« Super-cycle » : la fin d’un mythe ?

La thèse du « super-cycle » a pris du plomb dans l’aile avec la crise de 2008, mais elle n’est peut-être pas à enterrer.

Jocelyn Jovène 23.06.2014
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Entre 2003 et 2007, portés par l’expansion rapide des pays émergents et la recherche de protection contre le risque inflationniste de la part des investisseurs, les cours des matières premières ont connu une phase d’expansion rapide.

Ce phénomène a été qualifié de « super-cycle » par un certain nombre d’observateurs, reflétant l’idée qu’un rattrapage des pays émergents sur les pays développés conduirait inéluctablement à une poursuite de la hausse des cours sur longue période.

Ce scénario très optimiste s’est heurté en 2008 à la crise financière globale, conduisant à une brutale chute des prix des matières premières, lesquels sont depuis entrés dans une phase de contre-performance durable à partir de 2010-2011, sur fond de crise de la dette en zone euro.

En quelques années, le moteur des pays émergents, et notamment de la Chine qui représente 45% de la consommation mondiale de métaux, 12% de la consommation de pétrole et 24% de la demande mondiale d’or, s’est grippé. L’entrée des pays développés dans une phase de croissance ralentie et sans inflation a mis du plomb dans l’aile de la thèse du super-cycle.

Toutefois, pour les experts de Goldman Sachs ou pour d’autres spécialistes  interrogés par Morningstar, cette thèse n’est pas totalement à enterrer.

« Les mouvements de prix cycliques sont en grande partie pilotés par le cycle économique global (demande) », observe Goldman Sachs dans une note datée du 13 mai. « A contrario, les composantes structurelles des prix des matières premières sont liés au niveau d’investissement dans les capacités de production au regard des tendances d’évolution de la demande, c’est-à-dire le cycle d’offre. »

Ainsi, l’envolée des cours des matières premières dans la première moitié des années 2000 était liée à la fois à une hausse de la demande à laquelle l’offre avait du mal à répondre. Ces prix élevés ont conduit de nombreux producteurs à investir massivement, contribuant à la création de surcapacités au moment où la demande chutait.

Aujourd’hui, la situation est en train d’évoluer lentement. Les producteurs ont fait le ménage dans leurs portefeuilles d’activités pour retrouver des niveaux de rentabilité plus décents et dégagent de nouveau des gains de productivité (graphique).

Source: Goldman Sachs.

Fin 2013, les gérants de PIMCO estimaient que les perspectives des matières premières « sont cohérentes avec leur rendement de long terme » et que leurs cours étaient raisonnables au regard de leurs niveaux de valorisation historiques.

« Dans un environnement d’inflation stable, le rendement des matières premières est principalement tiré par les changements des anticipations de croissance, en particulier celles concernant les marchés émergents », écrivait PIMCO.

Le rebond observé depuis le début de l’année s’explique pour partie par les tensions d’ordre géopolitique (Ukraine, Irak entre autres), l’anticipation d’une reprise modeste de la croissance économique mondiale (vers un « trend » de 3%), ainsi que par l’amélioration des sociétés cotées dans le secteur des produits de base (principalement des groupes miniers et sidérurgiques). A court terme, d’autres facteurs plus spécifiques selon les marchés peuvent également jouer.

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.