La BCE prend son temps

Mario Draghi souffle le chaud et le froid sur les marchés et les investisseurs n’apprécient guère. Jeudi, les Bourses européennes ont fortement corrigé.

Jocelyn Jovène 03.10.2014
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Les marchés se reprennent légèrement ce vendredi, après avoir fortement corrigé jeudi suite aux commentaires de Mario Draghi. En ne donnant pas d’indication claire ni d’objectif chiffré sur le montant d’augmentation du bilan de la Banque centrale européenne, Draghi a déçu les fortes attentes des investisseurs.

« La BCE a déçu ceux qui attendaient d’en savoir davantage sur la manière dont elle compte augmenter la taille de son bilan au cours des prochains mois », observe Reinhard Cluse, économiste chez UBS.

Pour les économistes d’Exane BNP Paribas, la BCE a donné l’impression de faire marche arrière dans sa volonté d’augmenter la taille de son bilan. 

« Nous ne pensons pas que les annonces de la BCE constituent une marche arrière », note a contrario Ebrahim Rahbari, économiste chez Citi. « A notre avis, [Draghi] a laissé ouverte la porte à un assouplissement quantitatif supplémentaire, si, comme nous le prévoyons, l’inflation continue de se situer sous les prévisions de la BCE », ajoute-t-il.

S’il a réitéré un propos qui va dans le sens d’une politique toujours accommodante, le président de la BCE a aussi donné l’impression qu’il cherche à gagner du temps.

La BCE attend en effet de voir si la mise en œuvre des mesures prises jusqu’ici commence à donner les résultats prévus en matière d’évolution des chiffres d’inflation en zone euro.

Plusieurs observateurs estiment toutefois que la BCE n’aura d’autre choix que de se lancer dans un assouplissement quantitatif plus large que les simples achats de titres adossés à des actifs (ABS) ou d’obligations sécurisées (« covered bonds »), pour la simple et bonne raison que l’objectif d’inflation de la BCE ne sera pas atteint avant longtemps.

Un avis que ne partagent pas les économistes de Morgan Stanley. « Si le conseil des gouverneurs reste unanime dans sa volonté de décider d’autres mesures non-conventionnelles dans le cadre de son mandat, si nécessaire, nous n’avons pas eu l’impression que la BCE avance vers un QE élargi », écrivent-ils dans une note datée du 2 octobre.

Pour Véronique Riches-Flores, Présidente de RF Research, « M. Draghi joue avec le feu, en escomptant des responsables gouvernementaux qu’ils accélèrent les réformes et adoptent une politique plus favorable à la demande. »

De telles mesures prendront en effet du temps à avoir un impact sur l’économie réelle. « Un temps certainement trop long pour avoir une chance d’inverser la trajectoire en place d’un écrasement de la croissance et d’une augmentation du risque déflationnistes », écrit Véronique Riches-Flores. « Un temps également trop long pour les marchés financiers », ajoute l’économiste.

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.