Ni value ni growth, GARP

Responsable des marchés actions chez ING Investment Management, Ad Van Tiggelen estime que les marchés anticipent actuellement le pire des scénarios : une récession déflationniste.

Fernando Luque 14.10.2002
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Selon vous, que se passe-t-il sur les marchés boursiers ?

Les marchés anticipent actuellement le pire des scénarios possibles : une récession. Les marchés intègrent aussi une baisse de la consommation américaine parce que pour avoir une belle récession l’économie a besoin de mettre en avant des chiffres qui montrent un déclin de la consommation. Mais, pour le moment il n’y pas de signes clairs d’un tel déclin. Les ménages américains continuent de consommer de façon soutenue. Quand bien même la consommation des ménages baisserait-elle, la question demeure de savoir de combien serait cette baisse.

Les marchés s’attendent à une réduction importante des dépenses des ménages, mais lorsque les taux d’intérêt sont bas, ce n’est généralement pas ce qui se produit. Je pense que l’évolution du comportement des ménages en matière de consommation et au niveau de l’immobilier sera en fait plus progressive.

Qu’en est-il d’un risque de déflation ?

Les marchés sont aussi marqués par un risque de déflation. C’est l’explication la plus raisonnable que je trouve à leur comportement actuel. On ne peut justifier les niveaux extrêmement bas atteints aujourd’hui que par l’hypothèse d’une déflation, ou au moins par une récession avec une faible inflation.

Comment expliquer, alors que la majorité des gérants disent préférer les marches européens, que ces derniers se comportent moins bien que les marchés américains ?

L’optimisme relatif qui entoure les marchés européens tient au fait qu’en terme de valorisation les marchés européens se négocient moins chers que leurs homologues américains, tant en terme de PER qu’au niveau du dividende distribué. En Europe, le taux de dividende se situe entre 3 et 3,5% contre 1,7% aux Etats-Unis.

De plus, il faut garder à l’esprit que les plus importantes bulles spéculatives que nous ayons connues récemment (le taux d’endettement des ménages américains, le déficit Outre-Atlantique, le déficit public au Japon, etc) se sont produites hors du continent européen.

Alors pourquoi les investisseurs sont-ils moins pessimistes sur les performances du marché américain à court terme ? Les poids des fonds peut être une des raisons : en Europe beaucoup de fonds de pension ont adopté des positions fortement vendeuses sur les marchés actions. La même chose s’est produite chez un certain nombre de grands groupes d’assurance qui ont une exposition actions bien plus importantes que celle de leurs homologues américains.

En outre, beaucoup d’investisseurs ne sont pas satisfaits de la façon dont certains gouvernements européens se comportent. Par exemple, beaucoup d’investisseurs ne sont pas d’accord avec la façon dont le gouvernement allemand a géré le dossier Mobilcom, ou le gouvernement français le dossier France Télécom. Ces comportements sont plus typiques de ce que l’on a l’habitude de voir avec le gouvernement japonais qu’avec des gouvernements européens.

Quoi qu’il en soit, je pense qu’en terme de valorisation, en Europe les actions sont moins chères que les obligations. Si les Etats-Unis n’entrent pas en récession, un scénario auquel nous attribuons un taux de vraisemblance de 50%, nous pensons que les marchés européens peuvent progresser de 15 à 20% d’ici décembre 2003.

Comment pourriez-vous définir votre style de gestion ?

Notre gestion est fondée sur une approche bottom-up liée à une analyse quantitative. Nous pensons que la croissance des revenus est la variable qui peut le mieux expliquer la performance d’une action. Mais notre objectif est d’investir sur des actions qui offrent un bon compromis en growth et value. C’est une approche GARP, Growth at a reasonable price.

Nous utilisons un système maison de notation des actions qui affecte d’un facteur de 60% les variables growth (croissance à court et long terme, environnement concurrentiel, management, niveau de cash flow) et de 40% les facteurs value (structure du capital, comparaisons sectorielles, dividendes). Nous attribuons un score à chaque valeur qui nous permet de sur ou sous pondérer cette valeur par rapport à son poids dans notre benchmark.

En ce qui concerne les portefeuilles européens, il est important de préciser que nous avons toujours été entièrement investis. Je pense que lorsqu’un investisseur achète un fonds actions européennes, nous devons lui fournir ce qu’il attend : un fonds investi en actions européennes, pas à hauteur de 30% en cash ou en obligations.

Avez-vous toujours respecté cette pondération 60% growth - 40% value ?

Oui. Au cours des dernières années, notre modèle a très bien fonctionné mais quand les marchés sont extrêmes comme actuellement il n’est pas efficace. Dans les phases de marché haussières nous réussissons à faire mieux que les investisseurs de type value et lorsque les marchés baissent nous sommes mieux placés que les investisseurs de type growth.

Mais dans la situation actuelle, les actions de type valeur comme celles de secteurs tels que la sidérurgie, l’automobile, les mines ou la chimie sont trop chères. C’est la raison pour laquelle nous sous-pondérons les secteurs les plus cycliques dans notre portefeuille. Ces secteurs ont déjà intégré une reprise dont nous pensons qu’elle sera plus progressive.

A l’inverse, nous sur-pondérons le secteur pétrolier, celui des télécommunications et le secteur finance.

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A propos de l'auteur

Fernando Luque

Fernando Luque  est le rédacteur en chef de Morningstar Espagne.