J.P.Morgan AM: le pessimisme à son paroxysme

La correction récente des marchés illustre une surréaction liée à la peur des investisseurs, plutôt qu'à une dégradation brutale des fondamentaux.

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Cet article fait partie de la série "Perspective", qui regroupe des contributions externes. Le texte suivant a été rédigé par l'équipe des stratégistes de J.P.Morgan Asset Management. 

La semaine dernière a été particulièrement mouvementée. L’indice VIX a enregistré un pic supérieur à 30 en intraday, bien inférieur aux niveaux atteints au cours de la crise financière, mais en forte progression après son niveau légèrement inférieur à 12, atteint à peine quatre semaines plus tôt.

Le bon du Trésor américain (US) à 10 ans a enregistré son plus fort rebond journalier depuis 2009, avec des rendements qui ont atteint 1,86 %, les partisans d’une correction supérieure à 10 % obtenant en définitive ce qu’ils appelaient de leurs voeux – tout au moins pour ce qui concerne l’indice S&P 500 E-mini futures, en recul de 10,36 % en intraday.

Mais quelles évolutions fondamentales se sont donc produites ? A notre avis, rien de très consistant. Les Etats-Unis restent sur une solide trajectoire expansionniste, quoique les plus invétérés optimistes soient désormais davantage contraints de justifier leur enthousiasme.

En Europe cependant, il convient d’admettre un rappel à l’ordre leur remémorant que le “whatever it takes” (“quoiqu’il nous en coûte”) de Mario Draghi est assorti d’un avertissement : une conditionnalité conforme aux souhaits de l’élite politique de Berlin.

Revenons-en aux faits. Quelle est la cause de la chute des marchés la semaine dernière ? Fondamentalement, celle-ci semble provenir d’un réajustement des perspectives de la croissance mondiale. Certains chiffres en provenance des Etats-Unis se sont en effet révélés inférieurs aux anticipations, notamment les ventes de détail du mois de septembre et ceux de l’enquête Empire State.

Cependant, au niveau international, la publication de perspectives pessimistes par le FMI, la montée des risques géopolitiques et la déception sur le rythme auquel la BCE entend déployer son plan de relance ont contribué à amplifier le malaise général.

En creusant un peu plus profondément, au delà des gros titres à sensation, ce mouvement de ventes massif reflète davantage une sur-réaction inspirée par la crainte, envers des catalyseurs peu aptes à susciter un grand enthousiasme.

Les récentes évolutions ne modifient pourtant pas fondamentalement les perspectives haussières aux Etats-Unis, publiées dans notre Strategy Summit Summary de septembre, et quatre facteurs suggèrent que les marchés sont déconnectés des fondamentaux.

Tout d’abord, si toute une série de marchés d’actifs enregistrent un accès de faiblesse, les mouvements sur les cours ont davantage affecté les positions les plus courues. Les mouvements de vente brutaux intervenus sur les actions européennes, le segment du high yield, la dette périphérique et les bons du Trésor américains (US) révèlent un désintérêt pour les positions massivement investies par les acteurs de marché.

L’indice VIX lui-même a probablement vu son évolution exacerbée par le dénouement de produits financiers liés à la volatilité, devenus très prisés au cours de ces derniers mois. Nous sommes encouragés dans cette analyse par le fait que les signes avant-coureurs de difficultés sur les marchés financiers lors des crises antérieures – notamment les spreads FRA-OIS, la dette et les actions émergentes, l’AUD, les opérations sur le couple EUR/USD – n’ont pas réagi aussi brutalement.

En second lieu, une nervosité accrue du marché peut avoir contribué à développer un biais de confirmation, en s’abstenant de prendre en considération certains chiffres nettement positifs.

Fait important à relever, jeudi, le chiffre des nouvelles inscriptions au chômage est tombé à son plus bas niveau depuis l’année 2000, battant chaque estimation unique réalisée par Bloomberg (et dépassant la moyenne, de 4 écarts-type). La production industrielle a également été robuste. Pourtant, les contrats futures sur le S&P ont été peu affectés au cours des périodes suivant tout signal haussier.

Troisièmement, notre opinion sur les fondamentaux reste inchangée et nombre d’inquiétudes exprimées par le marché nous semblent excessives. En particulier, la déception suscitée par la publication de certains chiffres (ex : les indices PMI) ne reflète, pour l’essentiel, qu’un léger ajustement par rapport aux niveaux du mois d’août (les plus élevés atteints depuis plusieurs années) et l’indice U.S. Citi Economic Surprise Indicator reste positif, en légère baisse seulement malgré la “chute” perçue dans les chiffres.

