Un trimestre obligataire marqué par la problématique de la dette souveraine

Le trimestre écoulé a été particulièrement difficile pour les gérants obligataires qui ont dû faire preuve de prudence et de sélectivité.

Mara Dobrescu 04.10.2011
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Les inquiétudes sur la dette souveraine des pays périphériques de l’Europe, et en particulier de la Grèce, ont dominé le tableau macroéconomique des trois derniers mois. A celles-ci se sont ajoutées les craintes sur le ralentissement économique au sein de la zone euro, ce qui a conduit à une baisse prononcée des taux d’intérêt et un aplatissement de la courbe des pays « cœur » de l’Europe. Ainsi, alors que la BCE avait augmenté son taux directeur à deux reprises en début d’année (pour l’établir à 1,5% à partir du 13 juillet 2011), les taux des emprunts français et allemand se sont nettement détendus au cours du 3ème trimestre. Le taux des OAT sont passés ainsi de 1,8% à 0,93% sur le 2 ans, de 2,7% à 1,7% sur le 5 ans et de 3,4 à 2,7% sur les obligations à 10 ans à fin septembre 2011. Le même mouvement peut être constaté sur les emprunts d’Etat allemands qui voient leur taux d’intérêt chuter de 1,98% à 0,97% pour le 3-5 ans. Sans surprise, les « spreads » entre la dette des pays périphériques et le taux allemand ont continué à se creuser. Par exemple, les obligations espagnoles à 10 ans offrent désormais un taux de rendement de 5,2%, soit 330 points de base au-dessus du taux allemand à 10 ans.  La courbe des taux grecs reste quant à elle inversée, reflétant l’anticipation par le marché d’un défaut de paiement à court ou moyen terme : les obligations 5 ans offrent ainsi un taux de rendement de 28,6%, significativement au-dessus du taux 7 ans (22%) et 10 ans (17,6%).

Le ralentissement de la croissance européenne et américaine a aussi eu pour conséquence la révision des prévisions d’inflation pour l’année. Sur le trimestre, les obligations d’Etat indexées sur inflation ont ainsi nettement sous-performé les obligations d’Etat classiques au sein de la zone euro (-1,38% pour l’indice BarCap Euro Inflation-linked contre +3,95% pour l’indice Citi EMU GBI EUR).  Dans ce contexte, les T-Bills américains et le dollar ont joué leur rôle de valeur refuge, et la catégorie Morningstar Obligations d’Etat USD finit le trimestre sur une hausse de 11,34% en euros. La dégradation de la note souveraine des Etats-Unis n’a en effet pas remis en cause l’engouement des investisseurs pour les bons du Trésor américain. Portée également par le rebond du yen, la catégorie Obligations Internationales bénéficie de la vigueur de ces devises et termine le trimestre avec une performance de +5,7%.

Enfin, alors que les obligations d’Etat affichent une légère progression (+3,3% pour la catégorie du 30 juin au 30 sept 2011), les principales victimes collatérales des craintes sur la dette souveraine ont été les obligations privées, en particulier dans le secteur financier. La catégorie Obligations Privées EUR lâche ainsi 2,38% sur la période, soit une perte plus prononcée que celle de l’indice BarCap Euro Agg Corps (-1,37%). Ces mauvais résultats sont essentiellement attribuables aux financières. Ainsi, alors que les obligations privées hors financières ont assez bien résisté (l’indice Iboxx Euro Corporate Non-Financials délivre une performance positive de 1,2%), les financières chutent quant à elles de -1,16% (performance de l’indice Iboxx Euro Corporate Financials sur la période). Les « stress tests » entamés cet été n’ont certes pas révélé des failles importantes dans la capacité des banques européennes à résister aux chocs de marché, mais ils ont rendu publique l’exposition réelle de celles-ci à la dette souveraine grecque, contribuant à aggraver la nervosité des marchés, et menant à la dégradation de la notation de crédit de certaines d’entre elles (comme Société Générale et Crédit Agricole) le 15 septembre. Sans surprise, le tableau est encore plus noir sur l’univers « haut rendement », particulièrement sensible aux dégradations de la conjoncture économique : la catégorie Obligations EUR Haut Rendement finit ainsi le trimestre avec une perte de -8,38%, contre -10,62% pour l’indice BarCap Pan Euro HY Bond.

