Quelle protection pour les investisseurs ?

Au cours de ses Entretiens annuels la COB a planché hier sur la protection des investisseurs. Le point sur les questions qui touchent à la gestion collective.

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« Protéger l’investisseur dans un esprit quasiment consumériste ». Chef du service de la gestion et de l’épargne à la COB, Jean-Marc Delion n’y va pas par 4 chemins pour expliquer ce qu’est sa mission. Il est vrai que son intervention sur le thème de « La protection de l’épargne face au développement des marchés financiers » qui était abordé hier dans le cadre des Entretiens de la COB suggérait plusieurs pistes d’amélioration.

Parmi les problèmes abordés se retrouvaient entre autres les questions liées à la commercialisation des OPCVM et à la rétribution des réseaux de distribution, le recours à des produits dérivés et des instruments financiers de plus en plus sophistiqués qui ne sont pas toujours sans faire courir de risque à l’investisseur. Et le travail de classification des f

onds afin que les investisseurs puissent identifier et cerner plus finement les produits qu’ils s’apprêtent à acheter.

Le retour des commissions

Problématique récurrente sur laquelle planchent les différentes grandes places boursières à travers le monde, la question des frais supportés par les investisseurs a été une fois de plus à l’affiche. La COB a d’ailleurs récemment mis en place un groupe de travail sur le thème frais et commissions.

« L’information sur le prix réellement payé pour les services rendus par le gestionnaire n’est toujours pas transparente » assène Jean-Marc Delion. Sont en particulier visés les rétrocessions sur frais de commissions, une pratique qui a pu avoir lieu à une époque chez les sociétés de gestion intégrés à un groupe comprenant d’autre part une activité de courtage. Dans ce cas, la tentation pouvait être grande de payer le courtage au prix fort au broker maison. In fine, c’est le fonds qui payait alors que la société de gestion se voyait rétrocéder par le courtier une partie de frais qu’elle lui avait payés.

Interdites depuis 97, les rétrocessions sur frais de commissions ont dans certains cas été remplacées par des « soft commissions ». Ici il ne s’agit plus d’argent, mais de services (recherche, logiciels, etc) que le courtier donne à la société de gestion. Si les rapports annuels publiés par les Sicav mentionnent bien ces « soft commissions », certains regrettent qu’elles ne soient pas plus clairement définies et quantifiées.

La distribution tous azimuts

Une autre grande problématique qui agite l’industrie de la gestion collective en France concerne la commercialisation des produits. En effet, la tendance est à une évolution de l’industrie vers la multi-distribution. Il ne s’agit plus pour une société de gestion de vendre ses produits au travers du réseau de guichets maison (dans le cas des sociétés de gestions intégrées à une banque par exemple) mais aussi à travers un réseau de distribution tiers.

Se pose alors la question de savoir comment rémunérer ce réseau de distribution externe pour les services qu’il rend.

Dans ce domaine, la COB milite pour la reconnaissance à part entière d’une fonction de commercialisation. Et pose la question de la rémunération des conseillers en gestion de patrimoine : « le modèle économique de ces conseillers reste ambigu, estime Jean-Marc Delion, puisqu’ils sont au service de l’investisseur mais rémunérés en tant qu’apporteurs d’affaires par les producteurs ou les plates-formes de distribution ».

Retour d’effet de levier

Autre évolution du métier, le recours aux produits dérivés dans le cadre de la gestion collective. Ces produits dérivés permettent de doper la performance d’un portefeuille grâce à leur effet de levier ; mais ils ne sont pas toujours sans risque. Ils ont pour effet, estime-t-on à la COB, d’induire une « décorrélation totale de l’exposition du portefeuille d’un OPCVM et de son orientation des placements toujours mentionnée dans notice COB ».

En clair cela signifie que l’investisseur peut se retrouver avec un produit qui ne correspond à ce qu’il pensait avoir acheté.

Dans un autre registre, on se rappelle que les gérants ont fait preuve de créativité pour proposer des fonds exposés aux Nasdaq tout en étant éligibles au PEA. Il suffit pour cela d’utiliser la part hors actions françaises du fonds sur des instruments financiers corrélés au Nasdaq, des warrants sur indices par exemple.

Le recours massif à ce type d’outils est susceptible de faire courir des risques au fonds et d’écorner sérieusement ses actifs, la COB n’hésitant pas à parler de « risque de dénaturation du produit par recours aux instruments dérivés ». Ce serait le cas par exemple d’un fonds monétaire, donc a priori sans risque en capital, qui enregistrerait des pertes suite à une ingénierie financière par trop créative.

Last but not least, la classification COB des SICAV et FCP « a beaucoup vieilli » avoue-t-on à la Commission des Opérations de Bourse. Ainsi la catégorie « diversifiés » par exemple qui à l’origine était peu ou prou une catégorie par défaut, forme de conjugaison du 3ème groupe hébergeant tout ce qui ne trouvait pas sa place ailleurs, a pris de plus en plus de poids au fil du temps jusqu’à représenter aujourd’hui environ 40% des OPCVM agréés.

Une situation qui appelle une redéfinition plus fine et plus exhaustive des catégories…
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A propos de l'auteur

Frédéric Lorenzini

Frédéric Lorenzini  est Directeur de la Recherche de Morningstar France.