Robeco: La Chine, vraie menace pour les émergents

Seule la Chine possède réellement le pouvoir de brouiller les cartes des investisseurs cette année, estime l'économiste en chef de Robeco.

Leon Cornelissen 25.02.2014
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Cet article fait partie de la série "Perspective", qui regroupe des contributions externes. Le texte suivant a été rédigé par Leon Cornelissen, chef économiste de Robeco. Il a été édité par Morningstar.

Les hausses des taux d'intérêts dans des pays comme l'Inde et la Turquie dans le but de soutenir leurs devises et de mettre un terme aux flux de capitaux ont engendré un effondrement des cours boursiers. La Réserve fédérale américaine (Fed) s'est vue reprochée d'être à l'origine du malaise avec le lancement de son programme de réduction d’achats d’actifs (tapering).

La réduction des achats mensuels américains d'obligations va faire augmenter progressivement les taux d'intérêts, ramenant les capitaux d'investissement vers les économies occidentales plus riches et les éloignant des marchés en voie de développement plus pauvres. Ce phénomène se traduira par une fuite des capitaux, y compris de capitaux issus des marchés boursiers émergents.

Toutefois, les investisseurs ne doivent pas craindre des répercussions, car ceci permettrait un retour à une conjoncture économique plus normale en Occident ; la vraie menace surviendrait si la Chine se heurtait à des difficultés.

D'importantes questions pour les investisseurs

La dégringolade inattendue et brutale des actions des marchés émergents pose certaines questions importantes pour les investisseurs. Citons-les :

  • La Fed modifiera-t-elle son cap, peu après avoir sérieusement lancé la réduction de son programme d'achat d'obligations ?
  • Y aura-t-il un bouleversement dans le rétablissement des économies avancées notamment en raison des problèmes croissants qui apparaissent dans certains marchés émergents ?
  • Les événements actuels modifient-ils fondamentalement notre point de vue sur les performances des catégories d'actifs en 2014 ? 

 

Une réponse sommaire à toutes ces questions serait non, hormis si la Chine s'affaiblit considérablement.

La Chine a un poids, c’est la seconde économie mondiale et génère une grande partie de la croissance mondiale. En raison de sa taille, les choses pourraient changer si fondamentalement l'économie chinoise s'affaiblissait davantage.

Les autorités chinoises ont ralenti récemment la croissance économique dans l'espoir de réduire le prix des logements et de dompter en parallèle le système bancaire.

Qui plus est, au dernier congrès du parti communiste, elle a présenté un ambitieux programme de réformes qui, en pratique, réduirait la croissance structurelle. Toutefois, ce qui va finalement se passer demeure incertain. 

Le nouvel an chinois complique les choses

La Chine est un problème car les préférences politiques des leaders chinois ne restent pas claires. En 2013, les leaders chinois ont démontré une très faible tolérance pour un taux de croissance inférieur à 7 %.

Nous prévoyons donc que la Chine reproduira un taux de croissance semblable pour 2014 et qu'elle gonflera la croissance si cela est jugé nécessaire.

Avec des réserves étrangères dépassant 40 % du PIB, un excédent budgétaire structurel, une épargne intérieure impressionnante et une dette du gouvernement central relativement faible, les responsables politiques chinois ont suffisamment de marge pour manœuvrer.

Néanmoins, une évaluation de la conjoncture économique chinoise dans l’immédiat est compliquée en raison de la nouvelle année lunaire ce qui rend l'interprétation des données économiques pour les deux mois à venir particulièrement délicate. Par conséquent, la Chine demeure un élément imprévisible dans les mois à venir. »

Arrêtez d'accuser la Fed !

En attendant, cessons d'accuser la Fed des problèmes auxquels sont confrontés aujourd'hui les marchés émergents. Les leaders des économies émergentes, pour la plupart, ne se sont pas plaints quand les capitaux ont commencé à affluer dans leurs pays au début de l'assouplissement quantitatif il y a trois ans.

Et maintenant que cette période favorable se termine, la fuite des capitaux n'a rien d'étonnant. Ce n'est d’ailleurs pas la raison principale des récentes difficultés.

Les problèmes actuels dans certains marchés émergents ne peuvent pas être attribués essentiellement aux décisions de réduction de la Fed.

Le dosage des politiques dans ces marchés a été trop vague, comme l'indiquent certains facteurs tels que le déficit des comptes courants de la Turquie qui a augmenté à plus de 7 % du PIB. 

Le terme des « cinq fragiles » a été inventé pour souligner la vulnérabilité du Brésil, de l'Inde, de l'Indonésie, de l'Afrique du Sud et de la Turquie en raison de leurs déficits des comptes courants.

Il faut modifier le dosage politique, cela sans essayer de relever les taux d'intérêt à un niveau prohibitif afin de stabiliser les taux de change vis-à-vis du dollar américain.

Indice JP Morgan Emerging Market Currency (% en glissement annuel)

Source: JPMorgan

Une croissance plus faible ne fera pas dérailler l'Occident

L'affaiblissement des devises des marchés émergents contribuera à un rééquilibrage de leurs économies et à une baisse de leurs déficits des comptes courants.

Une croissance plus molle dans certains marchés émergents ne pourra donc pas faire échouer la reprise en cours dans les marchés développés. Leur impact économique est trop faible.

Bien entendu, la situation contribuerait à un affaiblissement des prix des matières premières, ce qui renforcerait en fait davantage la reprise des économies avancées. 

Les critiques accusant la Fed d'adopter une politique de repli ont remarqué que les récentes déclarations ne font pas allusion à l'agitation dans les marchés émergents, contrairement aux déclarations plus diplomatiques de la Banque centrale européenne.

La Fed est bien consciente de l'impact externe de ses politiques, mais vu l'ambiance très policée à Washington, elle préfère communiquer dans les limites de son mandat. En effet, au sein des États-Unis certaines personnes avaient auparavant accusé la Fed d'un manque de nationalisme.

La Fed ne reviendra pas sur son programme de réduction, car la puissance actuelle de l'économie américaine est probablement sous-estimée.

La croissance du PIB au quatrième trimestre a été une fois de plus une bonne surprise, s’alignant ainsi avec les chiffres du troisième trimestre.

Le gouvernement américain ne freinera pas la croissance comme en 2013 en raison de la gravité des mises sous séquestre, alors qu'il a l'obligation légale de réduire le déficit en baissant les dépenses.

Et l'indice non manufacturier PMI a augmenté en janvier de 53 à 54 points (un chiffre supérieur à 50 indique une croissance), ce qui suggère un renforcement de l'économie.

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A propos de l'auteur

Leon Cornelissen

Leon Cornelissen  est chef économiste de Robeco.