Stress Tests

L’histoire peut apporter quelques enseignements, mais face à un phénomène inédit et aux conséquences économiques profondes, la recherche de marge de sûreté s’impose.

Jocelyn Jovène 10.04.2020
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Nos pensées vont à l’ensemble des personnels soignants de par le monde qui se battent contre le coronavirus, ainsi qu’aux familles des personnes malades ou endeuillées par le Covid-19.

La compréhension des phases de krach boursier passe par la recherche de repères historiques à travers l’étude des crises passées.

Si l’histoire peut être une source d’enseignement, la crise actuelle comporte aussi sa part d’originalité. Le coronavirus a la particularité d’avoir rendu totalement aveugles les directions d’entreprises et provoqué un tâtonnement généralisé sur les marchés.

Si certains instituts proposent déjà des prévisions pour les mois et trimestres à venir (cas en France de l’INSEE, de l’OFCE), rares sont les entreprises à avoir émis la moindre « guidance » pour l’année à venir.

Toutes ont jugé plus prudent, à raison, de suspendre leurs objectifs financiers. Un nombre croissant a décidé de suspendre, réduire ou annuler le paiement de leur dividende. Les investisseurs cherchent plus à savoir aujourd’hui quelles entreprises sont toujours en capacité de verser un dividende.

Autre illustration du flou complet qui entoure les marchés, cet aveu des analystes en charge des valeurs industrielles chez Oddo en date du 6 avril : « De nos nombreux contacts avec les sociétés, aucune n’est en mesure de nous aider dans la modélisation des impacts financiers. »

Pour les analystes financiers et les investisseurs, cette situation est cauchemardesque. Car si les cours ont lourdement chuté (et partiellement rebondi), qu’intègrent-ils au juste ? Une détérioration des profits à n’en pas douter, mais de combien ? Autant de questions qui intéressent non seulement les marchés, mais les autres parties prenantes, au premier rang desquelles figurent les salariés.

En quelques semaines, le consensus s’est déjà fait à l’idée d’une baisse des profits. Depuis le pic du marché, la prévision de bénéfice par action à 12 mois pour les valeurs composant l’indice Stoxx Europe 600 a été revu en baisse de près de 17%. C’est beaucoup. Mais durant la crise de 2008, les estimations de résultat avaient été revues en baisse de 39% entre octobre 2008 et mars 2009. Les ajustements en cours sont loin d’être terminés.

Il est fort probable qu’au moment où les entreprises vont publier leurs résultats ou chiffre d’affaires du premier trimestre (dans quelques semaines maintenant), elles seront assaillies de questions sur les mois à venir. Mais pourront-elles pour autant donner un début d’indications sur l’avenir, même à très court terme ? On peut en douter.

Il est plus probable que le deuxième, voire le troisième trimestres offriront l’occasion d’y voir plus clair. A condition qu’entre temps, la situation sanitaire et économique se stabilise vraiment. A voir le pointage de l’université John Hopkins, on est sans doute proche d’un plateau, mais il est impossible de dire si, à l’échelle mondiale, le pic de la pandémie est vraiment passé.

Dans un tel contexte où la visibilité est nulle, l’évaluation des entreprises relève donc du lancer de fléchette. Et rend plutôt utile l’utilisation du passé. Avec tous les biais que cela peut entraîner.

Sans surprise, certains vont se référer à 2008 en espérant que la situation sera proche dans une certaine mesure. Mais est-ce suffisant ?

L’idée de réaliser des stress tests, c’est-à-dire d’appliquer des conditions exceptionnelles de chute des ventes et de la rentabilité des opérations pour en évaluer les conséquences financières et en termes de valorisation, quitte à forcer le trait par rapport à 2008, peut aider dans une certaine mesure à se fixer une fourchette de valorisation, puis de voire dans quelle mesure les cours actuels offrent ou non une marge de sûreté suffisante.

L’objectif de ce type d’exercice consiste avant tout à trouver un peu de rationalité face à une situation inconnue et difficile à modéliser. Partant de là, on peut se fixer des repères pour évaluer au mieux dans quelle mesure un prix donné représente ou non une réelle opportunité d’investissement.

Après, toute la difficulté est de se lancer, en acceptant dès le départ le fait que l’on a de grandes chances de se tromper et qu’il est impossible de prévoir le point bas des marchés.

 

 

 

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est le rédacteur en chef de Morningstar France.