PARIS (Agefi-Dow Jones)--Une véritable onde de choc. L’annonce surprise de la démission de Luca de Meo de son poste de directeur général de Renault conduit à un net décrochage du cours de Bourse du constructeur automobile. Vers 12h15 lundi, l’action chutait de 6,5%, à 40,22 euros, signe de l’inquiétude des investisseurs face à ce changement brutal de gouvernance au moment où Renault devait consolider son redressement et préparer un nouveau cycle stratégique.
Qualifié de “coup dur pour Renault” par AlphaValue, le départ de Luca de Meo, qui sera effectif le 15 juillet prochain, n’efface en rien l’empreinte profonde laissée par le dirigeant. L’arrivée de Luca de Meo en 2020 avait redonné un souffle nouveau à Renault, alors confronté à des turbulences économiques et industrielles majeures: crise sanitaire, pénurie de semi-conducteurs, retrait du marché russe ou encore tensions au sein de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi.
Sous sa houlette, le plan stratégique “Renaulution” avait permis un assainissement des finances du groupe et un recentrage sur les modèles rentables. Les résultats de l’exercice 2024 et les perspectives pour cette année témoignent aussi de ce redressement, porté par un sens affûté du produit et du marketing.
La future gouvernance de Renault cristallise à présent toutes les attentions. Le conseil d’administration du groupe, présidé par Jean-Dominique Senard, entend désigner un successeur à Luca de Meo dans les plus brefs délais, en s’appuyant sur un riche vivier de talents internes et sur une veille active à l’externe. “Une nomination pourrait intervenir avant le 15 juillet prochain, car Renault ne souhaite pas imiter Stellantis en restant six mois sans pilote”, a indiqué une source proche du dossier à l’agence Agefi-Dow Jones.
De nombreux défis à relever
Cette urgence est dictée par les enjeux majeurs qui attendent le groupe. Les investisseurs se focalisent sur la présentation au plus tard à la fin de cette année du nouveau plan stratégique “Futurama” de Renault pour le moyen terme, rappelle JPMorgan. Cette nouvelle feuille de route devra conforter la transformation engagée par Luca de Meo tout en projetant Renault au-delà des frontières européennes, sur des marchés en croissance et dans des chaînes de valeur élargies, notamment dans les domaines de la technologie, des services et des nouvelles mobilités.
Le futur directeur général de Renault devra également poursuivre le détricotage progressif des liens avec son partenaire japonais Nissan, tout en préservant les synergies essentielles à la compétitivité. L’influence croissante du constructeur automobile chinois Geely, devenu un partenaire financier du groupe en Corée du Sud et au Brésil dans la production de moteurs thermiques, ainsi que le rôle prépondérant de l’Etat français, en qualité de premier actionnaire, complexifieront sa tâche. Le candidat idéal devra donc conjuguer vision stratégique et sens politique.
Renault possède en son sein plusieurs profils pouvant prétendre à une promotion. Selon Oddo BHF, Denis Le Vot, l’actuel directeur général de Dacia, dispose d’une légitimité acquise au fil d’un parcours de plus de trente ans chez Renault et des succès indéniables à la tête de la marque d’origine roumaine. Josep Maria Recasens, récemment nommé directeur général d’Ampere, la filiale du constructeur automobile Renault dédiée aux véhicules électriques, apparaît également comme un candidat naturel, fort d’une connaissance intime des enjeux d’innovation et de transition énergétique.
La tentation d’un profil externe
Le recours à un profil externe reste envisageable, mais viserait sans doute un dirigeant rompu aux défis industriels et aux transitions technologiques. Pour Jefferies, la réorganisation de la gouvernance de Stellantis pourrait faire émerger quelques candidats. Maxime Picat, l’actuel responsable des achats et de l’approvisionnement du groupe né en 2021 de la fusion entre Groupe PSA et Fiat Chrysler Automobiles (FCA), pourrait en faire partie. “Le dirigeant, qui semblait vouloir prendre la succession de Carlos Tavares chez Stellantis, jouit d’une excellente réputation dans le secteur”, observe un analyste basé à Paris.
Dans un contexte de concurrence exacerbée par l’offensive des constructeurs chinois dans l’électrique et de tensions géopolitiques persistantes, le choix du futur directeur général constituera un signal fort adressé par Renault aux investisseurs. Le groupe a l’occasion d’affirmer sa volonté de poursuivre sa transformation et de s’adapter aux bouleversements d’un secteur en pleine mutation.
Après avoir salué les robustes résultats obtenus par Renault sous “l’ère Luca de Meo” et un doublement de son cours de Bourse durant son mandat, les investisseurs attendent désormais que le groupe confirme sa capacité à écrire un nouveau chapitre de son histoire industrielle, avec une gouvernance à la hauteur des ambitions affichées. La culture collective insufflée en son sein ces dernières années, à rebours de ce que l’on observe chez certains concurrents comme Stellantis, devrait faciliter une transition en douceur.
-Dimitri Delmond, Agefi-Dow Jones, ddelmond@agefi.fr, ed: JDO
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