J.P.Morgan: la Fed devrait agir en septembre

La Fed n'a pas envoyé d'éléments nouveaux qui permettent d'envisager un report de sa décision de relever ses taux.

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Cet article fait partie de la série "Perspective", qui regroupe des contributions externes. Le texte suivant a été rédigé par Michael Hood, membre des équipes de gestion de J.P.Morgan Asset Management. 

Une hausse de taux en septembre par la Réserve fédérale reste d’actualité, mais de justesse. Malgré la diffusion de son communiqué habituel actualisé, la mise à jour d’un ensemble de prévisions économiques et de taux d’intérêt ainsi que la conférence de presse de sa présidente Janet Yellen, la réunion du FOMC (Comité de politique monétaire) du mois de juin n’a apporté que peu d’informations nouvelles aux investisseurs. Le marché obligataire américain semble avoir considéré la communication d’ensemble de la banque centrale comme marginalement accommodante. Tout en n’étant pas en profond désaccord avec cette position, nous avons également identifié des éléments de fermeté et, d’une manière générale, nous ne disposons pas d’éléments suffisants pour remettre en cause notre position selon laquelle la première hausse de taux interviendrait en septembre.

Nous avions estimé que le Comité pourrait indiquer de manière plus nette son intention de bouger prochainement, peut-être en dévoilant dans sa déclaration une inflexion dans le pilotage de ses anticipations. Au lieu de cela, la partie « prévisions » du communiqué n’a pas du tout évolué et le FOMC a révisé à la hausse, mais moins fortement que nous l’avions anticipé, son évaluation de la croissance et des tendances inflationnistes. Cependant, les “dots” (projections des participants sur l’évolution des taux directeurs) ont évolué à la baisse : en partie du fait que les membres qui avaient précédemment envisagé de multiples hausses en 2015 n’en anticipent plus désormais que deux, mais aussi parce que certains participants ont rejoint le camp des tenants “d’un seul relèvement” alors qu’ils en anticipaient deux auparavant.

Comment s’explique cette prudence ? Trois explications agissant de concert peuvent, selon nous, être avancées. Tout d’abord, alors que les chiffres de la croissance aux Etats-Unis se sont redressés de façon convaincante au cours de ces dernières semaines, le FOMC continue à déceler un aspect négatif dans les statistiques les plus récentes de PIB, pour le premier trimestre. Un rebond décent au second trimestre, du type de celui que nous anticipions, devrait renforcer la confiance de la Réserve fédérale en une expansion soutenue. Bien que le chiffre du second trimestre ne sera pas disponible avant le lendemain de la réunion de juillet du FOMC, le Comité devrait avoir d’ici là une idée plus précise de la façon dont ce chiffre évolue.

En second lieu, le FOMC ressent probablement une certaine tension entre son objectif d’offrir un pilotage des anticipations clair et son désir de tenir compte des statistiques dans ses décisions. La nouvelle répartition des dots, avec approximativement la moitié du Comité prévoyant une hausse cette année et l’autre moitié deux hausses successives, contribue à la résolution de ce problème en permettant le choix de septembre au lieu de décembre d’être placé sous l’influence des informations reçues (tout en limitant effectivement les options plausibles à ces deux options).

Enfin, le mouvement de baisse des dots, non seulement pour 2015 mais aussi pour les deux années suivantes, contribue à renforcer le message de la Réserve fédérale selon lequel le cycle de hausse des taux se développera progressivement. Au cours de ces dernières années, le FOMC a dans l’ensemble oeuvré pour atténuer l’amertume de la potion administrée. A l’approche de la première hausse, la Réserve fédérale souhaite probablement amortir le choc en rassurant sur les perspectives de sa politique monétaire à moyen terme.

