Bernard Arnault : « Warren Buffett du luxe » ?

Le patron de LVMH montre un certain talent en matière d’allocation du capital, dans un cercle de compétence bien défini.

Jocelyn Jovène 26.11.2019
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LVMH paie peut-être un peu cher Tiffany. Mais il faut reconnaître à Bernard Arnault, son PDG, un certain talent pour étendre son empire avec opportunisme.

Le savoir-faire acquis par le groupe de luxe en matière de fusions-acquisitions, son pouvoir de négociation, la diversité de son portefeuille de marques et le niveau de rentabilité atteint lui offrent un luxe que n’ont pas beaucoup de dirigeants d’entreprise : plus l’empire se développe, plus il s’enrichit.

Par certains aspects, Bernard Arnault fait penser à la manière dont Warren Buffett conclut ses « deals » : beaucoup de patience, une relative discipline en matière de prix payé, un focus sur son cercle de compétence (le luxe), une capacité d’agir vite et de manière décisive.

On le sait, Bernard Arnault n’a pas toujours eu une main aussi heureuse lorsqu’il s’est aventuré en dehors du secteur du luxe. Que l’on pense à ses investissements dans la tech en pleine bulle Internet, ou à sa prise de participation dans Carrefour.

Mais dans l’univers du luxe, Bernard Arnault fait un quasi sans faute jusqu’ici (si l’on fait abstraction de la manière dont il géra la montée au capital d’Hermès International).

La Bourse l’a d’ailleurs bien souligné, le cours de Bourse de LVMH progressant malgré la surenchère significative pour prendre le contrôle de Tiffany.

Il faut reconnaître aussi que depuis les années 2000, LVMH non seulement étend son empire, mais que cette stratégie lui permet d’améliorer sa rentabilité et de générer des montants croissants de flux de trésorerie disponible (« free cash-flow »).

En 2004, le groupe de luxe générait un chiffre d’affaires de 12,5 milliards d’euros, un résultat opérationnel de 2,3 milliards, un « free cash-flow » de 1,2 milliard d’euros et une rentabilité du capital investi de 13,6% (déjà une belle affaire).

En 2018, le chiffre d’affaires atteignait 46,8 milliards d’euros, le résultat opérationnel près de 10 milliards, le free cash-flow près de 5,4 milliards et la rentabilité du capital investi 19,7% selon nos calculs.

Si LVMH parvient à redresser la rentabilité de Tiffany comme il l’a fait pour Bulgari, il y a de bonnes chances qu’il parvienne à améliorer encore sa situation financière ainsi que sa création de valeur – autant d’éléments qui devraient se refléter dans le cours de Bourse, à conjoncture constante.

Le montant en apparence élevé de 14,7 milliards d’euros (16,2 milliards de dollars) pour Tiffany fait ressortir un multiple de chiffre d’affaires de 3,7 fois et un multiple de résultat opérationnel de 20,9 fois (avant synergies, sur la base des estimations du consensus pour l’exercice fiscal de 2020).

Mais en « isolant » la maison de joaillerie des turpitudes boursières de court terme, et pouvant s’appuyer sur son importante génération de trésorerie, LVMH pourra investir dans la reconfiguration et à la rénovation de son parc de magasins (321), se concentrer sur les clients les plus fortunés en leur proposant des collections où la créativité compte davantage que le prix.

Selon notre analyste Jelena Sokolova, cette stratégie de montée en gamme, compte tenu de la notoriété de la marque, devrait permettre à l’entreprise d’afficher une croissance supérieure à 5% par an et retrouver des niveaux de marge opérationnelle de plus de 20% à moyen terme.

Sur le long terme, l’allocation du capital est le critère le plus différenciant entre les entrepreneurs qui créent de la valeur et ceux qui en détruisent. Et c’est un savoir-faire qui ne s’acquiert qu’avec l’expérience.

Warren Buffett a montré qu’il était passé maître en ce domaine (ceux qui en douteraient peuvent lire le livre de William N. Thorndike ou simplement le dernier rapport annuel de Berkshire Hathaway).

Bernard Arnault tend à montrer qu’il suit un chemin similaire.

 

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est le rédacteur en chef de Morningstar France.