Croissance: un deuxième trimestre décevant

Une contraction de l’activité au deuxième trimestre n’est pas impossible, avant un rebond au second semestre, selon Bob Johnson, directeur de la recherche économique.

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Jason Stipp : Je suis Jason Stipp pour Morningstar. Les dernières statistiques pour le trimestre indiquent que l’activité pourrait être faible. Pour expliquer cela, je suis en compagnie de Bob Johnson, notre directeur de la recherche économique. Merci d’être avec nous.

Bob Johnson : Ravi d’être ici.

Jason Stipp : Les statistiques publiées cette semaine suggèrent de vraies difficultés du point de vue de la croissance. Cela s’ajoute à des inquiétudes sur le fait que la croissance du deuxième trimestre pourrait être plus faible que celle du premier trimestre. Qu’est-ce qui dans les publications de la semaine confirme ces difficultés ?

Bob Johnson : Il y a plusieurs choses. Les ventes au détail lundi, lesquelles étaient très inférieures aux attentes, avec une croissance de 0,5% contre 0,9% prévu. Ce chiffre n’était pas catastrophique, mais il était tiré en grande partie par l’automobile.  

Jason Stipp : C’est pour le mois de juin ?

Bob Johnson : En effet.

Jason Stipp : Les données sur l’inflation ont également constitué une autre source d’inquiétude concernant les ventes au détail.

Bob Johnson : Mardi, le rapport sur l’inflation était décevant. L’inflation a augmenté de 0,5% sur un mois, et donc si l’on regarde les deux statistiques ensemble, cela signifie qu’il n’y a eu aucune croissance des ventes au détail en juin.

Jason Stipp : Le secteur de l’immobilier, où l’on commençait à voir de plus en plus de bonnes nouvelles, pourrait lui aussi ne pas jouer de rôle moteur sur le trimestre.

Bob Johnson : Il y a eu quelques surprises négatives. Les chiffres sur la construction et les permis de construire sont sortis mercredi, et ils étaient vraiment plus faibles que ce qui était attendu. Il sera difficile d’atteindre le million de mises en chantier pour l’ensemble de l’année, car on est très en-deçà de ce chiffre. Cela est dû à une plus grande volatilité des constructions d’appartements, mais les maisons individuelles semblent parties pour combler la différence. Peu de progrès au final.

Jason Stipp : A quoi pourrait ressembler le deuxième trimestre ? Nous avons eu 1,8% de croissance au premier trimestre. Le consensus pour le deuxième trimestre est inférieur à  1%, et vous indiquez qu’il pourrait être très sensiblement en-deçà de 1%, peut-être même en territoire négatif. Comment en arrive-t-on là ? La principale composante du PIB est la consommation. Nous avions 2,4% de croissance de la consommation au premier trimestre, et nous aurons moins au deuxième trimestre.

Bob Johnson : Lorsque l’on regarde les chiffres déjà évoqués sur les ventes au détail et l’inflation, il me semble que la consommation augmentera de 1,5% environ, entre 1,4% et 1,6% disons. Comme la consommation représente 70% du PIB, et si la consommation est la seule composante qui bouge, nous pourrions être à 1%, 1,1% de croissance sur le trimestre.

Jason Stipp : La deuxième composante importante est l’investissement, et là les nouvelles sont mitigées.

Bob Johnson : En matière d’investissement, les nouvelles ne sont pas vraiment bonnes. Les chiffres de la construction ont atteint un plateau et pourrait légèrement reculer. C’est en partie à cause des ventes au détail, avec une diminution du nombre de magasins. Les chiffres de l’immobilier de commerce vont légèrement peser sur le PIB.

Les investissements en machines-outils, en équipements et en logiciels ne devraient pas être très robustes. Les nouveautés en termes de produits ne devraient pas relancer un cycle d’équipement et la confiance des entrepreneurs n’est pas au plus haut avec ce qui se passe en Europe et en Chine. La composante investissement ne devrait au final pas aider l’activité.

Jason Stipp : Qu’en est-il des stocks ?

Bob Johnson : C’est à cause de cette donnée que tout le monde a largement révisé en baisse ses prévisions, à cause de la manière d’estimer le PIB, qui est un chiffre de production. Au lieu de demander à chaque usine combien elle produit, on demande aux consommateurs combien ils achètent, et on regarde la différence, qui est la variation des stocks. C’est la raison pour laquelle cette catégorie est très importante à estimer si l’on s’intéresse à la production, laquelle influence l’emploi. Voilà pourquoi c’est important. Et ce que l’on a vu n’était pas très bon.

