Une année particulièrement difficile pour les marchés obligataires

Les gérants obligataires ont dû faire face à un mouvement de défiance généralisée, tant envers la dette gouvernementale qu’envers le crédit.

Mara Dobrescu 09.01.2012
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Principalement marquée par l’éclatement de la crise de la dette souveraine en Europe, l’année 2011 aura été turbulente pour les marchés obligataires, particulièrement au cours du troisième trimestre. Aux craintes sur la viabilité de l’Union monétaire et financière européenne se sont ajoutées des inquiétudes croissantes sur la solidité du système financier et sur l’éventuelle raréfaction du crédit sur fonds de ralentissement de la croissance dans l’ensemble des pays développés.

La principale conséquence de cette crise a été un mouvement de défiance de plus en plus généralisée à l’égard des pays de la zone euro, à l’exception de l’Allemagne. Les spreads entre le taux des emprunts allemands et ceux des pays périphériques de la zone euro, mais aussi celui de la France, se sont en effet fortement écartés, notamment au cours de l’été. A fin novembre 2011, les obligations italiennes à 10 ans offraient ainsi un taux de rendement de 7,06%, 519 pbs au-dessus des taux allemands, alors qu’en janvier 2011, l’écart n’était que de 118 pbs. Pour les taux espagnols à 10 ans, le spread est passé de 247 pbs en début de période à 433 pbs, alors que le spread des emprunts Grecs, dont le défaut de paiement est déjà reflété dans les prix de marché, est passé de 882 pbs à 1605 pbs entre janvier et novembre 2011.[1]

L’autre grande conséquence de la nervosité des marchés en 2011 a été la méfiance envers le secteur financier, qui représente en moyenne 35 à 40% des émetteurs de dette privée (tel que mesuré par l’indice BarCap Euro Agg Corporates). L’indice IBoxx EUR Corp Financials a ainsi baissé de -0,53% sur l’année alors que les émetteurs « corporate » non financiers ont en réalité bien progressé (+3,93% pour l’indice IBoxx Eur Corp Ex-Financials). La catégorie Obligations EUR Haut Rendement, la plus risquée de l’univers corporate, a quant à elle fortement souffert au cours de l’été et termine l’année sur -1,07%, même si là encore les fonds de la catégorie ont réussi à regagner au 4e trimestre, pour la plupart, une partie du terrain perdu au cours de l’été.

Après avoir mieux tenu que la dette privée au cours de l’été dans un contexte de forte aversion au risque, la moyenne de la catégorie Obligations EUR Gouvernementales a lâché un peu de terrain au 4e trimestre (-0,47%), les investisseurs ayant regagné un peu d’appétit pour le risque. Elle termine toutefois l’année sur une performance largement positive (+2,88%) et supérieure au total à celle des obligations privées (+0,31% pour la catégorie). Le pessimisme concernant les perspectives de croissance de la zone euro s’est aussi traduit par des prévisions d’inflation particulièrement faibles. Les obligations EUR indexées sur inflation ont ainsi nettement sous-performé les obligations classiques (2,09% contre 2,88% pour les moyennes de catégorie respectives).

Enfin, les autres grands marchés obligataires globaux témoignent d’une remarquable résistance, même si celle-ci est à l’inverse associée à des prévisions supérieures d’inflation. Les investisseurs ayant opté pour les obligations gouvernementales britanniques ont ainsi pu récolter en moyenne +18,87% et encore plus (22,16%) pour la version indexée sur inflation. Celle-ci n’est que partiellement attribuable à l’effet devise, la livre sterling ne s’étant appréciée que de +2,5% par rapport à l’euro sur l’année 2011[2]. Les bons du trésor Américain, malgré la perte du AAA, ont aussi eu la faveur des marchés, avec une progression de +10,35% sur l’année et +15,64% pour la catégorie Obligations US indexées sur inflation. Au total, la catégorie Obligations Internationales termine ainsi l’année avec une progression de 6,04%, plus de la moitié de cette performance ayant été enregistrée au dernier trimestre (+3,51%).

Fig1 :

Nom de la catégorie

Performance sur l'année 2011

Performance sur le 4e trimestre uniquement

Obligations EUR Emprunts Privés

 0,31

 1,18

Obligations EUR Diversifiées

 1,38

 0,27

Obligations EUR Emprunts d’Etat

 2,88

- 0,47

Obligations EUR Haut Rendement

- 1,07

 4,62

Obligations EUR Indexées sur l’inflation

 2,09

 0,00

Obligations GBP Emprunts d’Etat

 18,87

 9,19

Obligations GBP Indexées sur l’inflation

 22,16

 11,14

Obligations Internationales

 6,04

 3,51

Obligations USD Emprunts d’Etat

 10,35

 3,95

Obligations USD Indexées sur l’inflation

 15,64

 5,85

 

Au sein de la catégorie Obligations d’Etat EUR, certains fonds ont réussi à sortir du lot. C’est le cas notamment de Blue Bay Investment Grade Eur Gvt Bd Fund [Bronze] (+4,57% soit 1,68% de plus que la catégorie). Restreint aux émetteurs souverains notés « investment grade », ce fonds a notamment bénéficié de sa sous-exposition à la France. Il a également ajouté de la valeur par l’utilisation de CDS souverains, et le pari long sur l’Espagne, au détriment de l’Italie, a été bénéfique sur l’année. 

