Est-ce une surprise ? Agir pour le climat coûtera très cher à la France

Agir pour la neutralité carbone est encore possible, mais il faut agir vite et fort, estime un rapport de France Stratégie.

Jocelyn Jovène 22.05.2023
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climat

France Stratégie, organisme rattaché au Premier ministre en charge d’analyses prospectives sur des sujets économiques, sociaux et environnementaux, a publié un rapport évaluant les impacts économiques de la lutte contre le réchauffement climatique.

La conclusion de ce rapport, coordonné par l’économiste Jean-Pisany Ferry et sa rapporteure, l’inspectrice générale des finances Selma Mahfouz, est que « la neutralité climatique est atteignable », et que le coût de l’action pour le climat est inférieur au coût de l’inaction.

Le défi est toutefois gigantesque pour un pays comme la France, puisque le rapport note que l’on va devoir faire en 10 ans ce qui a auparavant été péniblement achevé en 30.

« Nous ne sommes pas durablement condamnés à choisir entre croissance et climat », estiment les rédacteurs du rapport. À long terme, la réorientation du progrès technique peut conduire à une croissance verte plus forte que ne l’était ou que ne l’aurait été la croissance brune. La chute du coût des énergies renouvelables est l’indice qu’une nouvelle croissance est possible. »

Il note qu’à l’horizon 2030, la transformation de l’économie reposera « principalement » sur la substitution des énergies fossiles.

Les efforts de sobriété ne contribueront à la lutte contre le changement climatique qu’à hauteur de 15% voire 20% au maximum.

Les investissements nécessaires pour tenir les objectifs de la France (et au niveau européen) en matière de décarbonation de l’écoomie représenteront plus de 2 points de PIB en 2030.

« Malgré des progrès récents, nous ne sommes pas encore sur la trajectoire de la neutralité climatique », notent les auteurs.

Les coûts pour la société ne seront pas non plus négligeables. Dans un premier temps, ils devraient se traduire par une baisse des gains de productivité d’un quart de point de pourcentage par an, et des « réallocations sur le marché du travail ».

Cette transition sera inégalitaire. Pour les classes moyennes, rénovation du logement ou acquisition d’un véhicule à zéro émission « appellent un investissement de l’ordre d’une année de revenu. »

Le coût pour la collectivité sera également conséquent.

« Les finances publiques vont être appelées à contribuer substantiellement à l'effort » avec à la clef une augmentation de la dette publique, une évolution « légitime », selon Jean-Pisany Ferry, qui s’est exprimé au cours d’une conférence de presse.

La transition énergétique devrait coûter « de l'ordre de 10 points de PIB en 2030, 15 points en 2035, 25 points en 2040 », selon le rapport.

Pour compenser cet effort, « un prélèvement exceptionnel, explicitement temporaire et calibré ex ante en fonction du coût anticipé de la transition pour les finances publiques, [qui] pourrait être assis sur le patrimoine financier des ménages les plus aisés ».

Le volet monétaire de la transition ne doit pas être non plus oublié.

« La transition crée un risque de configuration inflationniste. (…) Les banques centrales vont devoir préciser leur doctrine et expliciter leur réponse aux pressions sur les prix qu’induira la transition », ajoute le rapport.

Il note que l’IRA aux Etats-Unis traduit une divergence des stratégies et que la diversité des politiques climatiques devrait perdurer.

Le rapport note d’ailleurs que l’Union européenne « fait face à un sérieux problème de compétitivité », en particulier d’un prix de l’énergie élevé à cause du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), « dispositif imparfait qui limite les fuites de carbone mais ne traite pas au fond la question de la compétitivité ».

« Le pari industriel européen est mis en cause par l’IRA », ajoutent les auteurs, qui concluent : « l’Union européen ne peut pas être à la fois championne du climat, championne du multilatéralisme et championne de la vertu budgétaire ».

L’Europe et la France disposent de ce point de vue d’un avantage institutionnel, puisqu’elles ont tous les outils nécessaires pour piloter efficacement la transition climatique (subventions, réglementation et tarification du carbone).

L’utilisation habile du « signal-prix » peut permettre d’aller dans la bonne direction. Reste à trouver la volonté politique au niveau européen.

 

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.