Quelle reprise pour l'économie européenne?

Les marchés font le pari d’un rebond en « V ». Une hypothèse crédible mais fragile.

Jocelyn Jovène 15.06.2020
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A voir l'évolution des marchés financiers depuis le début de la crise de Covid-19, l'espoir d'un rebond rapide de l'activité économique semble acté.

Après une croissance de 1,2% en 2019, la zone euro devrait accuser une contraction comprise entre 8% et 10% cette année, selon les estimations de plusieurs banques d'affaires, avant de rebondir de près de 7% l'an prochain. La Banque centrale européenne (BCE) anticipe pour sa part une contraction de 8,7% en 2020 et un rebond de 5,2% en 2021, en grande partie grâce aux mesures de soutien décidées en Allemagne et au plan de relance européen de 750 milliards d'euros.

MS EA Macro GDP Fcst 20200614

Source: Morgan Stanley

Au niveau mondial, seuls le Royaume-Uni et le Brésil devraient être davantage pénalisés, tout en connaissant une reprise en "V". Les Etats-Unis devraient faire légèrement mieux, au regard des plans de soutien massifs des autorités Fédérales et de la banque centrale américaine.

Cette reprise en "V" semble d'autant plus crédible à ce stade que le coronavirus a fortement touché les activités de services, qui semblent rebondir rapidement, tandis que l'industrie retrouve son niveau d'activité d'avant-crise.

MS EA Macro PMI 20200614

Source: Morgan Stanley

"L'assouplissement de la politique monétaire a été opportun, significatif par son ampleur et, le plus important, coordonné", notent les économistes de Morgan Stanley dans leurs perspectives sur l'économie mondiale datées du 14 juin 2020.

La vitesse de rebond dépendra toutefois de celle à laquelle le virus SARS-nCoV-2 sera totalement maîtrisé, c'est-à-dire, lorsqu'un traitement puis un vaccin seront disponibles à l'échelle mondiale.

D'ici là, si les phases de déconfinement se multiplient à travers le monde, les mesures de distanciation sociale et de prudence (port d'un masque, maintien d'un degré élevé d'hygiène et de surveillance des zones de résurgence de la maladie) doivent être maintenues. Leur bonne mise en oeuvre jouera assurément un rôle dans la solidité de la reprise économique.

Que ce soit en Europe ou ailleurs dans le monde, un nouveau pic épidémique se traduirait inévitablement par une double récession.

Avec l'émergence de nouveaux cas aux Etats-Unis ou en Chine, c'est d'ailleurs cette crainte qui pèse sur le moral des investisseurs depuis quelques jours et a provoqué une rechute des marchés actions la semaine passée (outre les commentaires mitigés délivrés par Jerome Powell, patron de la Fed).

Les perspectives d'inflation sont également très modestes. L'Europe ne devrait pas tomber en déflation cette année, même si l'inflation sera très proche de 0%. L'inflation pourrait remonter autour de 1% l'an prochain.

MS EA Macro Inflation Fcst 20200614

Source: Morgan Stanley

Les mesures de restriction, le niveau élevé du chômage, la prudence des consommateurs et des prix du pétrole relativement bas permettent difficilement d'envisager une inflation proche ou supérieur au taux cible de la BCE.

A moyen terme, l'impact des mesures de relance, les plans d'investissement et la volonté de relocaliser certaines activités en Europe pourraient contribuer à une accélération durable de l'inflation.

L'histoire montre toutefois que ceux qui ont crié au loup en parlant d'un risque d'hyperinflation d'origine monétaire en ont été jusqu'ici pour leurs frais.

Si l'expansion de la base monétaire est une réalité, la vélocité de la monnaie est extrêmement faible (en supposant qu'elle est correctement mesurée) et les déséquilibres économiques laissent difficilement entrevoir une menace hyperinflationniste, d'autant que les agents économiques et les marchés financiers accordent toujours une crédibilité aux autorités monétaires et ont confiance en la monnaie.

En outre, les efforts de coordination politique en Europe, après des couacs déplorables au début de l'épidémie, semblent aller dans le bon sens. L'Europe semble apprendre de ses erreurs passés et aligne progressivement de nombreux mécanismes de mitigation du risque systémique.

MS EA Macro Stability Mechanisms 20200614

Source: Morgan Stanley

Ainsi, le plan de relance initié par l'Allemagne et la France est de nature à réduire le risque de dislocation de la zone euro, et de renforcer le potentiel de croissance si les fonds débloqués sont efficacement fléchés vers l'innovation et permettent de créer les conditions d'une croissance décarbonée, source de nouvelles activités et de nouveaux emplois (sortie par le haut).

Le risque à court terme est de parvenir à négocier ce pacte de relance européen, tout en gérant le risque juridique (décision de la cour constitutionnelle allemande) et politique (Brexit).

 

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est le rédacteur en chef de Morningstar France.