Investisseurs irrationnels : la peur de perdre

L’aversion au risque paralyse parfois les investisseurs qui ne savent pas quelle stratégie adopter.

Valerio Baselli 10.04.2012
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Warren Buffet a souvent expliqué qu’il suivait deux règles de base en tant qu’investisseur professionnel. Règle numéro un: "Ne pas perdre d'argent", règle numéro deux : "Suivre la règle numéro un". Si ce principe de base a permis à l’"Oracle d'Omaha" de connaître de grands succès, cette idée nous donne l'occasion de parler d'une des distorsions cognitives les plus courantes parmi les investisseurs: la loss aversion, c'est à dire la peur de perdre.

Après avoir présenté un aperçu de la finance comportementale (pour lire l’article cliquez ici), nous proposons ici d’aller plus loin sur ce sujet thématique. Dans le domaine financier, l'aversion au risque désigne le fait que, généralement, les gens préfèrent un gain certain, fût-il minime, à la possibilité d’un gain sensiblement plus important mais incertain. Certaines études ont établi que le désagrément causé par une perte est deux fois plus important que l’utilité retirée d’un gain de montant équivalent. Cela signifie par exemple que lorsqu’on perd 100 euros on a un "taux d'insatisfaction" plus élevé que le "taux de satisfaction" de ceux qui ont gagné 100 euros. Théoriquement les deux réactions devraient être symétriques. Le concept de l'aversion au risque est né après une série d'expériences et de tests menés par Kahneman, Thaler et Knesch et décrits dans l'étude Expirimental Test of the endowment effect and the Coase Theorem en 1990.

Prenons un autre exemple: préférez-vous obtenir un rabais de 10% sur un achat ou éviter une taxe équivalente aux 10 % de rabais ? Logiquement, l’économie est exactement le même. Pourtant, les expériences de Daniel Kahneman et de ses collègues ont montré que le consommateur moyen donne irrationnellement beaucoup plus d'importance au rabais, tout comme l'investisseur moyen donne plus d'importance à 100 euros de capital préservé plutôt qu’à 100 euros de capital gagnés.

Des décisions difficiles

Une des conséquences de la peur de perdre est parfois de manquer le bon timing : lorsqu’un placement a vu son prix baisser, les investisseurs sont réticents à convertir une perte potentielle en une perte réelle en vendant leur position. Ils ont tendance à garder les positions, même si elles sont en rouge, dans l'espoir que leurs thèses d’investissement finissent par se révéler juste. Ou à l’inverse, ils coupent leurs positions trop rapidement et réalisent des pertes qui parfois auraient pu être évitées.

L'intersection entre les ETF et la finance comportementale

Ces dernières années, les ETF ont beaucoup gagné en intérêt  auprès des investisseurs. "La désillusion croissante à l’égard de la gestion active a poussé les investisseurs vers la réplication pure et simple du marché», explique Lee Davidson, analyste chez Morningstar. Le faible coût, la transparence et la liquidité des ETF, ont fait le reste.

"On doit modifier le concept de gain et de perte" explique Lee Davidson. "Habituellement, on compare la valeur de notre investissement avec le prix auquel nous l'avons acheté, une sorte d'ancre mentale. En fait, la finance comportementale nous dit que nous devrions le comparer avec le rendement du marché, c'est à dire avec la performance que l’on obtiendrait sans prendre aucune décision et sans mettre en œuvre une stratégie, mais simplement en reproduisant le marché". Par conséquent, dans ce cas, les gains ou les pertes représentent les résultats d'une stratégie active, qui vise à battre le marché, mais qui n’y parvient pas souvent. Les ETF apportent une aide dans ce cas en permettant de minimiser l'aversion aux pertes : "l'utilisation des ETF élimine la nécessité de vérifier périodiquement si l'allocation d'actifs bat ou pas le marché, puisque, par définition ils reproduisent le même marché", explique Davidson.

La semaine prochaine, nous parlerons de l’Endowment effect, la tendance à trop aimer ce que vous possédez déjà.

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A propos de l'auteur

Valerio Baselli

Valerio Baselli  est éditorialiste sénior chez Morningstar.