A l’inverse, Petercam Bonds EUR (Gold) sous-performe nettement (-0,97% soit 384 bps de moins que la catégorie) sur l’année. Le pari contrariant du gérant sur la Grèce (qui représentant encore 4,7% du portefeuille à fin septembre 2011) a lourdement pénalisé sa performance relative. Le positionnement « barbell » (c'est-à-dire privilégiant les extrémités de la courbe des taux) adopté pour l’exposition aux pays périphériques a coûté, notamment en novembre, alors que les taux longs de l’Espagne et de l’Italie se sont fortement écartés.

Parmi les fonds investissant sur la dette privée (catégorie Obligations Emprunts Privés EUR), Axa Euro Crédit (Bronze) affiche une belle performance, de +2,58% contre 0,31% pour la catégorie. L’équipe de gestion a fait preuve d’une bonne réactivité et sa lecture macroéconomique s’est avérée juste. Après avoir maintenu un positionnement offensif sur la première partie de l’année (surpondération des financières), le fonds a réduit la voilure en juin, juste avant le dévissement des marchés, et a augmenté le niveau de cash en portefeuille, ce qui a contribué à sa bonne tenue au cours de l’été. Enfin, anticipant une reprise en octobre, l’équipe avait réintroduit un biais offensif dès fin septembre, ce qui lui a permis de tirer profit du rebond.

Parmi les moins bonnes performances de la catégorie, le fonds Invesco Euro Corporate Bond (Silver) termine l’année à -1,42%. Le fonds a souffert au cours de l’été de sa surpondération sur les financières ainsi que de sa duration, courte par rapport à l’indice, alors que les taux ont baissé au troisième trimestre. L’exposition au segment « high yield » (12,75% de l’actif à fin novembre 2011) s’est également révélée pénalisante au cours de la crise de l’été.

Enfin, au sein de la catégorie Obligations EUR Haut Rendement, certains fonds ont réussi à limiter la baisse, comme Raiffeisen Europa High Yield (Silver), avec -0,52%. Pour atténuer les chocs de marché, le fonds peut être investi jusqu’à 20% dans des émissions « investment grade » et la part de celles-ci représentait 13% du portefeuille à fin octobre 2011. En revanche, parmi les derniers fonds du classement, Amundi Oblig Haut Rendement (Negative) perd -6,6%. L’exposition au secteur bancaire a lourdement pesé sur la performance au cours de l’été 2011, et a également engendré une volatilité nettement supérieure à la moyenne.

 

Au sein de la catégorie Obligations Diversifiées EUR, certains fonds ont fait preuve d’une bonne résistance – ainsi, BGF Euro Bond (Silver) termine l’année avec une nette avance sur ses concurrents (3,06%). Sur la partie gouvernementale, le gérant a préféré privilégier les pays cœur de la zone euro, un club devenu de plus en plus sélect à mesure que l’année avançait. Sur la partie « crédit », il a également favorisé les émetteurs qui lui semblaient de meilleure qualité, ce qui a contribué aux bons résultats du fonds. Parvest Bond Euro (Bronze) réalise en revanche une performance nettement moins enthousiasmante (-1,06%), la plupart des paris de l’équipe s’étant révélés peu réussis, comme la duration courte par rapport à l’indice, et la surpondération de la France (en particulier des banques françaises) au détriment de l’Allemagne.

Enfin, au sein de la catégorie Obligations Internationales, les écarts de performance ont été significatifs. Invesco Perpetual Global Bond (Bronze) réalise ainsi +7,56% sur l’année. Le fonds investit principalement dans la dette gouvernementale mais peut aussi marginalement s’exposer à la dette privée si les gérants y trouvent des opportunités attractives. Le fonds a notamment bénéficié cette année de sa surpondération sur les bons du trésor américain et les obligations publiques Allemandes. L’exposition au Royaume-Uni (31,3% du portefeuille à fin novembre 2011) s’est également révélée bénéfique. Enfin, Templeton Global Bond (Silver) réalise une performance décevante (0,11%). Ce fonds, géré avec de fortes convictions et susceptible d’afficher des paris marqués par rapport aux indices, a maintenu au cours de l’année 2011 une forte surexposition aux marchés émergents, la Corée et la Pologne notamment. Par conséquent, la sous-exposition aux pays développés, et notamment aux Etats-Unis, a négativement impacté la performance relative du fonds.

 

A fin septembre 2011, la recherche qualitative de Morningstar couvre 19 fonds dans la catégorie Obligations Gouvernementales EUR, 33, dans la catégorie Obligations Diversifiées EUR, ainsi que 31 dans la catégorie Obligations Privées EUR et 14 au sein de la catégorie Haut Rendement EUR. Pour retrouver la liste de tous les fonds notés, cliquez ici.

 


[1] http://www.ecb.int/stats/money/long/html/index.en.html

[2] http://www.ecb.int/stats/exchange/eurofxref/html/eurofxref-graph-gbp.en.html

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A propos de l'auteur

Mara Dobrescu

Mara Dobrescu  est analyste Fonds chez Morningstar France