Jason Stipp : L’investissement représente 15% du PIB et la situation est mitigée. Les dépenses gouvernementales atteignent 20% et l’on ne s’attend pas à ce qu’elles apportent une contribution significative.

Bob Johnson : C’était un facteur négatif durant le premier trimestre. Je crois qu’il y avait un espoir que ce chiffre allait rebondir vers 0 au deuxième trimestre. Je ne m’attends pas à cela.

Nous avons déjà vu qu’au niveau fédéral, il y a moins de rentrées d’impôts et moins de dépenses publiques. Les effets de saisonnalité sont durs à estimer. Mais il y a de grandes chances que nous n’ayons guère mieux que la contraction de 0,9% que l’on a eue la dernière fois. Nous n’avions pas vu d’impact significatif du séquestre. Ce qui m’inquiète beaucoup. Rappelez-vous, si la consommation n’est que de 1% et que l’on anticipe entre 0,5% et 1% de contribution négative du gouvernement, cela peut nous amener à un chiffre de croissance en territoire négatif.

Jason Stipp : La dernière composante concerne les importations et les exportations et la balance commerciale, qui n’était pas très bonne en mai ; cela peut avoir un impact négatif sur le PIB. Nous n’avons pas encore les chiffres de juin. Cela pourrait-il également conduire en territoire négatif sur le trimestre ?

Bob Johnson : Tout à fait. Mai était un mois très mauvais. C’était un chiffre bizarre qui pourrait ne pas impacter les capacités de production réelles des Etats-Unis. Le chiffre était mauvais à cause du déficit créé par les échanges d’or, de diamants et d’arts. Mais néanmoins, le déficit a fortement augmenté et cela pourrait conduire à une contribution négative de 0,2%-0,3% sur le PIB. Les données de juin ne sont pas encore disponibles. Ces données seront très importantes et personne n’a d’idée de ce à quoi ressemblera ce rapport de juin.

Jason Stipp : La première estimation du PIB sortira à la fin du mois. Si le chiffre déçoit, comment faudra-t-il l’interpréter ? Vous avez parlé de quelques facteurs qui pouvaient l’expliquer. Doit-on s’attendre plutôt à une faiblesse passagère ou doit-on s’inquiéter davantage si la croissance est sensiblement inférieure à 1% ?

Bob Johnson : Avec l’augmentation des charges sociales et d’un certain nombre d’autres choses, je pense que le deuxième trimestre sera déterminant en termes de pression sur le consommateur. Je pense que tout le monde s’attendait à ce que l’impact se produise en janvier, et l’on a oublié les effets secondaires. Au final cela aura sans doute le pire impact sur la consommation. Je pense que ce sera le point noir, avant un rebond par la suite.

Nous sommes probablement toujours sur une tendance de 2% de croissance, mais ce trimestre sera en-deçà et par la suite nous aurons un trimestre qui sera au-dessus de cette tendance. Il y a un certain nombre de statistiques qui font qu’un homme averti en vaut deux. Comme je l’indiquais, les données sur le commerce extérieur comportaient des éléments inhabituels et pourraient se redresser rapidement. Si cela portait sur l’achat de machines-outils ou de produits agricoles, je serais plus inquiet. Cela pourrait contribuer à de meilleures perspectives pour le second semestre.

Jason Stipp : Vous indiquez que la consommation faiblit. Cela pourrait ne pas être aussi dramatique que ne le suggèrent les données publiées jusqu’ici pour le deuxième trimestre ?

Bob Johnson : Le chiffre sera sans doute difficile à avaler, pour les raisons que nous avons évoquées : l’inflation était élevée au regard d’un chiffre de croissance dans l’ensemble décent. Malheureusement, l’inflation était un peu exagérée. Les derniers chiffres ont été boostés aux deux tiers par les prix de l’essence. C’est un effet saisonnier. Cet effet est sans doute un peu biaisé. Il devrait s’inverser en juillet. Au final, les chiffres ne sont pas aussi mauvais qu’il n’y paraît, et je vois des raisons d’espérer de meilleurs chiffres de croissance au second semestre. Mais le fait que la Fed retienne une prévision de croissance de 2,4% n’est pas pertinent à mon avis.

Jason Stipp : Comme vous le disiez, un homme averti en vaut deux. Nous attendrons donc un deuxième trimestre plutôt décevant. Et nous aurons votre éclairage une fois que les données seront publiées. Merci d’avoir répondu à nos questions.

Bob Johnson : Merci.

Jason Stipp : Pour Morningstar, je suis Jason Stipp. Merci de nous avoir regardé.

 

 

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A propos de l'auteur

Jason Stipp  Jason Stipp is Site Editor for Morningstar.com