Fig1 :

Catégorie

Performance 2011-06-30 à 2011-09-30 EUR

Benchmark de la catégorie

Performance du benchmark

Obligations USD Emprunts d’Etat

 11,46

Citi US GBI EUR

 14

Obligations Internationales

 5,74

BarCap Global Aggregate TR USD

 8,56

Obligations EUR Emprunts d’Etat

 3,30

Citi EMU GBI EUR

 3,95

Obligations EUR Diversifiées

 0,65

BarCap Euro Agg Bond TR EUR

 2,74

Obligations Internationales Couvertes en EUR

 0,58

BarCap Global Aggregate TR Hdg EUR

 3,13

Obligations Internationales Dominante EUR

 0,13

BarCap Global Aggregate TR Hdg EUR

 3,13

Obligations EUR Indexées sur l’Inflation

-0,42

BarCap Euro Infln Lkd TR EUR

-1,38

Obligations EUR Emprunts Privés

-2,38

BarCap Euro Agg Corps TR EUR

-1,37

Obligations EUR Haut Rendement

-8,38

BarCap Pan Euro HY Euro TR EUR

-10,62

Au sein de la catégorie Obligations d’Etat EUR, comme l’on pouvait s’y attendre compte tenu de l’aggravation de la situation des pays périphériques, les fonds qui ont maintenu une exposition significative à ces pays ont généralement sous-performé la moyenne de la catégorie. Parmi les moins bien classés, Elan Euro Souverain (Standard), qui abandonne -3,63% sur le trimestre, avait commencé l’année avec une forte surexposition à la Grèce (22% des actifs à fin février 2011), cherchant à tirer profit de la convexité des obligations d’Etat grecques. Même si le gérant, Julien Boy, a compensé cette sélection pays particulièrement agressive en limitant ses paris en duration, la performance relative du fonds en a été fortement impactée, et le fonds a sous-performé 99% de ses concurrents sur les huit premiers mois de 2011. De même mais dans une bien moindre mesure, Petercam Bonds EUR (Elite) sous-performe légèrement (+2,62%). Son gérant, Johnny Debuysscher a conservé une exposition à la Grèce (6,8% des actifs à fin juillet 2011). En revanche, il a choisi de ne pas dupliquer les paris et de rester à l’écart ou très sous-pondéré sur l’Espagne, l’Italie, le Portugal et l’Irlande, ce qui a contribué à la performance relative. Le positionnement sur la courbe des taux (« bullet », c'est-à-dire sur le centre de la courbe, pour les pays cœur ;, et « barbell », c'est-à-dire sur les extrémités de la courbe, pour les périphériques) a également ajouté de la valeur. Si la duration longue du portefeuille a pénalisé la performance au cours des 1er et 2e trimestres, elle a en revanche eu un effet positif au cours du 3e trimestre. A l’inverse, parmi les fonds qui surperforment la moyenne de la catégorie sur le trimestre, on compte par exemple HSBC Euro Government Bond (Supérieur) avec une performance de +3,63%. A fin mars 2011, l’exposition du gérant aux pays périphériques était en ligne avec le benchmark, mais il surpondérait en revanche les supra-nationaux (KFW, EIB) et d’autres pays cœur comme l’Autriche, la Belgique et les Pays-Bas au détriment de la France et de l’Allemagne.

Compte tenu de la force du dollar et du rebond du yen, la performance des fonds de la catégorie Obligations Internationales a été fortement impactée par la sélection pays et devises. Le fonds Loomis Sayles Global Opportunistic Bond (Supérieur) (+4,26% sur la période) a ainsi été pénalisé par sa sous-exposition aux Etats-Unis, au profit de pays émergents comme l’Indonésie par exemple, ainsi que par sa surpondération des obligations privées (plus du double par rapport à l’indice à fin février 2011). Dans la catégorie des fonds d’obligations internationales couvertes en EUR,  Raiffeisen Global Rent (Supérieur) arrive à tirer son épingle du jeu (+6,49%). Le gérant, Gernot Meyr, a décidé dès janvier 2010 de liquider son exposition aux pays périphériques (Grèce, Portugal, Irlande) et le fonds détenait à fin juillet 2011 une part conséquente de cash (7,5%) qui, couplée à une bonne qualité de crédit moyenne du portefeuille (AA à cette même date) a favorisé la surperformance du fonds par rapport à ses pairs.

