LVMH à la recherche d’un « nouveau normal »

La dynamique de croissance ralentit, mais compte tenu des qualités fondamentales de l’entreprise, les investisseurs doivent trouver un nouveau point d’équilibre pour s’intéresser de nouveau au titre.

Jocelyn Jovène 13.10.2023
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Crédit photo: AP

Que les investisseurs se le tiennent pour dit : pour LVMH, les années de croissance folle à plus de 20% sont terminées.

Cela n’a sans doute rien de définitif, mais c’est la réalité du moment.

Les ventes du troisième trimestre en sont une première illustration, probablement pas la dernière.

Si les investisseurs font mine d’être surpris, les dirigeants de LVMH sont eux très clairvoyants, à l’image du directeur financier.

Lors de la conférence avec les analystes au sujet des ventes du troisième trimestre 2023, Jean-Jacques Guiony a déclaré : « il n’y aucune raison que nous subissions un ‘crash’, ni que nous allons revenir aux 20% de croissance que nous avons connus pendant un certain temps. »

En fait, ce n’est pas tant LVMH qui cherche son « nouveau normal » mais plutôt le marché qui se demande jusqu’où la croissance va ralentir (et l’on sait à quel point ce type d’exercice est périlleux).

Ceci n’enlève rien aux qualités remarquables du portefeuille de marques et aux savoir-faire artisanaux, marketing et d’allocation du capital du groupe de luxe, qui a démontré sa capacité à coller avec son temps et à rendre ses marques toujours plus « désirables » (le maître-mot du groupe familial), avec à la clef une croissance solide des ventes et des marges qui progressent.

Cela dit, les attentes pour le trimestre écoulé ont dans l’ensemble été déçues. A l’exception de la distribution sélective, toutes les divisions, et notamment Mode & Maroquinerie, marquent le pas, à un rythme qui reste certes très honorable (+9%) mais qui tranche avec les +20% des trimestres passés.

La question que se posent aujourd’hui analystes et investisseurs est : quel sera le futur rythme de croissance du groupe et quel multiple lui appliquer ? Avec comme question subsidiaire : est-ce que tout ceci est intégré ou pas dans le cours de Bourse actuel ?

Entre 2004 et 2019, les ventes de LVMH ont progressé de 12,5 milliards d’euros à 53,7 milliards, tandis que la marge opérationnelle a cru de 19% à 21,4%.

Après un creux en 2020 (18,7% tout de même), la marge opérationnelle du groupe s’est envolée à 26,7% en 2021 puis  26,5% en 2022.

Pour soutenir une croissance à deux chiffres élevés (15% ou plus), le groupe a dû augmenter significativement ses investissements (nous incluons les dépenses publi-promotionnelles et les frais commerciaux).

Il s’est également montré très opportuniste en acquérant des actifs immobiliers de grande qualité, alors qu’il a plutôt tendance à louer ses emplacements et se concentrer sur les rénovations de magasins.

Tout ceci accroît la base de coûts incompressibles, en particulier au niveau des frais marketing et commerciaux, même si à court terme ils peuvent être ajustés à la marge.

Mais avec un chiffre d’affaires sans doute moins bien orienté (même si elles devraient atteindre les 100 milliards d’euros en 2025 selon le consensus), l’impact sur les marges se verra tôt ou tard.

Sur cette base quel sera le profil bénéficiaire de LVMH dans les années à venir.

L’horizon de temps du marché étant relativement court termiste, prenons les attentes du consensus pour les 12 mois à venir.

Supposons un instant que dans le contexte d’incertitude macro-économique et géopolitique actuel, la capacité bénéficiaire de l’entreprise ne soit pas de 32-33 euros par action (consensus avant la publication des ventes trimestrielles du groupe), mais etnre 26 euros et 29 euros, soit entre 10% et 20% en-deçà des attentes actuelles.

Si l’on considère que le titre se valorise en ligne avec sa moyenne historique (21x depuis 2004), la juste valeur de LVMH se situerait entre 550 et 620 euros par action contre un cours coté de 680 euros actuellement.

Notre analyste Jelena Sokolova, qui couvre le secteur du luxe, a une estimation de juste valeur de 640 euros par action.

Des investisseurs patients et disciplinés (dont la famille Arnault) pourraient attendre cette « zone de confort » en termes de valorisation et accumuler des titres à bon escient pour accompagner la croissance future du groupe de luxe.

 

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.