Les défis de la gestion active

Les fonds actifs subissent de plein fouet la concurrence de la gestion passive. Pour durer, la gestion active doit améliorer ses performances, se différencier, et baisser ses frais.

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Cet article a été initialement publié dans le numéro de Novembre 2017 de la Revue Banque.

La gestion passive, qui permet de répliquer à bas coût la performance d’un indice, a connu un formidable essor ces 20 dernières années aux Etats-Unis.

Aujourd’hui, outre-Atlantique, un tiers des actifs de la gestion collective sont investis dans des fonds indiciels. Bien que plus récente, une évolution similaire est en cours en Europe.

Sur les fonds d’actions européennes de grandes capitalisations, la part de marché de la gestion passive est passée de 14 à 27% ces dix dernières années. Alors qu’on comptait une quarantaine d’ETF sur cette classe d’actifs en 2007, il en existe désormais presque 200.

Il n’y pas de raisons de penser que la croissance de la gestion passive va s’essouffler. Cette évolution tient en grande partie au changement structurel de comportement des investisseurs qui ont compris les bénéfices à opter pour une gestion passive.

Elle leur permet d’obtenir la performance du marché, moins de très faibles frais, sans prendre le risque de sous-performance lié au choix d’un gérant actif. Le changement de régulation, à travers l’introduction de la directive MIFID II, devrait en outre offrir aux investisseurs un accès élargi aux solutions de type indiciel.

Gestion active : une sous-performance chronique

Si la gestion passive séduit autant les investisseurs, c’est aussi que la gestion active tient difficilement ses promesses en termes de performance.

Globalement, le taux de succès des gérants actifs sur le long terme est peu convaincant. Par exemple, sur les trois dernières années, moins d’un gérant de fonds d’actions européennes sur deux a réussi à surperformer la gestion passive.

Sur dix et quinze ans, seulement un gérant sur cinq parvient à tirer son épingle du jeu face aux fonds indiciels. Certes, il existe des catégories où la gestion active s’en sort mieux, comme par exemple sur les petites capitalisations. Mais globalement, les statistiques en Europe et aux Etats-Unis montrent que la moyenne des gérants actifs sous-performe systématiquement la gestion passive sur le long terme, toutes classes d’actifs confondus.

MC Caquineau Revue Banque Nov Tableau 1

Source: Morningstar

Ces mauvais résultats s’expliquent en partie par le fait que certains fonds se prétendent actifs alors que, dans les faits, ils « collent » à leur indice de référence.

Comme ils facturent généralement des frais élevés, similaires à la gestion active, ces fonds ne peuvent que décevoir les investisseurs dans la durée.

Ce phénomène de l’« indexation cachée » est loin d’être rare en Europe. Fin 2016, environ 20 % des fonds de grandes capitalisations européennes ne se distinguaient pas véritablement de l’indice qu’ils étaient censés surperformer selon la mesure de la part active.

Pour s’adapter, l’industrie de la gestion active doit notamment offrir aux investisseurs une vraie différenciation par rapport aux approches indicielles.

Les frais de la gestion active, un véritable handicap

Bien qu’on constate une baisse des frais depuis dix ans, notamment sous la pression de la gestion passive, ceux-ci restent globalement trop élevés en Europe. Ils constituent un obstacle de poids à la promesse de surperformance des gérants actifs. Les frais sont en effet l’un des facteurs les plus déterminants statistiquement pour la performance future d’un fonds.

A titre d’exemple, sur les fonds d’actions européennes - mais l’observation est vraie dans la plupart des catégories - l’investisseur aurait amélioré significativement ses chances de succès ces dix dernières années en sélectionnant un fonds parmi les 20% moins chers.

MC Caquineau Revue Banque Nov Tableau 2

Source: Morningstar

Les coûts de distribution des fonds sont bien sûr une partie importante de l’équation. Pour les investisseurs particuliers, ce sont souvent la moitié des frais de gestion qui servent à rémunérer la distribution.

Le développement des parts de fonds sans frais de distribution – déjà en place dans certains pays européens comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas - devrait s’accentuer avec l’entrée en vigueur de MIFID II, rendant la gestion active plus compétitive.

Sur les fonds d’actions européennes, le niveau de frais médian des parts classiques destinées aux investisseurs particuliers se situe actuellement à 1,6% contre 0,93% pour les parts sans frais de distribution.

Mais il reste encore beaucoup à faire et les fonds actifs devront passer par une réduction de leurs frais pour exister à long terme.

Cependant pour bon nombre d’acteurs du marché, l’équation économique est loin d’être simple. Les encours sous gestion sont faibles et ne permettent pas de faire bénéficier aux investisseurs des économies d’échelle propres à la gestion collective.

Un marché très fragmenté et beaucoup d’acteurs qui manquent de taille critique

L’industrie de la gestion collective en Europe reste trop fragmentée. A fin juin 2017, on comptait 1400 sociétés de gestion en Europe avec au moins un fonds géré activement dans leur gamme.

Les dix plus gros acteurs représentaient 23% des actifs sous gestion et les 850 plus petits acteurs tout juste 2% avec des fonds dont l’encours moyen tourne autour de 50 millions d’euros.

Par ailleurs, plus de la moitié des acteurs du marché gèrent moins de 500 millions d’euros.

Un certain nombre d’entre eux ne sont donc pas dans une situation viable à long terme. Par ailleurs cette situation conduit chaque année en Europe à un nombre élevé de liquidations ou de fusions de fonds, au détriment des investisseurs qui trouvent là encore une raison de se détourner de la gestion active.

MC Caquineau Revue Banque Nov Graphique 1

Source: Morningstar

Pour s’adapter la gestion active doit se différencier clairement des concurrents passifs, à un prix qui soit compatible avec la possibilité de surperformer à long terme.

Trop de fonds affichent en effet des frais de gestion qui ne leur laissent guère de chance. La baisse des frais est donc nécessaire et va de pair avec le gain de taille critique pour bon nombre d’acteurs de l’industrie.

 

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A propos de l'auteur

Mathieu Caquineau, CFA

Mathieu Caquineau, CFA  Analyste fonds senior, Morningstar France