Face au Livret A, l'assurance-vie est touchée mais pas encore coulée

La Banque de France n’a pas souhaité soutenir les épargnants dans un contexte d’inflation persistante.

Agefi/Dow Jones 17.07.2023
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Le chapeau de cet article a été ajouté par Morningstar.

PARIS (Agefi-Dow Jones)--Trois pour cent. Après plusieurs jours de discussions animées, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a choisi jeudi de laisser le taux du Livret A inchangé, tout en garantissant aux épargnants son maintien à ce niveau jusqu'en janvier 2025. De quoi conforter l'engouement des Français pour le livret d'épargne réglementé, alors que le produit phare de l'assurance-vie, le fonds en euros, offre un rendement moyen de 2% en 2022, selon France Assureurs. Le relèvement du taux du Livret A depuis le retour de l'inflation en 2022 menace, selon certains professionnels, l'équilibre de l'épargne financière.

Aux Rencontres économiques d'Aix-en-Provence début juillet, le directeur général de la Caisse des dépôts, Eric Lombard - lui-même ancien banquier et assureur -, mettait en garde : "Il y a une question de hiérarchie des rendements à laquelle on est attentifs et qui serait déformée si le taux du Livret A continuait à monter".

Le Livret A concurrence-t-il vraiment le fonds euros ? "Il n'y a pas de match entre le Livret A et l'assurance-vie", explique à L'Agefi le directeur général de France Assureurs, Franck Le Vallois. "Les chiffres mensuels de flux d'épargne financière publiés par la Banque de France montrent que le Livret A prend des parts de marché aux dépôts bancaires. L'assurance-vie reste stable et représente, année après année, environ 20% de l'épargne financière", argumente-t-il.

Pour la fédération des assureurs, les chiffres sont têtus. D'autant que les caractéristiques des deux produits sont structurellement différentes. "L'assurance-vie n'est pas plafonnée en termes de nombre de contrats pouvant être souscrits ni de montant d'épargne par contrat. Elle répond à une logique différente : l'assuré peut adapter son épargne à ses besoins et à l'horizon de temps de son projet. L'assurance-vie est un produit d'épargne de long terme, comme le montre la durée moyenne de détention des contrats, qui atteint 13 ans. Sa performance doit donc s'apprécier sur la durée", énumère Franck Le Vallois.

Un rendement net inférieur à l'inflation

Sur la durée, oui. Mais, à court terme, "le rendement du fonds euros net de frais et de fiscalité est inférieur à l'inflation", rappelle le spécialiste Cyrille Chartier Kastler, président fondateur de Good Value for Money. Dans cet environnement, le Livret A, sur lequel ne s'applique aucun prélèvement social ou fiscal, s'impose donc comme "le placement privilégié pour un particulier qui a de l'épargne de précaution et veut l'investir de manière rémunérée", juge-t-il.

"A court terme, au moment de l'annonce du taux du Livret A, il peut y avoir un effet psychologique pouvant générer une forme d'attentisme vis-à-vis de l'assurance-vie et d'autres formes d'épargne", reconnaît Franck Le Vallois. "Mais cela ne modifie pas les grands équilibres de l'épargne des Français et n'empêche pas l'assurance-vie de se développer."

Décollecte sur le fonds euros

Sur les cinq premiers mois de l'année 2023, la collecte nette est positive sur l'assurance-vie, à 2,7 milliards d'euros. Ce chiffre global masque tout de même une autre réalité : la décollecte continue sur le produit phare, le fonds euros. En cumulé, sur les cinq premiers mois de l'année, elle atteint 12,3 milliards d'euros. C'est près du double par rapport au premier semestre 2022. "La décollecte sur le fonds en euros va se poursuivre dans les prochains mois", prédit Cyrille Chartier Kastler.

Après des années de taux bas, la remontée des taux, plus rapide qu'anticipé, met les assureurs-vie à l'épreuve. Car offrir de la performance aux clients sur un fonds en euros assis sur des obligations d'Etat n'est pas chose aisée. "Le rendement reste faible puisque les fonds en euros sont aujourd'hui gorgés d'obligations qui ont été achetées à des taux très bas. La remontée du taux servi se fera très lentement puisque les rentrées de nouveaux contrats sont moins importantes, comme l'illustre la décollecte", explique Cyrille Chartier Kastler.

Un marché fébrile... et divisé

Si peu d'assureurs le reconnaissent - nombreux sont ceux qui ont décliné les demandes d'interview de L'Agefi -, le marché est aux abois depuis plusieurs mois. "Il est compliqué de piloter dans cet environnement. Certains assureurs ont vendu des obligations en puisant dans leur réserve de capitalisation pour absorber leurs pertes. Pour dynamiser les rendements offerts aux clients, ils ne devraient pas tarder à devoir piocher dans la provision pour participation aux bénéfices (PPB). Clairement, il y a ceux qui pourront et ceux qui ne pourront pas", avertit Cyrille Chartier Kastler. Des acteurs comme les Assurances du Crédit Mutuel ou CNP Assurances, dont la PPB atteint 14,1 milliards d'euros, sont bien armés pour affronter cette remontée des taux. D'autres, comme l'Afer, qui a offert pendant des années de taux bas un rendement attractif à ses adhérents, en seraient quasiment dépourvus aujourd'hui, selon plusieurs sources de marché.

Signe de leur fébrilité, les assureurs multiplient les offres commerciales, avec des bonifications sur le taux de rendement pouvant monter jusqu'à 1,5%, le plus souvent conditionnées au versement d'une part minimum de l'épargne en unités de compte (UC). Ces offres bonifiées servent alors un taux supérieur à celui du Livret A. Les assureurs continuent de diversifier leur offre avec des UC mieux rémunérées. Contrairement aux fonds euros, les UC s'affichent en collecte nette positive depuis le début de l'année, à 15 milliards d'euros en cumulé. Mais le gendarme du secteur, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), a déjà rappelé à l'ordre à plusieurs reprises les assureurs en leur demandant à veiller à l'adéquation de ces produits avec le profil des épargnants.

-Aurélie Abadie, L'Agefi ed: VLV

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(END) Dow Jones Newswires

 

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A propos de l'auteur

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