L’approche du cycle de hausse des taux conforte notre choix de réduire l’exposition à la duration. Notre prévision d’une hausse en septembre restant d’actualité, nous avons trouvé le message d’ensemble du FOMC largement en cohérence avec notre décision prise début juin de faire revenir vers une position neutre le positionnement en duration des portefeuilles diversifiés, après avoir été long pendant plusieurs mois comparativement aux indices. Cette évolution a reflété des changements, non seulement dans notre opinion fondamentale sur la duration elle-même, mais aussi dans la perception de sa valeur au sein des portefeuilles. Sur le point précédent, notre prévision d’une croissance plus forte aux Etats-Unis a joué un rôle, notre recherche interne suggérant que les surprises économiques favorables peuvent avoir un impact important sur la prime de terme, qui semble actuellement très faible. L’approche de l’action de la Réserve fédérale a également tempéré notre enthousiasme pour les obligations, avec une valorisation du marché basée sur un itinéraire de hausses de taux qui nous interpelle en se montrant plus accommodant que la grande majorité des issues plausibles. Notre prévision d’une hausse progressive de l’inflation, renforcée par les récentes statistiques de la zone euro comme des Etats-Unis, a de nouveau renforcé notre prudence, encore que nous percevons l’inflation davantage comme un risque à évolution lente. En ce qui concerne la construction de portefeuille, nous avons considéré les positions longues en duration comme une couverture très utile contre les surpondérations en actions. Les précédents historiques suggèrent cependant que les corrélations actions/obligations deviennent en règle générale positives quand la politique monétaire est en passe d’évoluer. Si ce basculement de corrélation se produit au moment où la Réserve fédérale commence son mouvement de resserrement, la duration va perdre son rôle de protection pour les autres aspects de nos portefeuilles.

Dans l’obligataire, nous favorisons le segment investment grade américain, et avons une légère préférence pour le haut rendement au détriment de la dette émergente (EMD). Notre intérêt pour la catégorie investment grade reflète la prééminence des acheteurs attirés par le rendement sur ce marché (particulièrement les compagnies d’assurance et les fonds de pension cherchant à réduire leur risque) ce qui signifie, selon nous, que la demande va probablement augmenter alors que les rendements obligataires progressent, ce qui comprime les spreads. Dans le crédit, nous estimons que le segment du haut rendement américain et celui de la dette souveraine émergente (en devise forte) sont modérément attractifs, mais pas suffisamment pour justifier leur surpondération dans un portefeuille diversifié. En vérité, les spreads du haut rendement semblent élevés par rapport au taux de défaut actuel ou aux périodes de milieu de cycle antérieures. Mais le niveau actuel des prix du pétrole, s’il se poursuit, va probablement générer une tension progressivement accrue chez les grands noms du secteur de l’énergie et les analystes prévoient une hausse des défauts à 2 % ou 3 % au cours de l’année qui vient, contre environ 1,5 % actuellement. De plus, la montée en régime des opérations de LBO (leverage buyout) suggère que les investisseurs du haut rendement commencent à porter plus de risque que cela a été le cas au cours de la période d’après-crise.

Nous avons une légère préférence pour le haut rendement par rapport à la dette émergente. Ce choix semble nettement plus justifié que sur la période 2010-13, lorsque les spreads du haut rendement étaient très larges par rapport à la dette émergente. En effet, en se basant uniquement sur les spreads sur niveaux d’indice (le haut rendement se négociant moins de 100 pb au dessus de la dette émergente) ce dernier apparaît plus attractif. Cependant, en creusant un peu, l’avantage de spread en faveur de la dette émergente semble se concentrer principalement sur les crédits notés BBB (dont certains risquent de perdre leur statut investment grade) et sur la dette souveraine affectée de notes très basses (confrontée à une probabilité de défaut du fait de la faiblesse des prix des matières premières). De plus, nous estimons que le cycle de resserrement de la Réserve fédérale se montrera plus déstabilisant pour la dette émergente, les pays émergents représentés dans l’indice présentant une balance courante agrégée plus lourdement déficitaire qu’en 2004 mais sans se trouver cette fois-ci dans le contexte du début d’une accélération à long terme de leur croissance.

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A propos de l'auteur

J.P.Morgan Asset Management  J.P.Morgan Asset Management est une filiale de J.P.Morgan.