Produits de base : le rallye lié à la Chine est fragile

La hausse du prix des matières premières n’est pas durable. Les défis structurels de la Chine préparent une croissance durablement plus faible.

Daniel Rohr, CFA 03.01.2017
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Les groupes miniers ont connu une année 2016 spectaculaire, portés par le rebond du prix des métaux. Le prix du coke a quadruplé, le cours du minerai de fer, du charbon et du cuivre ont bondi de 35% environ.

Nous estimons qu’après cette hausse, le risque de correction est élevé. Le niveau de valorisation des sociétés minières intègre un scénario optimisme de prix des métaux durablement élevés. Nous ne pensons pas que cette hypothèse soit réaliste.

Les cours actuels sont sensiblement supérieurs au coût marginal de production, en particulier pour le coke et le cuivre. La plupart des matières premières souffrent de surcapacités structurelles, et il n’en faudra pas beaucoup pour que les prix élevés entraînent une augmentation de l’offre. Cette hausse pourrait être d’autant plus rapide que Pékin a décidé de mettre un terme à la règle limitant à 276 le nombre de jours durant lesquels les mines de charbon peuvent être en activité.

A cela s’ajoute la mise en route de nouveaux projets miniers qui augmenteront l’offre. La Chine continue d’augmenter ses capacités à bas coût d’acier et d’aluminium pour remplacer des capacités obsolètes, en ligne avec les directives gouvernementales.

Défis structurels

Dans le secteur des mines, le marché va également devoir absorber des capacités additionnelles. « S11D », le projet géant du brésilien Vale dans le minerai de fer a été inauguré au cours du quatrième trimestre 2016 et devrait progressivement atteindre 90 millions de tonnes de capacité annuel en 2020.

Pendant ce temps, la demande a été largement soutenue l’an dernier par les politiques de soutien à l’activité. La poursuite de la croissance de la demande repose en grande partie sur le maintien des dépenses d’investissement de la Chine dans les années à venir. La chute de la rentabilité de ces investissements et l’augmentation de l’endettement pourraient jeter un froid sur de telles perspectives.

Au prochain ralentissement, la Chine devra à nouveau lancer un plan de soutien à l’activité. Cela ne fera qu’exacerber les problèmes structurels du pays, et la répétition d’une telle politique perd en efficacité au prix d’un rebond de l’activité sur le court terme. En 2016, l’offre de crédit en Chine a bondi de 17%, pour une augmentation de la demande d’acier de 2%.

L’or en retard

Si le cours de l’or s’est bien comporté l’an dernier, c’est l’un des métaux qui a le moins bien performé. La hausse des taux d’intérêt en est la principale explication. Avant le quatrième trimestre, le cours de l’or se situait à 1.300 dollars l’once. Après l’annonce de la hausse des taux de la Fed en décembre, son cours avait chuté sous les 1.150 dollars.

La Fed a annoncé trois autres hausses de taux en 2017, augmentant le coût d’opportunité de la détention d’or et remettant en question la pertinence du métal jaune comme support d’investissement. Nous estimons que cela constitue un handicap pour les sociétés aurifères, et craignons que même les sociétés sous-évaluées pourraient être affectées par un essoufflement de la demande du secteur de la joaillerie en Chine et en Inde.

L’immobilier américain se tient

Le marché de l’immobilier américain a connu une bonne année 2016, même si le nombre de mises en chantier a été inférieur à nos prévisions, la chute du taux de vacances ayant contrebalancé la formation de nouveaux ménages.

Nos prévisions de long terme restent optimistes. La demande de la génération des « Millennials » va alimenter un net rebond de la construction jusqu’en 2020. Au cours du troisième trimestre, la demande sous-jacente a atteint un rythme annuel de 1,4 million de logements. La baisse du taux de vacances devrait soutenir les prix et les loyers, conduisant une augmentation du nombre de mises en chantier en 2017.

Aux Etats-Unis, les producteurs de bois sont un bon moyen de parier sur cette tendance. L’augmentation de l’activité de construction devrait profiter à des sociétés comme Canfor ou West Fraser Timber, la progression des capacités de production conduisant à une augmentation des prix.

L’effet Trump

L’élection de Donald Trump à l’élection américaine a entrainé un rebond du cours des producteurs de matériaux de construction. Nous sommes sceptiques sur le plan de 1.000 milliards de dollars de dépenses d’infrastructures sur 10 ans. En outre, les cours intègrent déjà une croissance importante et n’offrent donc pas de potentiel d’appréciation sur une base ajustée du risque.

Nos doutes sur le plan d’investissement de Trump sont de plusieurs ordres. Tout d’abord, on ne sait pas dans quelle mesure les 100 milliards de dollars de dépenses annuelles seront des dépenses additionnelles ou la simple réallocation de dépenses déjà programmées. En outre, obtenir un soutien bipartisan du Congrès américain n’est pas gagné. La majorité républicaine au Sénat est modeste (52 sièges) et certaines politiques nécessitent 60 votes pour être votées.

Enfin, la mise en œuvre de telles dépenses prendra un certain temps et leur impact sera donc différé dans le temps.

Les cours des groupes sidérurgiques ont largement rebondi au cours du quatrième trimestre. Ce rallye était porté par l’optimisme suite à l’élection de Trump. La hausse des prix de l’acier et le sentiment d’une plus grande discipline sur le front de l’offre (restructuration de l’industrie chinoise) n’ont fait qu’amplifier la hausse.

Nous estimons que cette hausse des cours est largement spéculative plutôt qu’une preuve que les fondamentaux de l’industrie se sont améliorés. Nous continuons de prévoir une demande d’acier en croissance modeste en raison des défis structurels de la Chine. Nous sommes en outre dubitatifs dans la capacité de la Chine à réellement rationnaliser les capacités de production d’acier d’ici la fin de la décennie. Nous voyons davantage de risque de correction boursière dans le secteur sur le long terme. A ce stade, tous les groupes sidérurgiques que nous couvrons se traitent avec une prime sur nos estimations de juste valeur.

 

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Valeurs citées dans l'article

NomValeurVariation (%)Notation Morningstar
Albemarle Corp116,88 USD1,65Rating
ArcelorMittal SA New Reg.Shs ex-Arcelor23,75 EUR0,89
Cameco Corp49,35 USD0,39
Canfor Corp14,23 CAD0,14Rating
United States Steel Corp37,42 USD0,67
West Fraser Timber Co.Ltd107,50 CAD-0,35Rating

A propos de l'auteur

Daniel Rohr, CFA  Daniel Rohr, CFA, is a senior securities analyst at Morningstar.