Complaisance, le retour

La Bourse est déjà dans l’après coronavirus. Une complaisance qui risque à nouveau de coûter cher aux investisseurs imprudents.

Jocelyn Jovène 14.04.2020
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Nos pensées vont à l’ensemble des personnels soignants de par le monde qui se battent contre le coronavirus, ainsi qu’aux familles des personnes malades ou endeuillées par le Covid-19.

Alors que va débuter la saison des publications de résultats du premier trimestre, les marchés financiers font de nouveau preuve d’une complaisance troublante.

Après avoir connu un krach majeur et très rapide (-34% entre le pic du 19 février et le point bas du 23 mars), la Bourse américaine a bénéficié d’un rebond de 25% environ au cours des trois semaines passées –motivé par une apparente décélération de l’épidémie de coronavirus et par des actions de politique monétaire et budgétaire sans précédent dans le monde.

Les marchés financiers font le pari d’un rebond en « U » de l’économie mondiale, selon la dernière enquête de Bank of America auprès des gérants de fonds. Comme l’observent les stratégistes de Goldman Sachs dans une note datée du 13 avril, « il est remarquable que les Etats-Unis soient au milieu de l’une des plus graves crises économiques au cours des cent dernières années, accompagnée d’une rupture sociétale sans précédent, alors que la Bourse se traite au même niveau qu’en juin 2019, soit 10 mois auparavant. »

Ce rebond s’est traduit par une remontée des multiples de valorisation qui a contrebalancé un mouvement de révision en baisse des estimations de résultat, en anticipation de ce que les entreprises vont bientôt annoncer (pour peu qu’elles aient un minimum de visibilité sur l’impact du coronavirus, ce qui est loin d’être acquis pour l’heure).

Au niveau de l’indice S&P 500, les prévisions de bénéfice à 12 mois ont chuté de 8% (depuis le 20 mars) quand le P/E du marché a bondi de 33%. Cette dynamique est essentiellement liée aux annonces de politique monétaire et budgétaire.

Les prévisions de bénéfice par action étaient d’environ 175 dollars par action pour l’indice S&P 500 en juin 2019. Elles ne sont plus que de 149 dollars pour 2020 (Goldman Sachs attend 110 dollars).

Les analystes prévoient un rebond vers 175-176 dollars l’an prochain, soit un multiple de valorisation de 15,9x, au-dessus de la moyenne historique.

Certains investisseurs considéreront, peut-être à raison, que le krach du premier trimestre constituait un point d’entrée historique sur les marchés actions. La reprise en « V » serait donc un scénario plausible, d’autant que la pandémie semble sous contrôle.

D’autres observateurs estiment au contraire que tant que l’on n’aura pas pris la pleine mesure de cette crise et de son impact de long terme sur l’économie, les nouveaux modes d’organisation sociétaux, ainsi que l’impact sur les différents secteurs d’activité, il est possible que les marchés testent de nouveaux plus bas. Avec néanmoins un plancher créé par l’intervention des pouvoirs publics pour soutenir l’activité.

Il est toujours très difficile de faire la part des choses avec aussi peu de recul et si peu d’indications de la part des entreprises.

Pour les investisseurs en actions, l’important est de poursuivre le travail d’investigation et de bien se concentrer sur les métiers, les fondamentaux et la stratégie adoptée par les directions d’entreprises.

C’est bien cela qui sur le long terme reste le facteur central de création de valeur, dans les métiers qui sortiront les plus forts de la crise actuelle.

 

 

 

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est le rédacteur en chef de Morningstar France.