Récession: comment les marchés pourraient-ils se comporter?

Marchés des actions et du crédit sont en première ligne. Cela dit le risque de récession intégré par les marchés demeurent toujours modéré.

Jocelyn Jovène 22.07.2019
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Alors que la Fed doit bientôt annoncer une première baisse des taux, mettant un terme au cycle de resserrement monétaire débuté en décembre 2015, le risque de récession aux Etats-Unis revient fréquemment sur le devant de la scène financière.

L’incapacité de la Chine et des Etats-Unis de régler leur différend commercial, la perspective d’une guerre des monnaies, et l’impact déjà perceptible sur certains indicateurs économiques avancés, montrent qu’il n’est peut-être pas inutile d’évaluer quel serait l’impact d’uné recession sur les différentes classes d’actifs et secteurs d’activité.

Fed Funds History FRED 20190722

Source : St Louis Federal Reserve

Prévoir une récession demeure toutefois un exercice périlleux et beaucoup de prévisionnistes se cassent régulièrement les dents sur le sujet.

Et la plupart du temps, les stratégistes se contentent de regarder dans le rétroviseur pour essayer de tirer d’éventuels enseignements.

De là à construire des portefeuilles qui permettront de traverser les périodes de tempête…

Malgré cela, les stratégies de Morgan Stanley ont tenté d’évaluer l’impact d’une récession de l’économie américaine sur les marchés.

Sans surprise, les marchés d’actions et du crédit sont les plus vulnérables et les marchés non-américains subissent généralement des corrections plus importantes encore.

Sur le front obligataire, une récession s’est le plus souvent traduite par un écartement des spreads de crédit et une pentification de la courbe des taux (baisse des taux courts en réponse à la mise en place d’une politique monétaire accommodante et remontée des taux longs dans l’espoir d’une reprise de l’activité économique).

Elément intéressant relevé par Morgan Stanley : l’annonce d’une récession par le NBER, le bureau national de statisitque américain, qui intervient systématiquement après que celle-ci se soit déclarée, ressort comme un signal d’achat. En moyenne depuis 1980, la récession est passée dans 70% des cas quand le NBER l’annonce (on trouvera la datation des différentes récessions aux Etats-Unis par cet organisme, ce depuis 1854).

MS 20190722 AC monthly returns recessions

Source : Morgan Stanley

Tous les secteurs d’activité ne sont pas égaux face à une récession. Le tableau suivant montre que certains secteurs font mieux que d’autres. Ainsi, la santé et la consommation courante (boissons, alimentation, produits d’hygiène et d’entretien, tabac) font généralement preuve d’une certaine résistance.

A l’inverse, l’automobile et la technologie sont très cycliques et manifestent une volatilité de leur résultat plus élevée.

MS 20190722 sector performance recessions

Source : Morgan Stanley

Quels signaux les marchés envoient-ils ?

Selon la banque américaine, l’indice S&P 500 ne « price » qu’un faible risque de récession actuellement avec toutefois quelques différences sectorielles marquées – les services collectifs et les financières intègrent un plus grand risque de récession que d’autres secteurs comme la consommation courante ou les matériaux.

Dans l’univers des taux, une courbe qui s’aplatit (hausse des taux courts et baisse des taux longs) est annonciatrice d’un plus grand risque de récession. L’écart de taux 3 mois-10 ans est considéré comme le meilleur indicateur avancé d’un tel risque. Cela dit, la récente remontée de l’écart entre le 2 ans et le 10 ans américain serait de nature à tempérer un tel scénario (il est de 23 points de base, contre 18 points de base fin 2018).

Sur le marché du crédit, le spread des obligations BBB intègre un niveau de risque de récession similaire au marché des taux, mais reste en-deçà sa moyenne historique.

A l’inverse, sur les marchés de matières premières, l’or et le cuivre semblent intégrer un plus grand risque de récession. L’or affiche un gain de 11,5% cette année à 1.425 dollars l’once tandis que le cuivre gagne 1,7% à 6.066 dollars la tonne.

La sévérité d’une récession dépendra également du contexte économique et de la manière dont gouvernements et banquiers centraux réagiront.

La Fed et les banques centrales des pays développés disposent d’une boîte à outils relativement fournie pour parer à un nouveau risque systémique majeur. En revanche, les gouvernements de la plupart des pays développés, à l’exception notable de l’Allemagne, n’ont pas beaucoup de marges de manœuvre.

De nouveaux plans de relance ne feraient qu’entraîner une nouvelle augmentation de l’endettement public, avec le risque que ce dernier pèse à terme sur la croissance de long terme, les ressources fiscales disponibles étant consacrées à la réduction des déficits et au désendettement plutôt qu’à l’investissement dans la population et la productivité (éducation, R&D…).

D’une certaine manière, en maintenant des taux d’intérêt historiquement bas et en rachetant des titres de dette publique, les banques centrales n’ont fait que reporter les problèmes et les gouvernements n’ont pas saisi la balle au bond pour transformer les économies sur le long terme, les adapter aux défis tels que le changement climatique ou le vieillissement démographique – seuls les marchés financiers en ont profité, conduisant les valorisations à des niveaux peu connectés aux fondamentaux.

 

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est le rédacteur en chef de Morningstar France.