Les Bourses mondiales ont-elles encore du potentiel ?

La hausse récente des marchés s’explique principalement par l’augmentation des multiples de valorisation, alimentée par les espoirs de baisse des taux.

Jocelyn Jovène 25.03.2024
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Crédit photo: AP

Les actions mondiales enregistrent un bon début d’année, avec un gain de 9% en euros, grâce à la très bonne performance des actions japonaises et américaines, qui progressent respectivement de 13,2% et 11,9%, selon les données de Morningstar.

Mais quels sont les facteurs qui expliquent une telle hausse ?

Typiquement, on peut décomposer la variation d’un cours de Bourse ou d’un indice de marché entre la contribution des facteurs fondamentaux (l’évolution des estimations de bénéfice par action par exemple) et celle des facteurs « psychologiques » (la valorisation à travers un ratio boursier tel que le P/E par exemple).

Selon les stratégistes de JPMorgan, la progression des marchés d’actions dans le monde depuis 18 mois s’explique principalement par la hausse des multiples de valorisation.

« Globalement les estimations de résultats ont été revues en hausse de 7%, alors que les multiples de valorisation ont bondi de 30% » au cours de cette période, écrivent-ils dans un note publiée le 25 mars.

Depuis octobre 2022, la hausse des multilpes de valorisation des actions a été particulièrement forte au Japon, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni (voir tableau).

Comment expliquer une telle progression des multiples de valorisation ?

Deux éléments peuvent être mis en avant : l’absence de récession aux Etats-Unis, dont l’économie a défié toutes les anticipations de récession depuis la fin de l’année 2022.

Malgré des indicateurs avancés qui semblent indiquer un ralentissement et un marché obligataire, où la  courbe des taux est toujours inversée, l’économie américaine n’est toujours pas entrée en récession, en raison d’une relative « résilience » des consommateurs américains, aidés par les mesures de soutien à l’économie durant la pandémie de COVID-19 et une politique monétaire qui n’a été restrictive que depuis mars 2022 et dont les effets mettent un certain temps à peser sur le cycle d’activité.

Le deuxième élément, sans doute le plus important, est l’anticipation par les investisseurs d’un cycle de baisse des taux par les banques centrales, à commencer par la Réserve fédérale américaine.

Une baisse des taux rend mécaniquement les obligations moins attrayantes que les obligations. Elle soutient la croissance des résultats des entreprises et réduit le coût du capital, ce qui augmente mécaniquement la valeur future des flux de trésorerie générés.

La forte contribution des multiples de valorisation traduit un certain optimisme des investisseurs. Elle s’explique aussi dans certains marchés par des effets sectoriels, comme aux Etats-Unis où l’appréciation de la Bourse américaine a beaucoup bénéficié de la contribution des « 7 Magnifiques ».

Où se situent les actions européennes ?

L’Europe, partie d’un niveau de valorisation plus bas, a suivi un mouvement similaire et retrouve aujourd’hui des multiples de valorisation en ligne avec sa moyenne historique de 14x les résultats.

Ce « retard » de valorisation s’explique par la surpondération de certains secteurs dans les indices européens, en particulier les secteurs des services publics (« utilities »), la consommation défensive (alimentation, boissons) ainsi que les banques.

A l’inverse d’autres secteurs ont bénéficié d’un mouvement de revalorisation plus soutenu, en particulier les semi-conducteurs et l’industrie.

Au sein des marchés européens, un cercle plus restreint de valeurs « qualité/croissance » ont mieux tiré leur épingle du jeu.

Quelles perspectives en Europe ?

En Europe, les perspectives de baisses de taux de la BCE constituent également un facteur de soutien de la Bourse, indique Michael Field, stratégiste actions chez Morningstar.

Pour JPMorgan, les actions européennes ne sont pas chères. Au niveau global, la capacité des marchés d’actions mondiales de maintenir leurs bonnes performances dépendra du cycle de baisse de taux et de la manière dont les estimations de résultat évolueront.

« Dans l'ensemble, si les banques centrales se montrent plus pessimistes que prévu, mais sans que cela s'accompagne d'une croissance décevante, les multiples d'actions actuels pourraient être défendus », souligne JPMorgan. « Toutefois, si la dynamique de l'activité, et en particulier les et que les banques centrales finissent par être plus réactives que proactives, nous pensons que les multiples d'actions devraient baisser. »

Dans une note publiée lundi 25 mars, Goldman Sachs fait une analyse similaire de l’évolution récnte de la Bourse européenne.

La banque estime que les actions ont encore un potentiel de hausse de 6%, grâce à une croissance attendue des résultats des entreprises européennes de 4% et d’une expansion de 2,5% des multiples de valorisation.

« Les actions européennes se traitent avec une décote historique par rapport aux actions américaines », souligne Lilia Peytavin, stratégiste Europe chez Goldman Sachs.

Une situation où les Bourses continuent de monter grâce à l’expansion des multiples tandis que les prévisions de croissance des bénéfices ralentissent est caractéristique d’une phase d’optimisme des marchés actions.

Mais pour que l’optimisme demeure, encore faut-il que les investisseurs ne soient déçus ni par des prévisions de croissance bénéficiaire qui se détérioreraient plus vite que prévu, ni par des banques centrales qui mettraient plus de temps que prévu par le marché à baisser leur taux directeurs.

 

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.