Qu’est-ce qui explique le rebond soudain du baril de brut ?

Des facteurs "techniques" sont à l'oeuvre, mais la tendance de moyen terme reste plutôt baissière selon les observateurs.

Jocelyn Jovène 04.02.2015
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« C’est du brut…al ». Le cours du baril WTI a rebondi de 20% depuis le 29 janvier, tandis que le Brent a pris 18% sur la même période. Cette remontée des cours du baril a d’autant plus surpris les investisseurs que le pétrole semblait inscrit dans une spirale infernale de repli durable des prix.

Pour rappel, la chute des cours résulte d’une part d’une augmentation soutenue de l’offre en provenance d’Amérique du Nord, d’un ralentissement de la demande mondiale, liée notamment au moindre dynamisme économique des pays émergents (Chine en tête) et d’une volonté de l’Arabie Saoudite de faire pression sur d’autres pays membres de l’OPEP mais aussi sur les Etats-Unis.

Pour Véronique Riches-Flores, de RF Research, le rebond actuel des cours du pétrole est essentiellement d’ordre « technique ». Les stratégistes de Morgan Stanley notent également la concomitance du rebond du brut avec le renversement de tendance du dollar, dont l’appréciation à l’égard des autres grandes devises a récemment eu tendance à se stabiliser.

L’explication « technique » tient, selon Gilles Frisch, gérant haut rendement chez Swiss Life AM, à la publication vendredi dernier du nombre de puits de forage en Amérique du Nord, un indicateur très suivi par les observateurs de l’industrie, publié par la société Baker Hughes.

Ce « rig count » a pointé 1.223 puits de forage aux Etats-Unis pour le seul secteur pétrolier, soit 199 de moins (ou 18%) qu’il y a un an. Cette publication a provoqué des commentaires soulignant un risque de déséquilibre entre une offre qui se réduirait rapidement alors que la demande continue de croître outre-Atlantique.

Ces éléments suffiront-ils à créer une dynamique plus durable de remontée des cours du pétrole à court terme ? Véronique Riches-Flores est sceptique : « il faudra une évacuation du risque déflationniste avant de pouvoir envisager des cours supérieurs à notre scénario [vers 60 dollars le baril, NDLR] », explique l’économiste dans une note datée du 4 février.

Les stratégistes de Citi notent pour leur part qu’il y a aussi un problème de stockage du brut qui est extrait. En outre, « malgré la baisse du nombre de forages dans les 3 principaux champs actuellement en production (Bakken, Eagle Ford, Permian), la production nord-américaine pourrait croître de 1 million de baril/jour. »

Chez Morgan Stanley, l’impact des baisses des budgets d’investissement et du nombre de puits de forage « est surestimé ». Le marché physique du pétrole montre plus de signes de détérioration que d’amélioration. « L’offre nord-américaine de pétrole doit ralentir brutalement pour rééquilibrer le marché, ce qui requiert des prix bas », écrivent-ils dans une note aux investisseurs.

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.