stimulée de façon croissante par la hausse des taux courts – comme c’est habituellement le cas. Il existe néanmoins certainement un espace pour une progression des taux à long terme relativement lente, ce qui pourrait accentuer le biais d’aplatissement des courbes.

Les données historiques suggèrent que les contextes d’aplatissement de la courbe des taux sont généralement favorables aux actions. Les performances de l’indice S&P ont tendance à être positives (bien qu’habituellement en décélération par rapport à leurs niveaux excessifs constatés en début de cycle) et la volatilité est généralement contenue.

En revanche, la période propice pour le carry trade commence à toucher à sa fin et la surperformance des gagnants du début de cycle, comme les petites capitalisations et le segment du high yield, s’estompe progressivement.

Il est possible que nous en ayons eu un aperçu au cours de ces récentes semaines ; le débouclement de positionnements importants dans un marché étroit a certainement exacerbé en partie le mouvement négatif sur les cours mais, de la même façon, il serait prudent de prendre en considération les coups de semonce intervenus sur ces marchés.

Avec la stabilisation des flux de capitaux nous estimons que les spreads high yield peuvent se resserrer de nouveau mais, si l’aplatissement de la courbe sous-jacente persiste, nous évoluerions de plus en plus d’un positionnement “acheter sur repli” vers un positionnement “vendre en période de hausse” sur les marchés du crédit.

Si notre hypothèse d’un nouvel aplatissement de la courbe des taux favorisé par l’évolution des taux courts s’avère correcte, les actions des grandes capitalisations pourraient bien se comporter par rapport aux autres actifs risqués. Ceci est pertinent avec notre positionnement actions/obligations légèrement positif.

Dans la mesure où nous décelons aussi une possibilité pour les taux à long terme de ne progresser que relativement lentement, il est également plausible que le segment du cinq ans connaisse une sous-performance relative. Mais, en définitive, la classe d’actifs qui sort gagnante de ce type de configuration est le dollar : après tout, au cours des six mois qui ont précédé chacun des deux derniers cycles de hausse, l’indice du taux de change spot du dollar (DXY) a progressé respectivement de 8,8 % et 2,9 %.

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A propos de l'auteur

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