En effet, comme la Réserve fédérale l’a indiqué dans son « Beige Book » de la semaine dernière : “La publication des chiffres des douze districts de la Réserve fédérale a, dans l’ensemble, fait état d’une croissance économique modeste à modérée, selon un rythme similaire à celui décrit dans le précédent Beige Book.”

Si les craintes pesant sur la croissance européenne ne peuvent être écartées aussi rapidement, l’économie américaine (US) dispose d’une robustesse interne et d’une profondeur sans égale, elle n’est donc pas soumise à un scénario d’importation des récessions qui affectent les autres régions.

Enfin, le recul des prix des matières premières, en particulier de l’énergie, renforce la confiance des consommateurs et des entreprises américaines, en supposant qu’il résulte d’un problème d’offre et non de demande.

La récente faiblesse des cours du pétrole apparaît très largement comme un phénomène lié à l’offre ; l’Arabie Saoudite, souvent perçue comme le swing producer (producteur de bouclage, garant de la stabilité des cours) de l’OPEP, n’a pas réduit sa production alors que la Lybie augmentait la sienne de 800k barils/jour et que les Etats-Unis continuaient à accélérer sur le pétrole de schiste.

Dans l’ensemble, la baisse de 0,54 USD/gallon (15%) du prix de l’essence sans plomb depuis le mois de juin devrait apporter un soutien à la consommation au cours du troisième trimestre 2014 et au delà ; les contrats futures annoncent même des baisses encore plus fortes, équivalant à des baisses d’impôts pour chaque foyer.

Les deux derniers facteurs (le ralentissement de la croissance européenne et le recul des prix des matières premières) contribuent également à réduire les pressions inflationnistes aux Etats-Unis ; ils permettent à la Réserve fédérale de conserver plus longtemps une tonalité accommodante, malgré une croissance domestique plus forte, et de freiner toute hausse des rendements du segment long de la courbe des taux.

Ce contexte monétaire favorable permet de renforcer le processus de cicatrisation dans des secteurs jusqu’à présent délaissés par la reprise, notamment le logement où la disponibilité du crédit hypothécaire n’a pas suivi le rythme du rebond de l’économie.

En attendant, la plus forte menace pour l’économie américaine pourrait bien résider dans une propagation au secteur de la consommation du récent malaise subi par les marchés financiers. Malgré tous les gros titres à sensation qui ont fleuri dans les médias cette semaine, nous estimons que “l’esprit animal” des consommateurs américains est résistant.

Si les ventes de détail du mois de septembre ont légèrement déçu les marchés, la tendance sous-jacente apparaît intacte. Les indices de mesure directe de la confiance ont bien rebondi – l’enquête de l’Université du Michigan de vendredi a propulsé les anticipations antérieures à leur niveau le plus élevé depuis sept ans et l’instrument de mesure à plus haute fréquence de Bloomberg a rebondi à des niveaux similaires au cours de ces deux dernières semaines – ce qui n’est pas une véritable surprise étant donné la robustesse remarquable du marché de l’emploi.

Si l’épidémie d’Ebola pourrait avoir une légère influence sur le comportement des consommateurs, les sondages de Gallup indiquent une proportion plus faible d’américains craignant de contracter le virus Ebola (22 %) qu’au cours de la vague de SRAS en 2002-2003 (37 %).

En résumé, il est paradoxal que la menace la plus forte qui pèse sur la confiance des consommateurs provienne des marchés eux-mêmes et de l’inclination de la presse financière à jeter l’opprobre sur l’économie américaine.

Quels sont les changements intervenus depuis notre Strategy Summit du mois de septembre ? Principalement les cours, guidés par des facteurs techniques. Nos perspectives fondamentales à court terme restent inchangées : l’économie américaine (US) continue à progresser, grâce au renforcement des conditions de crédit et à l’amélioration de la confiance, facteurs que nous estimons être les principaux moteurs de la croissance mondiale.

L’évolution des cours des actions américaines (US) jeudi et vendredi dernier suggère que les investisseurs ont saisi l’opportunité de points d’entrée plus attractifs sur le marché. A notre avis, les difficultés suscitées par une croissance mondiale inégale et le frein que constitue la hausse du dollar sur les bénéfices sont probablement compensés à moyen terme par l’avantage que présente la baisse des coûts de l’énergie et des coûts de financement.

Ces éléments plaident en faveur de notre surpondération sur les grandes capitalisations américaines et nous donnent une opportunité attractive pour renforcer nos positions sur le crédit aux Etats-Unis avec de bons niveaux de spread.

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A propos de l'auteur

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