Dans ce contexte, la performance des fonds de la catégorie Obligations Diversifiées EUR a surtout été déterminée par les choix d’allocation entre dette privée et gouvernementale. Parmi les fonds les moins bien classés, Carmignac Sécurité (Supérieur), qui perd -0,97% sur la période, était exposé à hauteur de 66% aux obligations privées à fin mars 2011, avec une préférence pour les émetteurs notés BBB, et l’exposition au high yield était de 10%. Raiffeisen Euro-Rent (Elite) a quant à lui largement surperformé ses pairs en août (+2,55%). La sous-pondération de la dette périphérique (Portugal, Irlande, Italie) au profit de l’Allemagne et de l’Autriche sur la partie gouvernementale y a contribué : la qualité de crédit moyenne du portefeuille était en effet AA à fin juillet 2011, permettant au fonds de se positionner dans la partie « qualité de crédit haute » de la  Morningstar Style Box.

La catégorie Obligations Emprunts Privés EUR souffre du dévissement des financières, qui représentent environ 40% des indices, et de certains secteurs très cycliques. Mais certains fonds tirent leur épingle du jeu. Les fonds qui avaient opté pour un positionnement défensif en début de période ont le mieux résisté. Ainsi, AXA WF Euro Crédit Plus (Supérieur) a délivré -0,72% sur la période, l’équipe ayant réduit la part des obligations financières et du « high yield » dès le début de l’été, alors que les conditions macroéconomiques commençaient à se détériorer. A fin août, le fonds détenait en effet une part conséquente de cash (16%) et misait sur les secteurs défensifs. En fin de tableau, MS INVF Euro Corporate Bond (Supérieur) a fortement décroché au mois d’août et termine le trimestre sur une performance de -5,14%. Le fonds a en effet souffert de sa surexposition à la dette bancaire subordonnée et de sa duration, courte par rapport à l’indice, alors que les taux d’intérêt n’ont cessé de baisser.

Fig2 : Performance des indices obligations privées, obligations privées du secteur financier et obligations privées ex-financières.

 

Enfin, la catégorie Haut Rendement Euro a le plus souffert des inquiétudes sur le marché du crédit, et de sa liquidité qui s’est sensiblement asséchée notamment au mois d’août lorsque l’aversion des investisseurs pour le risque s’est traduite par des rachats massifs. Les fonds au positionnement très offensif sont ceux qui ont le plus souffert. HSBC GIF Euro High Yield Bond (Supérieur) (-10,45%) a pâti de sa surpondération parmi les subordonnées financières même si celles-ci étaient principalement sélectionnées parmi les émetteurs les mieux notés (A et BBB) : l’indice Iboxx EUR Corporate Financial Sub a en effet perdu -12,55% sur le trimestre. De la même manière, Allianz Euro High Yield (Supérieur) termine le trimestre sur  une performance de -13,01%. Le fonds a notamment pâti au mois d’août de sa surexposition aux valeurs bancaires et à la consommation cyclique ainsi que de sa sous-exposition au secteur automobile, qui a fait preuve d’une bonne résistance. A l’inverse, parmi les fonds qui ont le mieux résisté, Robeco High Yield Bonds (Supérieur) affiche une perte limitée (-7,41%). Ce fonds d’obligations haut rendement internationales couvert en EUR a bénéficié de sa sous-pondération du segment CCC (les obligations les moins bien notées de l’univers) et de son exposition aux émetteurs américains (54% du portefeuille à fin juillet 2011), qui ont moins corrigé que leurs homologues européens.

A fin septembre 2011, la recherche qualitative de Morningstar couvre 27 fonds dans la catégorie Obligations privées EUR et 11 dans Haut Rendement EUR, ainsi que 15 fonds dans la catégorie Obligations Gouvernementales EUR et 34 dans la catégorie Obligations Diversifiées EUR. Pour retrouver la liste de tous les fonds notés, cliquez ici.

 

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A propos de l'auteur

Mara Dobrescu

Mara Dobrescu  est analyste Fonds chez Morningstar France