J’essaie d’être un actionnaire actif

Avec au fil des années des performances à faire pâlir d’envie certains fonds TMT, Agressor est devenu un fonds fétiche de la place de Paris. Son gérant, Didier Le Ménestrel, lève le voile sur la façon dont il arbitre…

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Quelle est votre stratégie avec le fonds Agressor ?

Elle est assez simple : j’ai une stratégie d’« absolute return ». Il s’agit d’une notion encore assez peu employée à Paris ; mais concrètement cela signifie que je déteste perdre et que j’aime bien tout ce qui me rassure.

L’objectif n’est pas de faire mieux qu’un indice mais de faire gagner de l’argent aux investisseurs. A une époque j’utilisais l’indice MidCAC, c’est celui qui correspondait le mieux à notre logique d’investissement. Mais c’est devenu de moins en moins vrai. A l’époque le MidCAC était très industriel, puis il est devenu de plus en plus technologique et un peu fourre-tout.

Vous revendiquez du bon sens alors qu’à une époque le marché était littéralement porté par la mode des TMT…

Il est vrai que nous avons eu du mal commercialement à une époque. Notre discours avait du mal à passer en 99/2000. Nous étions très bien perçu jusqu’en septembre 98 et nous avons fait une traversée du désert jusqu’en septembre 99. Aujourd’hui, les actifs nets du fonds Agressor s’élèvent à 92 millions d’euros contre environ 60 millions il y a 1 an.

Quel est votre univers d’investissement ?

La Financière de l’Echiquier connaît de façon exhaustive les actions françaises, surtout celle hors CAC 40, disons hors des 100 premières capitalisations.

Nous n’avons pas de doctrine en terme d’allocation sectorielle. Je suis de formation analyste à une époque, au début des années 80, où l’approche sectorielle n’avait pas cours. L’approche sectorielle n’est devenue à la mode qu’au milieu des années 90. En ce qui me concerne, j’ai une culture de rencontre tous secteurs. Depuis, on s’est ouvert à la techno, même si je n’aime pas car je suis plutôt value. En fait, je ne comprends pas comment cela marche : j’ai du mal à valoriser les valeurs techno.

Pourtant vous avez du France Télécom en portefeuille…

Oui, il s’agit d’une utility, une valeur de service. Je n’en avais pas avant le krach. Je suis entré en septembre aux alentours de 29 euros et sorti fin novembre vers 46 euros. C’est une valeur qui était attrayante en stock-picking, sinon ce n’est pas mon genre.

D’autant que vous affectionnez les petites ou moyennes valeurs…

Il est vrai que les grandes capi sont plus confortables à travailler : en périodes difficiles il y a une prime aux valeurs les plus liquides qui trouvent facilement contrepartie. En ce qui concerne l’investissement dans France Télécom, c’est pour nous un hasard, on pensait garder la ligne plus longtemps. Mais nous avons pour règle de sortir lorsque la valeur a atteint le cours que nous nous étions fixé.

Vos confrères préfèrent souvent les grandes capi…

Peut-être, mais le problème avec les valeurs du CAC c’est l’accès au management : il est difficile de rencontrer Monsieur Bon alors que l’on a plus facilement accès au management avec les entreprises de moins grande envergure.

Le management est très important pour nous. Il faut investir dans des managements qui aillent au-delà des marchés boursiers, cela est possible avec les entreprises qui ont de bons fondamentaux et une vraie stratégie industrielle.

C’est le cas par exemple de la Compagnie Française des Ferrailles ou de Vallourec. Il s’agit d’entreprise qui disposent d’un bon management, qui offre un rendement net de 5% mais qui sont mal valorisées en bourse. Valourec présente par exemple une forte décote par rapport à ses fonds propres

Autre exemple : Guerbet qui commercialise des produits de contraste pour la médecine. Il s’agit d’une affaire en retournement où la famille lâche les rênes opérationnelles. Elle affiche une décote de 40% sur ses fonds propres comptables.

Bref, une approche de bon père de famille…

Je n’aime pas les marchés, j’aime les entreprises. Ce qui est intéressant, c’est d’investir sur les entreprises que l’on connaît et dans lesquelles on a confiance. C’est pour cela qu’il est important de bien connaître le management.

Cela ne signifie pas que nous suivons aveuglement ce que dit le management. Au contraire, nous gardons notre sens critique et j’essaie d’être un actionnaire actif.

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A propos de l'auteur

Frédéric Lorenzini

Frédéric Lorenzini  est Directeur de la Recherche de Morningstar France.